Un petit garçon un peu silencieux
de Amandine Marembert, Diane de Bournazel (Illustration)

critiqué par Sahkti, le 16 septembre 2010
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Etrange petit garçon, fait de nous
Une nouvelle fois la joie de retrouver Amandine Marembert et sa délicatesse, sa sensibilité et cette beauté qu'elle glisse au creux des mots.
Dans une édition de qualité, illustrée par Diane de Bournazel dont la finesse du trait épouse avec justesse le drame qui se noue entre les lignes, Amandine Marembert nous entraîne sur les traces d'un petit garçon.

"il y a en lui des mots qui arrivent déformés à sa bouche qui se transforment en simples sons entrecoupant celui des grillons dans l'herbe le soir épaississant un peu la grille de lecture des jours". (page 12)

Les silences pèsent, il ramasse des coquillages et remplace les mots par des mouvements de bras.

"une balance à se taire n'existe qu'à l'intérieur de nous quand on abandonne les mots qui n'ont plus de poids" (page 18, superbe !)

Ce petit garçon a ses chagrins, observe le paysage et mâche des pétales de géranium. On le devine fort et nen même temps sur la corde raide. Il a des sourires et aussi des secrets, secrets que l'on ne percera pas tant il est mystérieux, tant il est malaisé de pénétrer sa carapace, parce qu'on a peur, parce qu'il a peur. Parce que c'est ainsi, il y aura toujours le regard gêné se battant contre l'affection ressentie.

La justesse des sensations et des émotions ressenties, telles que décrites par l'auteur, me laisse admirative. Songeuse aussi car ce texte fait naître, au-delà d'un sentiment agréable face à la beauté des lignes, un malaise, léger ou non, car que ferions nous en face et avec ce petit garçon.
Magnifique recueil !
Portrait singulier d'une mère et de son fils, et de leur relation qui se noue au-delà des mots 9 étoiles

Ce très court recueil, qui se lit en vingt minutes à peine, surprend le lecteur par son thème qui, même s’il est suggéré par le titre, n’est jamais explicitement avoué dans les poèmes qui brodent des variations sur les silences et les attitudes d’un enfant mutique, peut-être autiste.

Comment connaître la partie émergée de ses pensées
Celle qu’il veut bien laisser transparaître
Il reste à la deviner au teint variable de ses joues
A l’inclinaison de ses sourires qui suivent l’orientation du tournesol vers le soleil

L’auteure épouse le point de vue de la mère qui porte un regard aimant sur son enfant, dont elle accepte, avec une infinie patience et avec une grandeur douceur, l’étrangeté quotidienne et les secrets qui ombrent ses non-dits.

Il a des secrets attachés à sa silhouette qui ne le quittent pas d’une semelle

Dans les courts poèmes, composés le plus souvent de 3 ou 4 vers sans ponctuation, l’expression poétique directe, sans emphase ni complaisance ou misérabilisme, parvient, grâce à des images choisies avec soin, à transcender l’aspect dramatique de la situation pour nous faire ressentir l’essence d’un rapport au monde fait de fragilités et d’une relation aux êtres où la communication s’établit, par-delà ou en-deça des mots, par les gestes et les regards.

Est-ce que des mouvements de bras de mains d’épaules suffisent à remplacer certaines paroles
Les peaux savent-elles vraiment parler un tissu ponctué par les seuls grains de beauté

Ce faisant, le recueil nous confronte, même si l’auteure ne s’engage pas dans cette voie et ne se soucie d'évoquer que sa relation à l'enfant, à la difficulté de parole qui est au cœur de la poésie véritable, qui s’écrit nécessairement à la pointe de ce que les mots peuvent porter et donc à l’orée du silence. Les attitudes de l'enfant semblent nous inviter à une remise en cause personnelle en même temps qu'elles ouvrent une voie d'accès à une poésie naturelle et spontanée. L’auteure, qui assume pleinement le « je » (nota : je ne sais si ce « je » est littéraire ou réel), semble avouer d’ailleurs que ce petit garçon fragile, souvent aux bords des larmes et qui semble doté d’une certaine forme d’hypersensibilité et d’une faculté d'immersion dans les éléments (le vent, la lumière, les fleurs, etc.), l’a rendue plus sensible aux nuances et à la qualité d’un silence.

Il m’apprend à déchiffrer les interlignes
A soupeser un regard

En revanche, contrairement à Sahtki, les représentations de l'enfant par l'illustratrice m'ont laissé un peu indifférent car m'ont semblé trop convenues (l'enfant qui porte sur la tête un labyrinthe en forme de coquille d'escargot, l'enfant dont les mots font des bulles de savon).
Nota : même si cette remarque n'altère en rien la qualité de l'ouvrage, je trouve que le prix est un peu élevé pour une plaquette de 45 pages en petit format.

Eric Eliès - - 49 ans - 20 juin 2015