De Cape et de Crocs, tome 1 : Le secret du janissaire
de Alain Ayroles (Scénario), Jean-Luc Masbou (Dessin)

critiqué par Voie Lactée, le 20 février 2002
(Annecy - 62 ans)


La note:  étoiles
Humour à croquer !
Tout commence par une pièce de théâtre forain qui donne l'idée d’une escroquerie, qui va se finir sur une chébèque pirate où nos deux compères vont mettre la main sur la carte d'un trésor.
Ensuite, on va aller de taverne en galère (on peut mettre un s), pour finir sur la même chébèque pirate.
Une BD d’aventure. Oui, mais qui sont les deux compères ?
Une renard (français), Armand Raynal de Maupertuis, et un loup (hidalgo, pardon ! espagnol), Don Lope de Villalobos y Sangrin. Cela ne s'invente pas un truc pareil. Eh bien, si !
Qui est la cape, qui est le croc ? A la lecture vous comprendrez que l'ordre est le bon.
Une BD animalière mais pas totalement puisque la société est humaine..
C’est à ce niveau que l’aventure dérape pour des pages d'humour et de plaisir sur des dialogues extraordinaires (imaginez l’accent surtout), des mimiques animalières et humaines dessinées avec brio, tout cela au long d'une intrigue à rebondissements (les détails sont succulents, soyez attentifs).
L'humour est même glissé dans certains éléments situés en dehors de l'action (racines, planches 10 et 11), dans des répliques dignes des meilleurs sociologues ou philosophes (planche 14 et 41) ou encore de nouveaux personnages qui apparaissent comme un lapin d’un chapeau. Justement .
Les dessins sont détaillés, agréables et bien mis en valeur par la couleur. Ils sont cependant assez conventionnels, tout comme le découpage des planches.
Il ne s’agit pas de graphisme esbroufe mais de dessins destinés à soutenir la narration par le détail, que les dialogues, vifs et emportés, ne peuvent permettre sous forme textuelle.
En définitive, l'humour des dialogues et des scènes peut apparaître conventionnel, le dessin aussi, mais l'ensemble est très au-dessus de la moyenne et même, de mon point de vue, excellent.
Si vous aimez la BD, foncez ! Sinon, n’évitez pas, car c’est l’occasion de vous y mettre.
Par ailleurs, il y a une suite. Cela me donne les crocs.
Tentative d'humour avec la langue française 4 étoiles

Pour se réconcilier avec l’univers des BD, lorsqu’il nous parait (entre autres) traiter de manière trop superficielle les histoires, comparativement à la masse de romans à dévorer, mieux vaut ne pas se tourner vers De cape et de Crocs.
Pourtant, les teintes tantôt sombres, tantôt acidulées des couvertures et des planches attiraient l’œil. Ainsi que les commentaires des lecteurs, qui prétendaient que le style de l’auteur plairait aux amateurs de la langue française et des jeux de mots… Nous parlons de la langue française du 15 ème siècle (si ce n’est pas avant) avec des locutions, des tournures de phrases et des emplois de temps terribles, du type « Diantre, que nous fusse point déchus ». Sans compter que ce sont des animaux humanisés qui prononcent cela, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi un renard et un lapin plutôt qu’un homme, un rhinocéros, une musaraigne ou un ptérodactyle ; si le jeu est bien d’employer les mots les plus inusités. Est-ce pour rendre hommage à La Fontaine ? Les références sont déjà nombreuses envers ses fables.
Quand au scénario, il ne rattrape pas le reste : une chasse au trésor, une petite histoire d’amour impossible socialement nous rappelant vaguement une bohémienne de Victor Hugo, des combats non dignes des Trois mousquetaires, et des pirates même pas des caraïbes…

Elya - Savoie - 34 ans - 6 octobre 2012


Un joli trois-mâts sans gouvernail 6 étoiles

A force d’en entendre parler, j’ai voulu tester cette BD en me procurant les trois premiers tomes… Je dois dire que j’ai été plutôt déçu, même si je comprends que l’on puisse être fan.

