« Les êtres humains sont étrangers au pur esprit, car le propre de cette race malheureuse est l’âme, région déchirée entre la chair corruptible et le pur esprit, région intermédiaire où a lieu ce que l’existence a de plus grave : l’amour et la haine, le mythe et la fiction, l’espérance et le rêve. »
Dans ce troisième et dernier roman, publié en 1974, l’écrivain Argentin se met lui-même en scène et nous ouvre les portes de son univers, un monde formé de songes et de réflexions, peuplé de personnages, réels ou fictifs, certains rencontrés dans ses précédents ouvrages, d’autres pour la première fois ici.
L’histoire se déroule en Argentine en 1973, au moment où un écrivain nommé Sabato ou S., après une longue interruption, décide de reprendre la plume, et tente, à partir de notes diverses, de créer un nouveau récit. Ainsi on assiste non seulement au processus de création, mais on entre par là dans l’existence de l’auteur et de ses personnages.
Ce procédé permet à Sabato d’utiliser diverses perspectives et divers moyens pour transmettre et situer sa pensée, de même qu’elle lui permet d’illustrer et de situer sa perception de l’art, de la création ou de la science. Car il faut le dire, ce récit constitue pour une bonne partie, un prétexte à discuter des idées ou des thèmes chers à l’auteur, de même qu’à tenter de mettre tout cela en perspective avec son travail, puis avec la vie.
Ainsi, au fil du roman, divers sujets sont abordés tels que la pensée marxiste, le sens de l’existence, la relation entre l’âme, le corps et l’esprit, le rôle de la science, l’art, la cruauté, l’insignifiance, la mort, etc.
Mais il y a aussi la puissance évocatrice du verbe, des images fortes et sensuelles, des mots qui interpellent. Si bien qu’au gré de ces phrases où alternent les discussions, les échanges et les réflexions, où fiction et réel s’entrelacent jusqu’à ne faire qu’un, on découvre une incessante recherche du sens profond des choses.
C’est donc par ce jeu de l’esprit et des mots que l’auteur nous tient en haleine dans ce récit qui, par sa forme et son contenu, n’intéressera sans doute pas tous les lecteurs.
Cela dit, des trois ouvrages de fiction qu’a publié Sabato, ‘L’ange des ténèbres’ est celui qui semble le plus authentique et le plus personnel.
SpaceCadet - Ici ou Là - - ans - 21 juin 2012 |