Se taire est impossible
de Jorge Semprún, Élie Wiesel

critiqué par Jules, le 8 février 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Une conversation terrible !
Ce petit livre est le résultat d'un dialogue entre Semprun et Wiesel sur Arte le premier mars 1995. Il s'agissait de commémorer le cinquantenaire de la libération des camps de concentration allemands.
Les deux hommes s’étaient peut-être déjà croisé à Buchenwald, mais sans se connaître.
D’emblée Semprun rappelle le système administratif nazi, très perfectionné par ailleurs. Les camps étaient classés suivant les possibilités de reclassement des détenus. Par définition, les Juifs n'étaient pas re classables, donc. Comme le rappelle Wiesel, les Juifs étaient là pour mourir et les Allemands pour les tuer ! C’était aussi simple que cela ! Et Wiesel de raconter à quel point ils avaient failli devenir fou déjà pendant le transport. Beaucoup de gens étaient morts avant que d'arriver !
Quant à Semprun, il rappelle que l'écrit fait revenir la mémoire et l’angoisse. Alors il y a eu l’engagement politique, mais quand celui-ci s’est avéré un piège, il est retourné à l’écrit, à la mémoire et à l'angoisse…
Wiesel rappelle aussi que lui, Semprun, savait pourquoi il était là : il avait été un résistant communiste et connaissait son risque. Semprun admet cela et comprend que la situation était encore plus incompréhensible pour les Juifs, puisqu’ils n’étaient coupables d’aucun crime. Le simple fait d’être Juif ne peut pas être un crime et la situation en devient donc plus incompréhensible et révoltante !
Ecoutez ce cri de Wiesel : « Quand j’entends, n'est ce pas, qu’on tue les intellectuels en Algérie, ça me rappelle l’Allemagne de 1933, non pas l'holocauste, mais 1933.Et si Auschwitz et Buchenwald n'ont pas changé l’homme, vraiment, alors, qu'est ce qui va changer l'homme ? »
Malheureusement, nous savons qu’il n'a pas changé ! Nous l'avons vu en Croatie, en Serbie, en Bosnie, nous le voyons encore tous les jours en Algérie et ailleurs !… La haine est enracinée dans le cœur des hommes, elle l’était dans l'Afghanistan des talibans et de Ben Laden, elle l’est entre Israël et les Palestiniens, elle l’est entre les catholiques et protestant d’Irlande du Nord… Quelle folie ronge l’homme au point de tout en oublier ?…
Très belle critique Jules! 8 étoiles

En lisant ce petit livre, on a l'impression d'être attablé avec Jorge Semprun et Elie Wiesel! Cela me donne même une sensation étrange.

Cette conversation sur le fait de raconter exprime les difficultés d'expliquer ce qui s'est passé:
"Combien d'histoires n'ont pas été racontées parce que certains survivants ne parlent pas. Parce que nous sommes une minorité à parler. Quels que soient les efforts, quelle que soit la difficulté, nous sommes une minorité à parler. La majorité des survivants ne parlent pas."

Smokey - Zone 51, Lille - 38 ans - 17 août 2008