Le vieil enfer et autres cercles
de Lucien Nosloj

critiqué par Raoul Prout, le 9 juillet 2010
( - 55 ans)


La note:  étoiles
Effrayante surprise!!
- Quel plaisir de découvrir le monde étrangement singulier d'un auteur! Sorti d'on ne sait où, Nosloj vous embarque dans des mondes fantasmagoriques et prend un malin plaisir de vous lâcher la main au milieu de ténèbres glaciales, que ce soit dans la forêt d'une montagne ou aux confins de l'espace ... Le plus curieux, c'est qu'on n'y retournerait presque avec plaisir. L'auteur parle à notre instinct bestial de nos inavouables envies ou de nos peurs primitives; et nous pauvres lecteurs, on en redemande!... A lire avec précaution! ;-)

- Des histoires à glacer le sang composent ce recueil de nouvelles…très fraîches. Des sectes meurtrières, des fêtes dégénérant dans le cannibalisme, une dose de vampirisme, le récit d’une lutte impitoyable entre le bien et le mal à travers les âges… tous ces instantanés d’horreur explorent le côté sombre de l’imaginaire humain, se jouant de la folie des hommes par la mise en scène de leurs pires perversions. A ne pas mettre entre toutes les mains donc…

- Un registre différent : Lucien Nosloj avec son recueil de nouvelles, Le vieil enfer et autres cercles, interroge avec une lucidité diabolique l'homme confronté aux chaos d'un monde en perpétuelle évolution. Une écriture exigeante aux frontières de la poésie et du fantastique.

- "Le lecteur se laisse emporter dès les premières lignes par la parade des monstres savamment distillés sous la plume diabolique de l'auteur. Le cycle infernal est bien vivant dans ce recueil extra sulfureux et ne laisse aucune chance à la lecture de s'en tirer sans y laisser une part d'immortalité poétique : modifications génétiques, manipulations, nouveaux prophètes de la politique du chaos au service de l'Universal entreprise qui asservit l'homo sapiens en le réduisant à un disciple aux mains des vampires suceurs de liberté."
(Extrait de la préface de Pierre Meige)

Extrait du Vieil Enfer et Autres Cercles : CHLUCHTUS DHARMA

La généreuse montagne abrite un domaine skiable. Plus bas, le village de la station ne recevra les touristes avides que dans quelques jours. Aucune âme vivante ne hante pour le moment les rues désertes. L'éclairage au sodium se diffuse en désespoir de cause. La cloche de la vieille église sonne deux heures du matin en vain.
Doucement, la nuit se calme au-dessus de la vallée. La tempête glisse vers le sud. Les épais grumeaux cèdent la place à un ballet discret au rythme lent. La neige déploie les timides rameaux de ses flocons fragiles. Ils virevoltent au gré du vent mourant comme autant de ballerines aux tutus ténus. Une lune pleine et arrogante gouverne ce ciel tourmenté. Elle découpe de sa lumière sévère les reliefs escarpés. Ils partagent de menaçantes confidences avec l'astre au ventre rond.
À quelques kilomètres de là, une route boueuse et cabossée mène à un chalet isolé. Le dernier avant la forêt où des conifères géants balancent leurs silhouettes dentelées. Une des fenêtres du pavillon, œil fier et obstiné, refuse de s'éteindre. Aucune branche des arbres au dos de la maison ne remue. Ni le vent moribond ni la lune ne possèdent le pouvoir de pénétrer l'enchevêtrement touffu des épineux. La nuit retient son souffle. Tout se fige.
Un chien effrayé brise le charme de ses aboiements saccadés. Les vitres de la maison explosent sous la poussée ardente de flammes destructrices. Dans un cri de pneus torturés, un véhicule tout-terrain s'arrache du chaos. Le 4x4 disparaît dans la nuit. Godot ne sera pas mort pour rien. Le cadavre du chien calciné gît sur le patio incandescent. Rapidement, toute l'habitation brûle. Rien ne devrait renaître de ces cendres-là. Une clameur retentit pourtant. Domine un instant le tumulte ambiant. Ce hurlement déchire l'air saturé de fumée.