Revenants
de Paul Auster

critiqué par Pendragon, le 6 février 2002
(Liernu - 54 ans)


La note:  étoiles
Trilogie new-yorkaise, suite
Revenants est le deuxième tome de la trilogie new-yorkaise d’Auster.
A l'instar de Cité de Verre, il s'agit d’un huis clos entre deux (ou trois) personnages : M. Blanc engage le détective privé M. Bleu pour lui faire filer M. Noir. Et la ronde incessante s'engage entre l’observant et l'observé. On se demande qui est qui, qui vit quoi et ce qu'est, en définitive, la vraie vie.
Très vite, cette ronde se transforme en spirale, en mise en abyme glacée où chacun n'est que le reflet de l’autre. Et l’on s'y perd ! M. Bleu relate sa vie au travers de M. Noir, ils se rencontrent et M. Noir avoue faire la même chose que M. Bleu ! Mais qui observe qui ? Et qui est en définitive ce M. Blanc, commanditaire caché de cet imbroglio ?
Fresque colorée parsemée de Gris, de Brun, de Violette, de Rose et autres, ce roman nous entraîne une fois de plus dans l’univers glauque des débuts de Paul Auster. Ce n’est pas tant pour l’histoire que ces quelques pages se lisent, mais bien plus pour la réflexion de ce qui peut se faire perdre des individus au sein de cette mégapole qu’est New York. Parce que c’est bien de ça qu’il s'agit, la recherche d’un homme éperdu qui tente vainement de se raccrocher à quelque chose qui pourrait donner un sens à sa vie. L'espoir d’être autre chose qu’un simple revenant.
Œuvre majeure, quoi qu’on en dise, son caractère fermé pourrait en rebuter plus d'un, mais elle fait partie de ces souvenirs qui restent en tête, lancinants, incessants, accaparants, obsédants comme un film de Lynch.
Œuvre utile, enfin, parce que tellement vraie ! A lire !
Bleu et Noir sont dans un bateau 7 étoiles

Si le premier opus de la Trilogie New-Yorkaise, Cité de Verre, s’avérait déjà de bien des points de vue atypique, troublant, avec ses mises en abîmes, ses effets de miroir et ses questions métaphysiques sur l’écriture, attendez-vous avec avec Revenants à franchir un cran supplémentaire dans l’énigmatique !

Il est à la fois beaucoup plus sobre que Cité de Verre, mais également encore plus conceptuel. Les personnages ne sont que des pions anonymes : dépourvu de prénom, ils portent des noms de famille génériques qui sont des couleurs. Comme dans Cité de Verre, parallèle troublant, où Daniel Quinn jouait au détective, la figure centrale, Bleu, est aussi un détective, mais cette fois-ci de métier. On le paie pour observer un autre individu, vingt-quatre heure sur vingt-quatre. Contrairement à Quinn, il ne sait pas pourquoi. Comme Quinn cette longue attente va dissoudre complètement sa vie, dans un environnement qui ne devient qu’un décor de théâtre. La mise en abîme finale est étourdissante. On est dans le fantastique, dans la transfiction, dans les interstices de la réalité, dans la Quatrième Dimension : trompé par nos sens, incapable de prendre de la hauteur, on ne sait plus vraiment ce qui est vrai et qui l’on est...

Qu’a voulu dire Paul Auster, au delà de l’exercice de style, que je trouve pour ma part brillant et fascinant et qui fait écho sous de nombreux angles au premier roman de la trilogie ? Que « l’enfer c’est les Autres ? » comme disait Sarte, que c’est le regard des autres qui nous enferme ? C’est terriblement le cas dans Revenants : Bleu et Noir se maintiennent prisonniers en quelque sorte sous leur regards réciproques. L’écriture doit jouer aussi un rôle, sans doute, car il est beaucoup question de cela : les questionnement de Bleu sur le contenu des rapports qu’il doit envoyer quotidiennement à son mystérieux commanditaire ou le manuscrit de Noir dont nous ne connaîtrons pas le secret mais qu’on imagine, à défaut de donner la clé du récit, de finir de donner le vertige...

Fanou03 - * - 49 ans - 18 novembre 2019


4 étoiles! 8 étoiles

Revenants est la deuxième histoire de la trilogie new-yorkaise et c'est d'ailleurs la meilleure des trois. Intrigue captivante, personnages complexes et ambigus, thèmes, une fois encore, intéressants. La fin est d'ailleurs particulièrement réussie. Une variation pertinente de Cité de verre.

Js75 - - 41 ans - 7 juillet 2010


Perplexe... 7 étoiles

Je l'ai logiquement lu après "cité de verre" qui m'avait particulièrement captivé et ce deuxième tome m'a laissé un peu sur ma faim. Moins fluide du fait de sa structure en bloc et de l'utilisation d'une couleur en guise de nom pour tous les personnages... Il me laisse un goût d'inachevé. Cela dit, certaines subtilités m'ont peut être échappé.

Quoi qu'il en soit un livre qui est loin d'être dénué d'intérêt et que j'ai dévoré avec plaisir.

