Le sortilège malais
de William Somerset Maugham, E.R. Blanchet (Traduction)

critiqué par Antinea, le 9 octobre 2010
(anefera@laposte.net - 45 ans)


La note:  étoiles
Au temps béni des colonies (air bien connu)
Le sortilège malais est un recueil de nouvelles dont le fil conducteur est la Malaisie au temps des colonies. Le point de vue est uniquement celui de l’occupant anglais. Ces nouvelles racontent la façon dont ces anglais concilient leurs attitudes britanniques, leur style de vie, à ce pays si sauvage et apparemment ensorcelant. Certains méprisent les natifs, d’autres les respectent avec leurs manières toutes british, d’autres encore les ignorent. On garde l’habitude britannique de s’habiller pour le dîner même en rase campagne, on boit du whisky tous les soirs sur la terrasse, on attend les revues occidentales et le courrier qui arrivent par bateau… On tâche de vivre comme un anglais respectable.

Mais la solitude des expatriés, le réconfort dans les bras des malaises, la lâcheté face à ces familles métissées et abandonnées, la vengeance, le dégoût ou même la croyance en une malédiction sont aussi exacerbés par ce pays si différent et lointain de la mère patrie…

Ce livre a clairement été écrit pour ces anglais expatriés, ou natifs de ces colonies lointaines, ou ayant la nostalgie de ces années de voyage et rapporte donc une Malaisie uniquement coloniale. C’est une photo de ces temps, mais sans parti pris, ce qui est peut-être pire d’un certain côté : on ignore le reste car il est normal que cela soit ainsi. Bref, ceux qui souhaitent une vision romanesque ou instructive de la Malaise, de ces paysages fantastiques, de son histoire, de ses légendes, doivent passer leur chemin (et aller voir de côté de Vos écrits). Ceux qui souhaitent un cliché de ces temps coloniaux trouveront ici leur bonheur. Mais attention : ici rien n’est dénoncé, rien n’est même revendiqué, tout est politiquement correct, peut-être pour satisfaire le lectorat de l’époque… C’est la colonie presque toute propre, peu véridique, très « clichés », d’où le titre de ma critique (pour ceux qui ne connaissent pas la chanson) très ironique.
Kipling en Malaisie 7 étoiles

Le sortilège malais, c’est d’abord la tentation qu’exercent les femmes indigènes sur les représentants de la couronne, ces fonctionnaires représentant l’autorité britannique dans des villages isolés du pays. Quand ce ne sont pas ces liaisons sans avenir avec les malaisiennes, c’est l’alcool qui sert de refuge et cause la perte.
A la façon de certaines nouvelles de Kipling en Inde, S Maugham nous plonge dans le climat humide, la végétation exubérante et l’ambiance guindée des colonies anglaises.
Ces six nouvelles, à l’écriture vivante et aux portraits incisifs, mériteraient d’être rééditées.

Romur - Viroflay - 51 ans - 20 août 2015