Le sel
de Jean-Baptiste Del Amo

critiqué par Arclan, le 3 novembre 2010
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Exceptionnel et inoubliable
C'est un véritable coup de coeur que je vous invite à découvrir, un roman exceptionnel : "Le sel" de Jean-Baptiste Del Amo.

Un grand dîner doit rassembler chez Louise, la veuve d’un pêcheur sétois, ses enfants dispersés et leurs familles. La perspective de ce dîner fait remonter en chacun d’eux des souvenirs, des rancunes, des attendrissements mélancoliques, des regrets et des drames intimes : Fanny, sa rivalité avec sa mère et la perte de sa propre fille Léa ; Jonas, sa rivalité avec Albin, son homosexualité et la perte de Fabrice, son premier compagnon, mort du sida ; Albin, enfin, sa ressemblance avec son tyran de père et la séparation qu’Émilie sa femme lui impose ce soir-là. Louise, elle aussi, se souvient : de la brutalité de son mari, de la dureté de sa vie, des occasions de rencontres amoureuses qu’elle n’a pas pu saisir, de son corps jadis radieux et exigeant, du fossé qui l’a toujours séparée de ses enfants.

Les scènes qui se succèdent ont chacune une force propre, et certaines sont inoubliables.

Dans une langue magnifique, Jean-Baptiste Del Amo parle admirablement de la vérité des corps et des mensonges fondateurs des familles, fils rouges d'une oeuvre aussi jeune qu'impressionnante.
On ne choisit pas ses parents .. on ne choisit pas sa famille 7 étoiles

" Le sel " de Jean-Baptiste Del Amo (400p)
Ed; Gallimard.

Bonjour les lecteurs...

Après " Règne animal", c'est avec un véritable plaisir que j'ai découvert cet autre roman de l'auteur.

Registre totalement différent....

Nous passons une journée dans une famille de pêcheurs sétoise.
Famille ô combien tourmentée sous un vernis lisse!

La mère a décidé de réunir ses trois enfants, les pièces rapportées et les petits-enfants le temps d'un dîner.
Avant la rencontre, nous nous immergeons dans les souvenirs de chacun. Nous découvrons leurs caractères, leurs faiblesses, leurs peurs.
Chacun évoque les jours heureux mais aussi les craintes, les déceptions.
Personne n'est épargné, depuis le père, rustre marin pêcheur jusqu'à la jeune génération.
Jamais, cependant, ils ne seront confrontés les uns aux autres lors de cette journée. L'occasion de s'expliquer, de mettre les choses à plat s'est envolée.

On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille comme chantait un certain Maxime

Une famille comme tant d'autres en fin de compte, avec ses non-dits, ses comportements de façade.
Chacun présente ses souvenirs, son passé, essaye de justifier son comportement.
Y sont évoqués les relations "mère-fille", la différence difficile à accepter, les clichés qui ont bien du mal à disparaître, la vie et la mort et ... l'amour bien entendu

J'ai aimé me plonger dans ce huis-clos familial, essayer de comprendre leurs souffrances.
Jean-Baptiste Del Amo manie le kaléidoscope de nos émotions avec brio.
Je n'ai cependant pas ressenti le même engouement que pour " règne animal"

Faby de Caparica - - 62 ans - 20 juin 2019


Le poids du passé 9 étoiles

C'est l'histoire d'une famille, qui se cristallise à l'occasion de la préparation d'un dîner de famille censé réunir ses membres. Le roman reprend le point de vue des principaix protagonistes avant cette réunion, reprend leurs blessures, leurs souvenirs joyeux ou tristes.

C'est d'abord un remarquable travail sur le point de vue : on reprend ici le point de vue de chacun des protagonistes, parfois à travers des histoires du passé contées par des personnages disparus. Chacune de ces histoires constitue le fil de la toile qui permet de mieux comprendre l'histoire de la famille, à travers les souffrances, vices, joies et vécus de chacun.

Fa - La Louvière - 49 ans - 29 août 2011


Tuer le père 6 étoiles

C’aurait du être l’histoire d’une rencontre. A l’initiative de la mère, Louise, les trois enfants se seraient réunis le temps d’un dîner, accompagnés de leurs familles respectives et renvoyant une image d’unité et d’idéal familial bien loin des réalités qui n’ont eu de cesse de les séparer. Dans un premier temps, chacun s’affaire donc à sa tâche. Louise, sorte de Mrs. Dalloway du sud de la France, fait le tour des marchés et s’interroge sur son dîner et la présence ou non de tous ceux qui lui sont chers. Puis, un à un, les trois enfants entrent dans le bal : Albin, l’aîné, dont le couple bat sérieusement de l’aile ; Fanny, qui s’accroche à l’apparence d’une petite vie bourgeoise pour cacher son mal-être ; Jonas, le petit dernier, homo qui se remet difficilement de la disparition de son ex, mort des suites du SIDA.

