Le fil du rasoir
de William Somerset Maugham

critiqué par Bookivore, le 6 octobre 2010
(MENUCOURT - 42 ans)


La note:  étoiles
Le sommet de Maugham
Indéniablement, "Le Fil Du Rasoir", paru en 1944 (deux ans après en France), est le sommet absolu de William Somerset Maugham (répertorié ici, sur CL, sous le nom de Somerset Maugham, plus simple). On peut aussi dire de ce roman, adapté deux fois au cinéma (deux adaptations assez moyennes, surtout la seconde avec Bill Murray), qu'il fait partie des joyaux de la littérature internationale du XXème siècle avec, au débotté, "L'Attrape-Coeur" de Salinger, "V" de Pynchon et "Le Maître Et Marguerite" de Boulgakov. Et j'en oublie.
Racontée à la première personne par l'auteur lui-même (il n'y a pas de contestation possible : il cite, dès le départ, un de ses livres, et est nommé Maugham à plusieurs reprises dans le roman), l'histoire du "Fil Du Rasoir" est magnifique. En gros, l'histoire de Larry et Isabel, deux jeunes Américains qui s'aiment mais qui se séparent, juste après la première guerre mondiale (dont Larry est revenu, on le comprend, meurtri, changé). Larry part découvrir le monde, Isabel épouse Gray, un jeune homme fortuné et ami de Larry. L'auteur, avec son ami de longue date Elliott Templeton (oncle d'Isabel et Américain de grande classe vivotant entre Paris et Chicago, vivant comme un noble britannique qu'il aurait adoré être), retrouve, à intervalles irréguliers, soit Larry, soit Isabel et Gray (que le krach de 1929 a sérieusement amochés), et on apprend, par bribes, ce qui advient de ces deux amoureux séparés par la vie, mais s'aimant apparemment toujours.

"The Razor's Edge" (un titre français, donc, qui traduit à merveille le titre original) est une histoire magnifique et simple, racontée sobrement, avec classe, élégance, parfois humour, mais le plus souvent avec un sens du style qui n'est pas sans rappeler Henry James (par moments, ça m'a un peu fait penser à "La Coupe D'Or"). Une remarquable histoire initiatique, philosophique et d'amour qui nous fait voyager entre la France, l'Inde, les USA, l'Angleterre, L'Italie...Un classique absolu, et qui plus est, pas trop long, donc, accessible à tous. Il faut même, je pense, l'avoir lu adolescent, et le relire par la suite. Comme le Salinger, en fait.
Tout le monde y trouvera ce qu’il cherche 10 étoiles

Sans aucun doute une ouvrage majeur du 20ème siècle, chef d’œuvre de l’auteur qui aborde son récit sous un angle tout à fait original tout en usant d’un style remarquable. Ainsi, l’auteur se met lui-même en scène et devient à la fois narrateur et personnage de son propre roman. Il est l’ami d’Elliot, amateur d’art vieillissant et dandy mondain qui exerce une influence sur sa nièce Isabel, premier rôle féminin de cette histoire.

On y décrit la relation de trois jeunes américains : Isabel, Larry et accessoirement Gray. L’histoire se déroule sur une période commençant à la fin de la première guerre mondiale jusqu’à la fin des années 30. Elliot et l’auteur lui-même interfèrent régulièrement dans cette existence où les trois jeunes gens partagent leur vie entre Paris, Londres et la Côte d’Azur. Isabel et Larry sont fort épris l’un de l’autre, mais des raisons d’ordre métaphysique, que l’on met sur le compte de séquelles psychologiques liées à la participation de Larry au premier conflit mondial, empêchent leur mariage. Isabel se résout donc à épouser Gray, meilleur ami de Larry, sans renoncer réellement à ce dernier.

Autant « Mrs Craddock » œuvre du même auteur et que j’ai lu il y a peu, est un roman désuet, assez léger et qui ne transmet aucun véritable message, « Le fil du rasoir » contient de nombreux ingrédients intéressants et possède une universalité et une actualité remarquable. Les nombreuses conversations et propos tenus par l’auteur avec les personnages témoignent d’une modernité parfois stupéfiante.

L’auteur parvient surtout à captiver le lecteur alors que l’histoire en elle-même est a priori assez peu emballante. Ce roman colle véritablement aux mains et, malgré l’absence de véritable action, fascine un lecteur à la fois curieux, visant le plaisir de lire et la volonté de découvrir ou redécouvrir de grands classiques.

Un livre qui m’a donc semblé le plus intéressant à la lecture et ce depuis longtemps.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 19 mai 2019


La passion a un prix. 10 étoiles

Concernant ce livre j'aime beaucoup ce commentaire qui le décrit comme une histoire magnifique et simple, racontée sobrement, avec classe, élégance et parfois humour
Ecrite en 1943, l'histoire est carrée et narre l'amour contrarié qu'Isabel voue à Larry. Mais Larry tarde à entrer dans le rang de l'âge adulte. Il rêve de Dieu et de l'éternité, de l'Absolu et de la morne roue de l'évolution sans fin.
Isabel renonce donc à son amour et épouse Gray, qui l’adore et lui offre une vie de plaisir … jusqu’à la grande dépression de 1929. Il y a aussi l’oncle d’Isabel, Elliott, riche marchand d’art, snob et mondain jusqu’à son dernier souffle.
Et puis, Sophie Macdonald dont la vie vacilla à cause d'une bouteille de vodka au thym. Et enfin l'auteur, narrateur et complice.

Quelques citations :

- L'amour n'a pas le pied marin et il dépérit au cours des voyages en mer
- A brebis tondue Dieu mesure le vent.
- L'église catholique a derrière elle 20 siècles d'expérience financière. Lors du crash boursier de 1929, le Vatican était bien assis et a même profité du désastre pour le transformer en aubaine.
- Isabel (qui me fait parfois penser à l'Isabel Archer d'Henry James) dira : "Une mère ne peut que nuire à ses enfants en faisant d'eux l'unique préoccupation de sa vie.

Un tout grand bouquin !

Monocle - tournai - 64 ans - 28 décembre 2016


Roman à facettes 10 étoiles

Derrière la légèreté du ton, la simplicité du style et la limpidité du fil narratif, un roman bien plus dense et profond qu'il n'y parait.

Roman mondain, dans la lignée d'Henry James et d'Edith Wharton, avec un portrait ciselé, un peu caustique mais jamais méchant de la bonne société.

Roman d'apprentissage, avec le regard bienveillant mais lucide de l'auteur sur le personnage de Larry, jeune idéaliste un peu paumé, baba cool avant l'heure, en quête perpétuelle de la vérité.

Roman autobiographique, où Maugham parle à la première personne, mais, non sans malice, se décrit aussi dans les portraits de plusieurs personnages.

Roman philosophique, enfin, où l'auteur nous glisse quelques formules bien senties, notamment sur le christianisme :

"Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer qu'en contemplant les guerres cruelles provoquées par le christianisme, les persécutions, les tortures infligées aux chrétiens par d'autres chrétiens, la malveillance, l'hypocrisie, l'intolérance, le diable devait considérer le bilan avec satisfaction.

Et en se souvenant d'avoir imposé à l'humanité la charge pénible du sens du péché, ce sens qui a obscurci la beauté de la nuit étoilée et projeté une ombre sinistre sur les plaisirs passagers que pouvait offrir la vie terrestre, il devait ricaner en murmurant : payez au diable son dû."

Jefopera - Paris - 60 ans - 8 mars 2011