La Vie dans les plis
de Henri Michaux

critiqué par Lisancius , le 18 septembre 2010
(Poissy - - ans)


La note:  étoiles
En creux
Souvenons-nous, avant de lire Michaux, de ce mot fameux de Rimbaud dans la Lettre du Voyant "Mais il s'agit de faire l'âme monstrueuse: à l'instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s'implantant et se cultivant des verrues sur le visage".
La vie dans les plis, et sa galerie fantasmagorique d'êtres sans mains, aux crânes broyés, aux yeux vitreux, saignant par toutes les pores de leur peau, est l'accomplissement à l'extrême de la pensée rimbaldienne. On pourrait penser, et ce n'est pas négligeable - que Michaux se complaît dans une certaine folie de la mutilation humaine par le biais du rêve ; mais, au-delà du simple exercice de style, cette évocation de l'horreur permet la reconstruction du poète par la démonstration de sa santé. Et si, comme Baudelaire l'a fait avec "Assommons les pauvres", le recueil se nourrit du déséquilibre entre le rêve et l'appel à l'agressivité, c'est pour mieux prévenir les travers d'une humanité capable des pires instincts. Alors cette poésie, loin d'être plaisante et agréable, parfois même trop crue pour ne pas être repoussante, s'échappe de toute convention et versification. Elle est glauque et effrayante autant qu'elle peut plaire, et elle pousse Michaux du côté des poètes maudits, des incurables malades, des génies criminels, sans que jamais le malheur de l'individu ne soit exalté.
Difficile, dans ce cas, de saisir toute la portée du message de La Vie dans les plis. Est-elle vraiment un portrait de la débauche masochiste humaine, ou une invitation à jouir de notre propre vie par comparaison ? Encourage-t-elle l'anarchie ou nous met-elle en garde contre les affres de la pensée ? Pourquoi ne serait-elle pas un effrayant exutoire, effrayant parce que son auteur a eu le courage de s'avouer une part de lui-même que nous cachons peut-être dans nos creux ?
Il n'y aucun poème pour moi qui ne soit ici meilleur qu'un autre, ni aucun qui ne réponde à mes attentes personnelles de la Poésie. L'ensemble est déconcertant, comme tout chez Michaux. Vous aimez la Fontaine de Sang ? Alors le recueil est pour vous.