Qui a mis en rang les gratte-ciels ?
de Lana Derkac

critiqué par Sahkti, le 21 août 2010
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Regard lucide et posé
Lana Derkač est née à Požega (Croatie) en 1969. A son actif, elle compte une dizaines de recueils poétiques, une pièce de théâtre, deux anthologies de poésie et des recueils de textes courts. Représentante reconnue de la littérature croate, son oeuvre a été traduite en plusieurs langues et les Editions Mode est-Ouest nous font le plaisir de ce recueil en fravçais de quelques-uns de ses poèmes.
Des textes nageant entre espoir et amertume, entre désillusion et raison de vivre. Beaucoup de force dans la plupart des textes mais aussi un regard cruel, réaliste, sur le destin qui nous guide et ce que nous faisons de nos vies.
J'apprécie particulièrement dans l'écriture de Lana Derkač sa manière de contempler nos erreurs, de les pointer du doigt, de les fustiger tout en sachant qu'elles font partie de nous. L'être humain peut être composé d'une profonde solitude, d'une tendance à se replier sur soi qui rend toute communication impossible, de faire passer pour de l'indifférence ce qui n'est en réalité que de la peur, avec toutes les conséquences que l'on imagine. Un simple geste, une attitude on ne peut plus ordinaire et voilà que sous le prisme de nos subjectivités, c'est un drame qui se joue et ouvre la porte vers des gouffres incommensurables.
Il y a également de la dureté dans le propos de Lana Derkač, une sécheresse dans l'écriture commune à beaucoup d'auteurs de l'ancienne Yougoslavie, marqués par l'effondrement de leur pays et la volonté de maintenir vivantes leurs racines.
Ajoutée à la froideur du regard posé sur nos gestes, cette dureté rend les poèmes encore plus forts et touchants, car ils nous piquent là où ça fait mal pour mieux nous ouvrir les yeux sur les erreurs à tenter de ne plus commettre.
J'ai été sensible à cette vision du monde et de l'humanité que déploie Lana Derkač à travers ses textes. De beaux poèmes.



Deux extraits:

"Transfert
La poussière d'étoiles de toutes les cartes
imaginaires, visibles le soir dans le ciel de Zagreb,
m'élève, me captive,
m'imprègne et je suis un gnome gigantesque descendu
se mêler aux voix que parfois
nous consommons par mauvais temps et alors
il semble que tous deux nous ayons des ailes d'ange.
Mon envol, pour nous, est en fait un stock pharmaceutique.
(... / page 8)"


"Prénoms
C’était un man assis depuis trente-sept
minutes dans l’autobus occupé à parcelliser
le temps. Une parcelle pour le hockey.
Une pour les associés et le bureau. Puis une
parcelle pour discuter avec les enfants
et Linda.
Et ainsi de suite.
Alors, il a imaginé que la même parcelle
pourrait porter différents noms.
Pas comme un chien.
Pas comme son animal domestique.
(... / page 31)"