Ce sera l’histoire de souvenirs. « Quand tout sera terminé, lit-on sur la quatrième de couverture, vous douterez de moi, du souvenir qu’il vous restera de moi. Les choses sont ainsi, les vivants défigurent la mémoire des morts, jamais ils ne sont plus loin de leur vérité ». Dans ce bal, chacun des vivants y ira de sa farandole avec Armand, le père, disparu récemment, mais toujours omniprésent dans la mémoire et la vie de chacun. C’est dès lors un véritable travail sur le souvenir que nous offre Del Amo. A travers les évocations parcellaires que donnent les différents membres de la famille d’un père ou d’un mari, se dessine, par toutes petites touches, le portrait d’un marin sétois rugueux dont l’empreinte laissée par-delà sa mort continue d’affecter les vies. Ce père éternellement absent est au centre du roman, il en est le personnage principal et constitue de loin la figure la plus intéressante de ce drame bourgeois au thème d’un classicisme seriné, qui ne dénote que par sa transposition quelque peu iconoclaste dans le quotidien d’une famille de pêcheurs qu’on pourrait imaginer issue d’un milieu plus modeste que celui dans lequel se jouent généralement ces petites tragédies familiales dans les œuvres de fiction. Rien ne le laisse cependant penser, et c’est peut-être regrettable.

Ce qui l’est encore plus, c’est l’absence d’ambivalence autour du personnage d’Armand. A part un vague mystère soulevé par Albin, le fils préféré, au milieu du roman, et trop superficiel pour qu’on s’y attache réellement, une impression d’uniformité se dégage des évocations faites par les différents membres de la famille. Ainsi, Armand est une fois pour toute un tyran, parfois violent, qui ne s’épanouira vraiment que dans sa relation avec la mer. Dans une troisième partie, faite de ce qui apparaît plus comme des bouts épars de réalité collés les uns aux autres que comme des bribes de souvenirs incertains, Del Amo nous justifiera cette attitude par un effet de mimétisme avec l’image paternelle qu’Armand a lui-même connu dans son enfance. Se dégage donc de tout cela l’impression d’un être monolithique et unidimensionnel, une figure unanime de mauvais père, qui, telle une malédiction, semble se répandre dans la famille de génération en génération. C’est regrettable. On aurait souhaité plus d’ambiguïté à l’issue de la lecture de tant de souvenirs à propos desquels l’auteur écrit qu’ils « défigurent » les morts. On voudrait que, sur les morts, plane autre chose que l’ombre d’une frustration et la question de savoir s’ils ressemblaient vraiment plus au fils que l’on croit et pas à l’autre. On aurait aimé ne pas avoir si bien saisi de quoi était fait Armand, mais plutôt devoir le reconstruire nous-mêmes, dans l’incertitude, à partir des morceaux contradictoires laissés çà et là par ceux qui l’ont connu le mieux et qui ne pourraient pourtant pas se mettre d’accord à son sujet. Ce roman à la prose soignée et à la construction intelligente n’accouche donc que d’un secret de famille et de polichinelle ; le petit scandale bourgeois en milieu ouvrier remplace malheureusement le portrait par ses proches d’un être qu’on aurait aimé davantage ambigu ; le souvenir d’un père laisse place à une interrogation qu’on aura la bienséance de taire lors du prochain dîner de famille. Finalement, les morts peuvent continuer à dormir tranquilles, sans crainte d’être trop écorchés par les souvenirs des vivants.

Stavroguine - Paris - 40 ans - 29 novembre 2010


Secrets de famille 6 étoiles

En cette belle journée d'été, Louise s'apprête à recevoir ses trois enfants, Fanny, Albin et Jonas. Un événement très banal que vivent régulièrement de nombreuses familles. Mais si la perspective de ce dîner devrait a priori les réjouir, elle se révèle être source d'angoisse pour ces quatre personnages. Car tous savent que l'ombre du père, mort d'un cancer quelques années plus tôt, va planer sur ce rassemblement familial. Rude marin silencieux et violent, cet homme a régné sur les siens tel un dicateur, les marquant d'une empreinte indélébile. Une cicatrice, résultat d'une profonde blessure, que chacun tente d'enfouir au plus profond de son être. Mais qui se rouvre en ce jour durant lequel les souvenirs remontent à la surface. A tour de rôle, Fanny, Jonas et Albin se racontent et parlent de leurs sentiments envers ce père si dur, et envers cette mère si passive.

Toute famille recèle paraît-il des secrets sur lesquels elle s'est construite plus ou moins solidement, secrets qui sont autant de failles prêtes à en engloutir les membres. Les non-dits et les silences deviennent alors la règle du bon déroulement de ces fêtes familiales où l'on se parle sans rien se dire. Voilà pourquoi ce roman peut entrer en résonance, faire écho au vécu du lecteur. Même si bien sûr toutes les histoires sont différentes, il est très aisé d'y trouver des points communs et de se retrouver dans les situations décrites ici. C'est en tout cas ce que j'ai éprouvé, au point de trouver cela parfois gênant tout en rendant ce roman impossible à lâcher. Tout au moins dans les deux premières parties, car j'ai ensuite regretté le choix de l'auteur consistant à fournir des explications à tous les comportements. J'aurais préféré, je crois, que le lecteur reste dans l'ignorance et donc dans le non-dit, tout comme les membres de cette famille. Le sel aurait ainsi eu un arrière-goût bien plus amer encore.

Aliénor - - 56 ans - 28 novembre 2010