Un monde de cristal
de Viktor Pelevine

critiqué par Dirlandaise, le 1 mai 2010
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Nouvelles surréalistes
Il s’agit d’un recueil de six nouvelles extraites de deux volumes publiés en 1996 à Moscou. Je ne les pas toutes aimées. Elles contiennent une bonne part de surréalisme dont l’auteur est friand.

La première intitulée « Un monde de cristal » est tout simplement hallucinante. Elle nous transporte en octobre 1917 alors que deux cadets font une ronde de surveillance dans les rues et tentent tant bien que mal de respecter la consigne reçue soit « Ne laissez passer vers Smolny aucun salaud de civil ». Souffrant du froid et de la solitude, nos deux jeunes hommes font appel à la cocaïne afin d’adoucir leur quart de travail. Quelques situations insolites viennent rompre leur douce torpeur. C’est vraiment excellent et le génie de monsieur Pelevine est à son meilleur. Il a su créer une atmosphère d’angoisse avec ses belles descriptions et je regrette qu’il ne le fasse pas plus souvent car il y excelle.

Les autres sont plus ordinaires je dirais quoique peut-on employer ce mot avec un auteur pareil ? Je n’ai pas aimé « Le tambourin de l’au-delà » en dépit du fait que le personnage de la vieille femme soit tout à fait savoureux. « Milieu de partie » est une histoire rocambolesque qui se passe dans le milieu de la prostitution à Moscou et réserve des rebondissements inattendus et étonnants. Cela aurait fait un excellent polar. « Nika »… Ah ! celle-ci m’a complètement charmée jusqu’à la fin où on réalise que monsieur Pelevine nous a mené en bateau du début à la fin. Il m’a eu complètement pour ce coup-là ! « Des nouvelles du Népal » est étrange et recèle une particularité d’écriture qui me plaît bien. Je n’en dis pas plus, constatez par vous-même… Enfin « Le réverbère bleu », la dernière, est tout à fait charmante. Elle se passe dans un camp de vacances et de jeunes garçons se racontent des histoires effrayantes avant de s’endormir. Savoureuse !

Viktor Pelevine aime nous raconter des histoires absurdes et il le fait très bien. Il a tendance à privilégier le côté narratif au détriment du style ce que je trouve dommage car il possède le talent nécessaire qui lui permettrait d’écrire de véritables chefs-d’œuvre. Je vais lire la suite de son œuvre en souhaitant que son côté poétique et lyrique soit davantage mis de l’avant. À suivre donc.

« Des craquements dégoûtants retentirent sous les sabots des chevaux : les morceaux de verre de la devanture brisée par le ricochet du Nagan. Un monde de cr-cr-ristal, pensa Nikolaï avec un profond dégoût pour lui-même et pour le monde entier. Ses récentes visions lui semblèrent soudain tellement incongrues et honteuses qu’il avait envie de grincer des dents en écho au craquement du verre. » (Un monde de cristal)

« Elle présentait, en effet, un aspect plutôt insolite. Son visage mongoloïde — qui ressemblait à une crêpe vieille de trois jours, aux bords recourbés — ne donnait aucune indication sur son âge, d’autant plus que ses yeux étaient dissimulés derrière des bandelettes de cuir de fils composés de petits grains de verre. Malgré la chaleur, elle portait une chapka de fourrure sur laquelle passaient trois larges bandes de cuir. L’une ceignait son front et sa nuque : des lacets y étaient cousus, d’où pendaient des petites figurines humaines, en cuir, des clochettes et des plaques qui tombaient sur son visage, ses épaules et sa poitrine. Les deux autres se croisaient sur la nuque où était fixé un oiseau métallique de facture primitive qui levait très haut son cou tordu. » ( Le tambourin de l’au-delà)