Le roman débute par les visites que rend Philippe à son oncle Antonin Alexander, oncle quelque peu farfelu qui ne cesse de lui demander quel cadeau il lui apporte. De plus, il semble avoir un pied, si ce n'est les deux, dans l'imaginaire. Passionné de musique, il semble familier des plus grands musiciens dont certaines photographies sont exposées aux murs et demande à son neveu de "serrer" la main de ses grands artistes. Leurs après-midis mêlent la réalité et la présence fantômatiques de ces musiciens. Ce début reflète la totalité de l'oeuvre.
Tout comme Cees Nooteboom, Philippe va voyager à travers l'Europe, faire du stop, rencontrer de nombreuses personnes qui ont elles aussi un rapport étrange avec la réalité. Il dormira dans des auberges de jeunesse et cette errance le fera grandir. Il est un parfait réceptacle d'histoires qu'on ne cesse de lui raconter parfois contre son gré. Dans chaque pays, il fera des rencontres intéressantes. Maventer, l'une de ses rencontres, l'invite à retrouver une femme asiatique dont il sera sous le charme et qu'il ne cessera de chercher dans tout le roman.
Le lecteur épris de romans réalistes ferait mieux d'éviter ce texte désarçonnant. On en vient à douter de ce qui est raconté. On ne sait plus ce qui est de l'ordre des faits ou des rêves. Dans le roman figure un personnage qui semble mener une double vie dans son sommeil ... A partir du moment où un personnage raconte un épisode "vécu", l'on bascule dans des histoires assez déconcertantes qui peuvent perdre le lecteur, un peu comme Borgès dans ses nouvelles. De plus, l'écriture poétique de Nooteboom ne fait qu'apporter encore plus de mystère à ce roman. Toutes ces personnes qui se confient semblent des doubles de l'écrivain qui narre une histoire. La fiction alimente la réalité et inversement.
Le roman interroge le lecteur sur ce qu'est la vie :
"Encore que, pour s'en apercevoir, il faille avoir la conviction que ce monde-ci est le pire, le plus triste et le plus désespérant des mondes possibles, et de surcroît promis à sa perte, mais par là même étonnant et d'une douceur infinie."
"Et je m'avisai que nous aussi, nous étions étonnants et attendrissants, parce que fragiles, ébauches avortées de dieux, et tous perdus d'avance. Mais il nous restait le jeu, chaun pouvait jouer."
La folie des personnages, leur goût pour les rêves et l'imaginaire rappellent tout simplement le regard de l'enfant. Ce roman semble inviter le lecteur à conserver son esprit de jeunesse et à garder cette insouciance au quotidien, sans doute comme ce personnage féminin qui avoue jouer à la balle en cachette comme une enfant, peut-être est-ce l'un des secrets du bonheur ...
Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 20 janvier 2012 |