Georges
de Alexandre Dumas

critiqué par Killeur.extreme, le 30 octobre 2010
(Genève - 43 ans)


La note:  étoiles
l'amour entre une "Blanche" et un "Mulâtre"
En 1810, l'île de France (Maurice aujourd'hui) est menacée par les Anglais, la résistance est dirigée par les riches propriétaires, représentés par Monsieur de Malmédie. Pierre Munier, propriétaire mulâtre (métis aujourd'hui) aimerait se joindre au mouvement, mais aucun des "Blancs" n'accepte qu'un "sang mêlé" combatte à leurs côtés, alors, sous l'impulsion de ses fils Jacques et Georges, il se met à la tête d'une armée improvisée d'Hommes de couleurs et il arrive à repousser une attaque des Anglais et il rapporte un drapeau qu'il confie à Georges, mais Henri de Malmédie estime que ce drapeau ne doit appartenir qu'à son père, en tout cas pas à un mulâtre, Georges ne se laisse pas faire et Jacques est obligé de frapper Henri qui a agressé Georges avec son sabre, Monsieur de Malmédie prend bien sûr la défense de son fils. Pierre Munier décide d'envoyer ses fils en Europe pour parfaire leur éducation et leur éviter une vengeance des Malmédie.
Quatorze ans plus tard Georges revient, il tombe amoureux de Sara, la nièce de Monsieur de Malmédie, qui est fiancée par convention familiale à Henri, mais Georges ne laisse pas indifférente la jeune femme, la haine qui existe entre les deux familles aura-t-elle raison de cet amour?....

A l'époque où "Georges" a été publié (1843, un an avant les "Trois mousquetaires") certains pensaient que ce roman était en avance sur son temps et plutôt progressiste (un Homme de couleur qui arrive à se faire aimer par une femme blanche), mais de nos jours, le jugement serait plutôt différent et un roman qui aurait été progressiste en 1843, serait taxé de raciste et conservateur en 2010, notamment car les thermes de "Nègre", "Mulâtre" sont devenus de nos jours péjoratifs, voire racistes alors que "Nègre" veut dire pour l'époque ce que veut dire "Noir" de nos jours et encore le terme est remplacé plus volontiers par "Black" ou "personne de couleur".

Le roman n'est plus vraiment progressiste de nos jours car Dumas dénonce le préjugé entre "Mulâtre" et "Blanc", mais il trouve normal que la famille de Georges "Mulâtre" ait des esclaves "Nègres" et même que Jacques, frère de Georges, donc métis, soit négrier, certes Dumas fait de la famille Munier de "Bons maîtres" et les esclaves sont traités plus humainement, mais c'est plus dans un souccis de bonne rentabilité, un esclave bien traité a plus de valeur, par Pierre Munier que ceux de la famille Malmédie et dans tout le roman il n'y a pas beaucoup d'esclaves qui ont une stature héroïque Seule Laïza et son frère Nessim ont cette stature, mais eux ont du sang arabe donc ce ne sont pas vraiment des "Nègres".

On pense aussi que ce roman est un roman personnel de Dumas, mais celui-ci étant ambigu avec ses origines, il n'est pas militant pour la cause noire et on ne le voit jamais vraiment revendiquer ses orrigines noires, on cite sa célèbre réponse à une interpellation: "Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre (sa grand-mère paternelle plutôt dans les faits), mon arrière-grand-père était un singe, vous voyez ma famille commence là où finit la votre !", mais celle-ci prouve plus un agacement qu'une défense de ses origines, donc ce roman n'est pas plus personnel que les autres, Dumas n'étant pas un écrivain engagé... Victor Hugo avec son "Bug-Jargal" antérieur ayant certains points communs avec "Georges" va, pour moi, plus loin dans son message égalitaire.

Un bon roman d'aventure, des batailles navales contées avec la verve unique de Dumas, les personnages qui ont une filiation directe avec ses autres romans. La description de l'Île de France qui change de ses romans historiques habituels.

Mirecourt le pamphlétaire affirme que "Georges" a été principalement écrit par Félicien Maleville, écrivain natif de l'Ile de France, mais le préfacier du texte émet de grands doutes, non sur la participation de Maleville au roman pour la partie documentation, mais sur la paternité, Maleville n'ayant pas le même style que Dumas d'ailleurs Maleville n'a jamais confirmé, selon le préfacier toujours, sa participation au roman et les écrits de Mirecourt étant douteux (entièrement à charge contre Dumas) et qu'aucune preuve ne conteste la déclaration de Dumas qui affirme avoir écrit "Georges" seul. Comme pour tous les romans de Dumas la question de la paternité est délicate, mais moi qui en ai lu beaucoup je reconnais chez "Georges" toutes les qualités des autres romans du Grand Alexandre.
A redécouvrir 10 étoiles

En 1810, sur l'Ile de France (île Maurice), la bataille fait rage entre les Français qui la possèdent encore et les Anglais qui la convoitent. Commencé sur mer, le conflit se poursuit sur terre où, suite à un débarquement massif, les Anglais finiront par l'emporter. Pierre Munier, le plus riche propriétaire terrien de l'île mais mulâtre, se voit refuser par Monsieur de Malmédy, un autre notable mais blanc, l'autorisation de se battre avec son fils aîné aux côtés des colons blancs. Pierre prend alors la tête d'une armée de miliciens noirs et, suite à une escarmouche audacieuse, réussit à s'emparer d'un drapeau ennemi qu'il confie un moment à Georges, son plus jeune fils. Henri, le fils de Malmédy veut lui disputer son trophée. L'enfant refusant en se débattant comme un beau diable, il le blesse d'un coup d'épée. Son grand frère intervient en frappant Henry. Finalement, c'est Malmédy lui-même qui oblige Munier à céder. A l'issue de cette altercation, Pierre Munier décide d'envoyer ses fils étudier en métropole. Quatorze années plus tard, Georges rentre au pays. C'est un beau garçon grand, costaud, riche, courageux et surtout très déterminé à venger l'humiliation subie par sa famille. Y parviendra-t-il ?
Ce roman assez peu connu du grand Alexandre Dumas fut peut-être celui qui tenait le plus à coeur à son auteur. De même que Flaubert disait : « Madame Bovary, c'est moi ! », le lecteur peut aisément imaginer que Dumas, étant « quarteron », a mis énormément de lui-même dans le personnage épique et chevaleresque du mulâtre Georges qui doit subir rejet et avanies à cause de la couleur de sa peau. Il s'est contenté de transposer une histoire très voisine de celle de Toussaint Louverture des Antilles aux Mascareignes en gardant la même problématique, celle de l'abolition de l'esclavage et de l'émancipation des noirs. A l'appui de sa thèse, les noirs sont en général bons et généreux et les blancs mesquins, fourbes et lâches avec des exceptions qui nuancent heureusement le propos. Mais « Georges » n'est pas qu'un livre militant, c'est aussi un grand roman historique plein de bruit et de fureur, de batailles terrestres et navales, de cataclysmes (une belle description de cyclone tropical), de rebondissements et d'histoires d'amour et d'amitié. Et toujours, la qualité extraordinaire d'une prose rythmée qui s'empare du lecteur et ne le lâche plus, tellement tout est bien amené, bien documenté et bien raconté. A redécouvrir.

CC.RIDER - - 66 ans - 11 août 2013