Première chose, et c’est ce qui m’a attiré en premier lieu : les décors et les paysages sont de toute beauté. Le traitement de la couleur est superbe. Là où le bât blesse, c’est au niveau des personnages, que j’ai trouvé plutôt laids d’une manière générale. Donc en décalage total avec l’environnement. Par ailleurs, ceux-ci sont assez peu attachants, l’idée de deux animaux évoluant dans un monde d’humains est assez bonne au départ, mais me semble mal exploitée ici. Le seul que j’ai apprécié et qui m’a fait hurler de rire (surtout au début en fait, lors de l’épisode de la galère), c’est le petit lapin blanc Eusèbe. Pour le reste, je n’ai pas trouvé grand intérêt et grande profondeur à ces héros…

Certes, je reconnais le travail sur les dialogues, qui prouve que l’utilisation du vieux français n’est pas un frein au succès d’un ouvrage culturel en 2009 et contredit par ailleurs l’idée que les lecteurs de BD seraient des analphabètes…Là dessus, je suis plutôt favorable, mais hélas les tirades de sieur Renard alourdissent parfois le rythme du récit et ne sont pas très drôles… et puis sans parler des tirades, c’est surtout bavard, bavard, bavard…

Pour le reste, le scénario m’a paru un tantinet brouillon et guère palpitant, malgré les multiples rebondissements qui donnent parfois le vertige… Les tribulations de ces deux gentilshommes en fourrure ne m’ont pas vraiment transporté, je n’y ai vu qu’une gentille aventure pour amateurs de cape et d’épée (je n’en suis pas, c’est peut-être la raison de mon manque d’enthousiasme…). Je ne pense donc pas acquérir le quatrième tome et les suivants, je me contenterai de l’emprunter à la bibliothèque (et quand bien même celui-ci serait génial, faudrait-il donc se coltiner les trois premiers pour en juger ?). Mon tort a peut-être été d’attendre trop de cette histoire…

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 11 novembre 2010


Décapant ! 10 étoiles

Une BD qui m'a été chaudement recommandée l'année dernière, que j'ai lu récemment. Selon cette personne, son caractère hautement littéraire allait me convenir. Il me connait si bien.... Merci à lui.
Je pense que tout a été dit dans les critiques précédentes.
J'aime beaucoup le personnage d'Eusèbe dont la typographie des répliques est proportionnelle à sa taille, c'est à dire très petite.

Alouette - Seine Saint Denis - 38 ans - 13 mai 2009


Du pur plaisir 9 étoiles

Un dessin chatoyant, coloré, des personnages plein d'humour et littéralement attachants, de l'aventure, il y a vraiment dans ce premier tome l'entame d'une série passionnante.

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit, mais je ne peux que déclarer bien fort tout le plaisir que m'a procuré cette lecture.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 22 décembre 2007


Dégustation 10 étoiles

Etant un amateur des Mousquetaires de Dumas, de l'ambiance de ses romans et des rebondissements répétés qui caractérisent le genre cape et épée, c'est sans hésitation que j'ai pioché ce titre, "De cape et de crocs", dans les rayons de la bibliothèque. La couverture laisse présager des intrigues, du mystère, mais la flamme qui brille dans les yeux des deux compères, Don Lope de Villalobos y Sangrin (Ysengrin ? peut-être, oui) et Armand Raynal de Maupertuis, prépare le lecteur à du sourire et même du rire !
Cette excellente bande dessinée, intelligente comme l'a dit Belial, attise l'appétit et donne l'envie de poursuivre les aventures rocambolesques de ces deux drôles de bêtes. A lire tous crocs dehors !