Math_h - Cahors - 38 ans - 16 septembre 2008


Daltoniens, passez votre chemin 8 étoiles

Ce court récit à la logique parfois bizarre ressemble à une fable moderne. Comme dans «La cité de verre», l’observation de l’autre devient une quête de soi. Le personnage principal pense a priori tenir le rôle d’espion dans l’affaire qui l’occupe, mais finit par se rendre compte qu’il en est lui-même l’objet. On devine rapidement que malgré les pièges qu’il tend, Bleu n’arrivera pas à déjouer les plans de son fantomatique adversaire qui au contraire anticipe tout. Le destin de Bleu est verrouillé dès le moment où il accepte le contrat.
Personnellement, la narration me paraît ici plus épurée et aboutie que dans l’opus précédent. De même, je n’ai plus eu cette désagréable impression de vide derrière les façades vitrées des gratte-ciels. Pourtant l’individu apparait plus que jamais négligeable dans cette mégapole et la solitude est omniprésente au sein de cet huis-clos des plus resserrés.
Néanmoins si l’auteur tient à garder son roman abstrait et minimaliste en donnant des noms de couleur aux protagonistes, tels des numéros, on peut se demander pourquoi il est si important que la fiction se déroule à New-York et non dans une ville générique. C’est que Paul Auster a ses raisons de placer ses personnages (certainement pas si anonymes que ça) dans le contexte qui constitue son propre environnement géographique et historique.

Jean Meurtrier - Tilff - 49 ans - 11 septembre 2007


Paradigmes de création 7 étoiles

Sans vouloir porter préjudice à personne ici , je crois que ce roman dépasse les prétentions du "hard boiled" ou du synopsis Lynchien. Le motif de l'enquête est un paradigme comme un autre que Auster se donne dans le but d'accomplir sa quête de sens dans l'acte créatif, sa situation de l'auteur américain contemporain qu'il est.

Auster voit l'acte la position du créateur comme la diffusion d'un jeu de miroir avec sa filiation. Noir est la diffusion des Thoreau, Whitman et cie, Bleu est le diffus de Noir et Auster en fin de récit se réaccapare Bleu et par de fait même sa narration pour se replacer lui-même dans la position de Noir face à la postérité littéraire.

Tout cela, fait part de ce que St-Germain a si brillamment exprimé comme étant l'angoisse de la "vie par procuration" qui s'exprime à plusieurs niveaux dans les trois tomes de la trilogie New Yorkaise.

Astucieux, pas incroyable ce "Revenants" mais plutôt astucieux oui...

FightingIntellectual - Montréal - 42 ans - 10 mars 2007


Second texte 6 étoiles

Pour moi, moins réussi et sensiblement similaire au texte précédent de la trilogie. La magie du hasard et des jeux identitaires m’avait grandement amusé dans « Cité de verre », ici je suis resté plutôt tiède, peut-être en raison d’une obscuration volontaire des choses afin de mieux émuler le style « hard-boiled »?

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 9 novembre 2005


Vie par procuration 8 étoiles

Le livre commence innocemment : un détective se fait engager pour filer quelqu’un. Bien sûr, au travers des noms des personnages, tinte comme la voix de Paul Auster nous disant : attention, on va bientôt basculer dans un univers décalé... Le détective s’appelle Bleu, « l’employeur », Blanc et celui qu’il s’agit de suivre, Noir. Et comme d’habitude avec P. Auster, les choses ne se passent pas comme on s’y serait attendu. Rien, en fait (au sens propre), ne se passe : Noir se révèle un solitaire casanier qui partage son temps entre lecture et écriture. Nous sommes dans la tête de Bleu et nous suivons les non-événements qui s’additionnent tels de petites fourmis qui se dirigent lentement vers son cerveau pour provoquer la chute finale.

Avec peu de rebondissements, Auster m’a captivée. Comment fait-il pour décrire si justement l’évolution de la pensée ? C’est le talent, je suppose. On pourra dire tout ce qu’on veut, trouver l’écriture d’Auster hermétique, pour initiés, pour intellectuels, je m’en fiche, il m’épate, Paul !

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 27 avril 2004


Un dénouement surprenant 8 étoiles

Eh bien, ce volet m'a laissé pantoise, bien plus que le premier. J'ai d'ailleurs préféré celui-ci, que j'ai personnellement trouvé plus facile à lire.
J'ai plus ou moins les mêmes avis à émettre que pour le premier tome (La chambre dérobée). Dans Revenants, la dépossession joue un rôle encore plus prédominant. Là aussi, Paul Auster exacerbe le travail de l'écrivain, le pousse à l'extrême jusqu'à la folie pure.

Mais ce roman reste malgré tout assez obscur et pourrait en rebuter plus d'un, souhaitant des fictions claires, sans zones d'ombres. Mais comme chaque roman de l'écrivain américain que j'ai commencé, je n'ai pu m'en détacher.

Féline - Binche - 46 ans - 8 avril 2004


Hallucinant ! 8 étoiles

Cette histoire démarre comme beaucoup d'autres histoires... Être engagé pour surveiller quelqu'un, en soi, n'a rien d'exceptionnel ! Mais finir par se demander qui surveille qui et si celui qui vous a confié ce travail existe bien est plus exceptionnel ! Un livre sur New York ? Sûrement ! Nous savons que cette ville obsède littéralement Auster (a lire "Le New York de Paul Auster"). Un livre sur la solitude ? Sûrement ! Le suivi, comme le suivant, vivent dans la même solitude et se posent certainement autant de questions l'un que l'autre sur ce qu'est leur vie. Mais y a-t-il dans cette ville énorme autre chose que des suivis et des suivants ?... Ce que j'ai, entre autres choses, admiré le plus dans ce livre, c'est la capacité d'imagination de l'auteur et son art à mener cette histoire, somme toute sans beaucoup d'action, de façon à ce que nous y restions tellement accroché... Et cela avec des personnages qui eux non plus n'ont rien d'extraordinaire pour nous accrocher !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 7 février 2002