Le paradis des femmes
de Ali Bécheur

critiqué par Jfp, le 25 septembre 2010
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans)


La note:  étoiles
la peau du désir
Eloge de la femme ou éloge du désir masculin? Plutôt le second tant les femmes aimées, ou plutôt désirées, sont curieusement absentes, comme en filigrane. Mabrouka, la servante noire, Odette la fille de la voisine, Kenza la cousine, Louina la couturière, plus tard Besma, Luz, Khadouja, Maria, Juliette... La liste est longue, et sans doute incomplète. Dans cette Tunis d'avant l'indépendance, les religions et les cultures se côtoient, laissant le champ ouvert aux regards appuyés, aux caresses furtives. Dans une langue savante, un français remarquable (Ali Bécheur revendique sa francophonie contre vents et marées), le narrateur évoque, au hasard de sa mémoire, comme des visions cinématographiques surgies du passé, ses souvenirs de petit garçon, d'adolescent (ah, la description de la circoncision!) puis d'adulte et de vieillard. Tout au long de sa vie, même à l'article de la mort, il n'aura fait que rêver les femmes, attendre la suivante qui va réveiller son désir. Une vision narcissique de l'amour (le mot n'est jamais prononcé!), mais racontée avec tellement de saveur et de sincérité qu'on lui pardonne volontiers son égocentrisme. C'est édité chez Elyzad à Tunis, un petit éditeur qu'il faut suivre, car tout y est bon à qui sait apprécier la belle écriture...