Poupi - Montpellier - 33 ans - 6 janvier 2007


Incontournable 9 étoiles

Voilà une excellente bande dessinée intelligente, drôle, fine, riche et indubitablement française. L’inspiration XVIIème siècle est très habile : on pénètre dans l’univers de Molière, La Fontaine et, en forçant la distorsion temporelle, Alexandre Dumas ou Edmond Rostand. Les dialogues sont dorés à l’or fin par Ayroles, sa versification est admirable et donne du panache, de la tenue et de la légèreté à l’œuvre. L’utilisation d’animaux exclusivement pour les personnages principaux les rend attachants et uniques, voilà encore un artifice bien astucieux utilisé par les auteurs.
Le dessin n’est pas tout à fait à la hauteur du fond, mais il reste agréable. Le découpage des planches est un brin trop conventionnel, mais le trait est dynamique et le coloriage agréable avec ses dégradés de couleurs chaudes. Si le dessin paraît décevant c’est peut-être en grande partie dû à la couverture mille fois plus soignée et esthétique que l’intérieur (manie courante en BD, soit). Au final le résultat est réjouissant et plaira à tout public.

Belial - Anvers - 44 ans - 8 mai 2006


Un régal visuel et littéraire 10 étoiles

"De cape et de crocs". Il y a dans ce seul titre, raccourci saisissant de l'ambiance de la série, une promesse de bonheur. Vous qui avez aimé les mousquetaires d'Alexandre Dumas et le bossu de Paul Féval, sachez que les histoires de cape et d'épée ne sont pas moribondes : la plume d'Alain Ayroles les a remises au goût du jour. Quant aux crocs qu'il ajoute à cette recette éprouvée, c'est une référence au "Roman de Renart" ou aux fables de La Fontaine - en tout cas à un monde où les animaux vivent au milieu des hommes, se vêtant, se distrayant et bataillant comme eux. Ajoutez un soupçon d'influence théâtrale (Molière et son Scapin surtout) et vous obtenez le cocktail le plus enthousiasmant de l'année 1995.
Don Lope de Villalobos y Sangrin est un loup, hidalgo fier et ombrageux, fine lame qui ne connaît d'autre peur que celle des rats. Armand Raynal de Maupertuis est un renard, français amateur de belles lettres et de belles dames, qui, tel Aramis, manie les mots plus habilement encore que l'épée. Les deux compagnons prêtent leurs lames à un vieil homme desespéré dont le fils aurait été enlevé par des turcs qui réclament une rançon de cinq cent écus pour le libérer. Mais lorsqu'ils mettent le pied sur la galère (une chébèque, précise Armand), pas plus de fils prisonnier que dans la pièce de théâtre de Molière ! En revanche, une carte dans une bouteille semble indiquer un fabuleux trésor... qui va attirer bien des convoitises.
Alain Ayroles est un immense scénariste. "Le secret du janissaire" mérite des lectures répétées pour apprécier pleinement la richesse et la finesse drôlatique des dialogues, ainsi que la mâitrise époustouflante de la narration et de la mise en scène. Le rythme est trépidant. Les enchaînements de situation forcent l'admiration (à titre d'exemple, le jeu sur les portes dans les planches 8 à 10). Le découpage est parfait. La plume d'Ayroles est l'une des plus affutées du neuvième art, et l'on devine sans peine une culture littéraire de bon aloi chez ce très prometteur nouveau venu. Celui-ci a, de plus, eu le bon goût de s'offrir un dessinateur particulièrement doué. Le dessin de la série est à la hauteur du scénario. Les couleurs sont belles, le trait est précis et agile, naviguant avec le même bonheur entre le somptueux et le comique (certains faciès sont irrésistibles). Jean-Luc Masbou est donc très, très talentueux. Alain Ayroles, répétons-le une dernière fois, sera certainement l'une des grandes figures scénaristiques du XXIe siècle. Ce premier tome de la série "De cape et de crocs" est un de ces albums qu'on emporte sur une île déserte. Mais nul n'est besoin de vous couper du monde pour enfin le découvrir, et le refermer avec un sourire béat.

Jean Loup - Vaulx en Velin - 50 ans - 7 mars 2002