Paula ou L'éloge de la vérité
de Torgny Lindgren

critiqué par Kinbote, le 5 août 2010
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Vrai et faux
Le narrateur, encadreur de son état, a dans une salle de vente un coup de foudre pour une petite toile intitulée La madone à la dague, qu’il va se procurer. Qu’on va lui enlever et qu’il récupérera... Qu’il retrouvera à l’identique. Sa voisine d’en face et amie d'enfance, de dix années sa cadette, Paula, entame une carrière de chanteuse à succès et d’idole, sous l’impulsion d’un imprésario ami de sa mère.

Dès lors, et au fil des péripéties du récit qu’en fait l’encadreur, les deux figures, celle de la Madone à la dague et celle de la chanteuse de variété, vont se répondre, se rapprocher et s’éloigner, toujours avec en arrière-fond le questionnement sur vérité et mensonge, vrai et faux. Un peu à la façon de deux ombres suivant la position du soleil au cours du temps... Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux, dans ce monde de la représentation et de l’inauthenticité dans lequel on vit ? (Schopenhauer est constamment cité).
« Des représentations. Et des images. C’est tout ce dont nous disposons. Des adorateurs d’images, voilà ce que nous sommes. (...) Au-delà de nos représentations, rien n’existe, dis-je. Au centre de tout ce que nous représentons existe un noyau dur. Ce noyau est le monde (...) Cette chose qu’on appelle le faux est la seule véritable expression de notre époque. »
Mais ce n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire, peut-on lire entre les lignes, le vrai peut se cacher sous des airs de fausseté et le faux investir ce qui se présente sous les signes de l’authentique. L’image contenir plus de vérité que son modèle...
L’idée est lancée par quelqu’un qu’on ne pourrait saisir bonheur et liberté qu’en s’affranchissant des notions de vérité et de fausseté qui ne sont au fond que des interprétations des faits. L’auteur fait réfléchir sur la nature « profonde » et l’apparence.

Le narrateur nous apparaît proche car il reste humble en toute circonstance, car il subit les événements sans avoir prise sur eux, même et surtout quand il devient très riche. De même que Paula qui ne croit pas aux vertus de la célébrité. Chaque fois, c’est le sentiment de son humilité, de sa culpabilité qui ressort même si, à la fin, il se révélera sous un jour qu’on pourrait dire plus authentique mais il aura fait du chemin jusque là, il aura dû balayer tous les faux-semblants qui se seront postés sur sa route comme autant de leurres, de tentatives de le faire dévier de sa... vraie nature. Un beau et bon roman !