Mirabeau : L'excès et le retrait
de Jean-Paul Desprat

critiqué par Falgo, le 11 août 2010
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Et si sa pensée nous était encore utile
Jean-Paul Desprat nous livre un véritable ouvrage d'historien, précis dans les moindres détails et argumenté sur chaque point soulevé.
Il comporte deux parties. La première, L'Aventurier, décrit la jeunesse orageuse, dispendieuse et libertine d'un rebelle à sa famille et à sa classe. La deuxième, L'Homme public, couvre pour l'essentiel l'oeuvre considérable de Mirabeau au sein de l'Assemblée Constituante.
Il est un peu regrettable que la première partie, si détaillée sur les frasques du Comte dépensier et coureur de jupons, ne permette que malaisément de suivre la formation parallèle de sa pensée politique. Car celle-ci est exposée de manière ferme et impressionnante dans la deuxième partie qui est, à mon sens, la plus intéressante.
Desprat met en valeur le rôle majeur joué par Mirabeau dans la construction difficile et chaotique de nombre des principes qui règlent encore notre vie démocratique. Si sa ligne politique majeure, qui a échoué, a toujours été la recherche d'une monarchie constitutionnelle, sa méthode est un exemple de modernité et d'intelligence. Sur chaque point son "atelier", nous dirions aujourd'hui son "cabinet", réfléchit, écrit des propositions et les met en forme applicable. Devant l'impréparation des autres députés, une telle avance méthodologique lui permet de faire déboucher des projets et d'affirmer certains principes. Ainsi, et cette liste n'est pas exhaustive, il établit les bases d'une véritable liberté individuelle (opinion, presse), le respect de la Nation, la notion de mandat électif représentatif, le respect de la loi, l'abolition de l'esclavage, la bonne gestion des finances publiques (en dépit de ses aberrations financières personnelles), la conception d'une politique étrangère, etc.
Citée dans le livre, l'opinion de Madame Roland est éloquente: "J'entends mais trop peu l'étonnant Mirabeau, le seul homme dans la Révolution dont le génie pût diriger les hommes et impulser une Assemblée, grand par ses facultés, petit par ses vices, mais toujours supérieur au vulgaire et immanquablement son maître dès qu'il voulait prendre le soin de le commander."
Un excellent livre à lire et à méditer lentement.