Oeuvres complètes de Pierre Loti, tome 4 : Propos d'exil - Madame Chrysanthème - Japoneries d'automne
de Pierre Loti

critiqué par Tistou, le 15 octobre 2010
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Annam …
Pierre Loti a écrit quantité de nouvelles ou d’articles au fil de ses voyages et pérégrinations. Parus dans des journaux, des revues, elles témoignent de l’intérêt du voyageur et de l’humaniste Pierre Loti, notamment pour les civilisations africaines, orientales, asiatiques. Celle-ci, avant le volume éponyme de 1887, a paru d’abord en 1884 et 1885 dans « La revue des deux mondes ». C’est d’Annam qu’il est question …

« C’est de grand matin, en Annam, dans une baie de côte. – Notre bâtiment est mouillé au large. – Mon tour de corvée m’appelle à me rendre dans une petite ville qui doit être là quelque part et qui se nomme Tourane.
Il s’agit d’y prendre le chef mandarin et de l’amener à bord faire sa visite de soumission, afin que des relations amicales puissent s’établir ensuite entre nous et cette province qu’on nous a donnée à garder.
La baie est belle et vaste. Elle est entourée de très hautes montagnes sombres, excepté au fond, où il n’y a qu’une bande de sable toute plate, - comme un morceau d’un autre pays qu’on aurait mis là, faute de mieux, pour finir.
Et c’est dans ce fond, paraît-il, dans cette plaine, que nous devons trouver Tourane, au bord d’une rivière dont nous ne voyons pas encore l’entrée. »

L’officier de marine raconte donc cette expédition à Tourane pour prendre contact avec le mandarin local et remplir sa mission. Sa petite expédition va aussi découvrir un pays et des habitants qui, manifestement, déconcertent largement Pierre Loti, qui ne semble pas nourrir une affection particulière pour « les chinois ».

« La grande case obscure se remplit peu à peu de gens qui entrent sans bruit et restent debout pour écouter : beaucoup de vieillards, tannés comme des momies, sous des robes misérables ; des têtes carrées, des figures de Huns. Un groupe de Chinois, d’un air cauteleux, se faufile au premier rang jusqu’à nous, - reconnaissables ceux-ci à leur peau plus pâle, leur mine plus efféminée, leur longue queue et la belle soie de leur robe ; mauvaises gens, d’ailleurs, ferments de sédition en Annam. »

Pierre Loti restitue parfaitement ce sentiment qui devait prendre les marins au cours de telles missions pour lesquelles ils ne savaient pas précisément combien de temps cela allait durer, ni surtout comment cela allait finir. Une partie de l’équipage partira pour le combat, dont on ne saura rien, quand l’officier de marine finira, lui, par être rappelé en France. Son crève-cœur de laisser là ses compagnons nous est palpable. Ce n’était pas l’époque des voyages charters !