L'extrême
de Sandrine Willems

critiqué par Sahkti, le 25 juillet 2010
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Le désert, si riche de silences
Magnifique roman de Sandrine Willems. L'auteur narre un morceau de vie d'une femme médecin, spécialiste dans les cancers des enfants. Un métier dans lequel elle survit comme elle peut, se raccrochant à chaque instant à cet amour qu'elle ressent pour le désert. Autant que possible, elle s'y rend pour se ressourcer, se plonger dans les silences et la richesse du Sahara. Là, elle y a rencontré des Touaregs, appris les coutumes, compris les non-dits et les traditions. Un exil dont elle a besoin pour supporter sa vie au quotidien.

"Quand on revient, dans cet étonnement d'avoir survécu à tout, on sent soudain comme ça fait du bien, cette purge, cette vidange de l'esprit, qui prend fin aussitôt qu'on revient au pays, où il faut se remettre à penser, à s'agiter, à faire passer l'arbitraire pour une nécessité. Les premiers jours, on n'y arrive pas vraiment, on est perdu, plus qu'au désert, face à tout ce qu'on est censé faire, et qui a perdu son sens, son urgence - cela même dont dépend la vie, au désert, n'étant plus une urgence. Alors soit on repart, dans le vide du sable, soit on se remet à y croire, pour pouvoir continuer, à travailler, à fonctionner, on enfouit ce qu'on sait, puis on l'oublie, jusqu'au prochain voyage, où de nouveau, de toutes ces petites importances qui nous font vivre, il faudra se délester." (pages 14-15)

Alors quand Laïla, une jeune Algérienne, arrive dans son service pour un cancer des ovaires et qu'elle doit affronter sa stérilité nouvelle, c'est toute la fierté de ces femmes qui explose au visage de la narratrice. Un bouleversement accentué par la venue d'Imzad, fille-femme Touareg venue soigner sa leucémie en sachant qu'il est déjà trop tard et qui fait preuve d'une résignation à toute épreuve. Sa mère ne l'a pas accompagnée, restée au désert avec les chameaux; seul le père est là, silencieux, car il sait. Cette philosophie de vie ébranle et émeut chacun et cette fin de parcours résonne cruellement comme le début d'autre chose, un besoin à assouvir qui ne trouvera sans doute jamais satisfaction, car il manquera toujours quelque chose dans nos vies meurtries.

L'écriture de Sandrine Willems est superbe de justesse et de retenue. Inutile de sombrer dans le pathos, les situations parlent d'elles-mêmes, alors autant se concentrer sur les êtres, les manques, les mots silencieux qui disent pourtant tout.
Admirable roman tout en sobriété et en humanité.