La rébellion
de Joseph Roth

critiqué par CC.RIDER, le 13 octobre 2010
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Social, étrange et fantastique
Andreas Pum, ancien militaire, est rendu à la vie civile avec une jambe en moins, une décoration, une autorisation de jouer de la musique dans les rues et un petit orgue de barbarie. C'est un jeune homme sérieux, respectueux du pouvoir, soumis à l'autorité et persuadé de la bienveillance de Dieu et des puissants de ce monde. Un jour, il rencontre Katharina, une veuve accorte qui accepte facilement de l'épouser malgré son handicap. Il faut dire qu'aux lendemains de la Première Guerre Mondiale, les hommes libres et pas trop amochés se font rares. Le couple aurait pu mener une petite existence tranquille si un jour, dans le tramway, Andreas ne s'était pas retrouvé insulté par un monsieur riche et distingué qui était juste de mauvaise humeur et si l'altercation n'avait pas vilainement dégénéré...
Une histoire tendre et mélancolique à la gloire des petites gens, des malheureux, des opprimés. Sur un départ social et réaliste à la Romain Rolland (Crainquebille), le roman évolue peu à peu vers un étrange quasi kafkaïen pour déboucher dans un quasi-fantastique sur la fin. Le dénouement est tout à fait extraordinaire. C'est un autre Pum qui se présente au jugement : rebelle, anarchiste, athée et totalement nihiliste. Cette petite histoire avec sa suite de conséquences inéluctables et catastrophiques tient aussi de la fable et du conte philosophique. Le monde de l'après-guerre en Autriche était dur et injuste envers les plus faibles. Le nôtre l'est aussi, mais différemment.
On dirait Kafka ! 7 étoiles

Mon premier Joseph Roth.
Un texte dépouillé. Comment cet homme presque content d'avoir perdu une jambe va dégringoler d'une vie à l'autre ?
Le livre est court et il va très vite. Un peu comme la vie. Soudain dans le miroir c'est le reflet d'un vieil homme qui apparait... et l'image s'étiole.

Monocle - tournai - 64 ans - 18 juillet 2016


Pum le Magnifique. 10 étoiles

La littérature allemande abonde de récits courts comme celui-ci. Petit roman ou longue nouvelle ? Qu'importe. Le résultat est là qui nous donne une histoire dépouillée de tout chi-chis inutiles.
Le brave et courageux Andreas Pum a fait la guerre, il y a perdu une jambe et gagné...une médaille ! Mais Andreas est aussi un grand naïf. Il croyait qu'il allait obtenir de l'Etat une charge quelconque en récompense de sa vaillance. Il se contentera d'une licence l'autorisant à jouer de l'orgue de barbarie dans les cours de Vienne... Il réussit néanmoins à se marier avec une accorte veuve, mais le bonheur sera de courte durée. La fatalité guette et elle frappera durement notre pauvre héros...
J'adore Joseph Roth, un auteur que je situe quelque part entre Kafka et Perutz dans mon petit Panthéon d'auteurs préférés. Et c'est vrai qu'il y a du Kafka dans "La rébellion", surtout vers la seconde partie du récit, quand la machine infernale se met en route et broie le pauvre Andreas... Cinq étoiles, natürlich !

Patman - Paris - 62 ans - 13 avril 2012


pum... pum... pum... 10 étoiles

Blessé au cours de la Grande Guerre (14-18), Andreas Pum va voir sa vie basculer après avoir été amputé d'une jambe et pourvu d'une décoration. Il se croit dorénavant à l'abri du besoin et attend avec impatience sa prothèse, qui... ne viendra jamais! La révolution est là, qui va mettre à bas un empire finissant et voir s'envoler toutes les promesses faites antérieurement. Pourvu cependant d'une licence officielle de joueur d'orgue de Barbarie, il se transporte de cour en cour avec sa jambe de bois et amasse piécettes et billets, au nez et à la barbe des concierges qu'il nargue avec toute la fierté d'un héros de la nation. Un beau jour, après une altercation avec un passager d'un tramway qui refuse de lui faire de la place, cette vie bien réglée va se dégrader: arrestation, insulte à agent de la force publique, peine de prison, perte de la licence, tout va aller de mal en pis, jusqu'à transformer notre invalide de guerre, jusque là respectueux de l'ordre et des institutions, en un révolté qui va lentement basculer vers la folie. En forme de parabole tragi-comique dans la veine d'un Franz Kafka, le roman de Joseph Roth démonte rouage après rouage toute l'absurdité des rapports humains, dès lors que les apparences l'emportent sur la réalité. D'un pessimisme revendiqué, "La rébellion" se lit pourtant d'une traite, tant on s'attache dès la première page au destin prémonitoire de cet "indigné".

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 29 octobre 2011