Zombies
de Bret Easton Ellis

critiqué par Jules, le 22 décembre 2000
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une observation acide d'un milieu particulier
Après " American Psycho ", ses cruautés gratuites, son sadisme effréné, outrancier, insupportable, ses jeux de tronçonneuse filmés en vidéo par lui-même (afin qu'il puisse admirer son costume Armani, sa chemise Ralph Lauren, sa montre Piaget, etc.), voilà que Bret Easton Ellis a repris sa plume.
Et sa plume est très belle, au laser, quand il décide de ne pas écrire avec du sang ! Ce livre est un ensemble de nouvelles qui nous décrivent une certaine tranche de la population de Beverly Hills et de Californie. En Porsche ou en B.M. décapotables (au minimum !), aux belles maisons de luxe, grandes comme des entrepôts, dans lesquelles chacun se sent l’âme et le cœur vide, au plus mal !. Les appels au secours restent sans réponses aucunes, tant chacun est préoccupé des grands problèmes de la vie… L'excès de fric, trouver vite son dealer car on est en manque de fumette ou de hasch, où trouver celle avec qui il faut avoir baisé, comment se procurer la table qu’il faut dans le resto où il faut être vu etc. Toutes questions des plus graves puisque l'image de soi en dépend… Les corps doivent être jeunes, frais et bronzés, pour servir de troisième jeunesse à des hommes plus qu'adultes aussi paumés que leurs rejetons. Un exemple, après une fête bien fumée et arrosée, la BM décapotable se retourne sur la route. "… le corps de Jamie avait à moitié traversé le pare-brise, Dirk l'avait tiré, allongé sur le sable, et fouillé dans les poches de Jamie pour chercher un autre joint. ". Avis aux secouristes !.
Cependant, dans ces nouvelles, nous retrouvons les grandes qualités de Bret Easton Ellis. Son sens de l'observation, de la dérision et de la formule qui bouscule. Il sait écrire, cet homme-là !. Mais voilà que soudain ses vieux démons le reprennent… de retour dans les bains de sang et dans l’horreur, avec " Les Secrets de l'été " et " La Cinquième Roue " !… Cette dernière nouvelle atteint son sommet quand il nous offre, en " Live ", l’exécution d’un pauvre gosse kidnappé. A en vomir ! Toute l’Amérique n'est-elle qu'un immense bain de sang pour lui ?… Ou est-ce Bret Easton Ellis qui ne peut s'empêcher de mettre ses grandes qualités d'écriture au service des détraqués de tous bords ? A finir par se demander s’il n'en fait pas partie et que l'écriture ne serait pour lui qu’un exutoire !…
Un grand écrivain potentiel, s'il pouvait changer de registre. Mais peut-être n’est-il capable que de décrire et n'a-t-il rien de plus profond à nous dire, ou à nous transmettre.
Tronches de vie à L.A. 6 étoiles

"Je veux dire, ces milliers de grands blonds aux yeux bleus, bronzés, tous surfeurs avec des corps parfaits qui se baladent dans les rues, qui foncent à la plage pour l'arrivée des grosses vagues dans leurs Porsche flambant neuve (et en plus ils sont tous drogués) et les belles femmes plus âgées qui écoutent la radio dans leurs belles Rolls-Royce noires et essaient de se garer sur Rodeo Drive......"

Caricatures de la jeunesse de Californie, sex drug and Rock'n'roll.
Toujours le même thème chez BEE, mais là version nouvelles.
J'ai bien aimé ces petits textes court.

Free_s4 - Dans le Sud-Ouest - 50 ans - 28 mars 2014


Une description complexe et subjective d'un univers atroce 7 étoiles

Zombies est le 1er livre de Bret Easton Ellis que je lis, et comme je suis d’accord avec la plupart des critiques sur ce livre atroce (sauf avec Myrmidon : comment peut-on SOURIRE du début à la fin de ce livre ?), mon commentaire de lecture sera (relativement) bref. Je me contenterai de développer quelques considérations sur le style et la violence du récit.

1. Zombies est un livre dont la lecture est éprouvante mais j’avoue que le style est fascinant de facilité virtuose. Bret Easton Ellis parvient aisément à nous glisser dans la tête de ses californiens blonds et bronzés travaillant dans l’industrie du disque ou du cinéma, gavés de fric mais désoeuvrés, esclaves des drogues (médicaments, marijuana, cocaïne, etc.), obnubilés par leurs biens (lunettes de soleil, fringues, voitures, etc. - les marques servant de repères et de codes) et par le sexe facile (prostitution et bisexualité « molles » sont la règle) mais, et c’est là l’intérêt du roman, plus ou moins conscients de la totale vacuité de leur vie et d’être piégés dans une cage dorée. Le parallèle avec le zoo qui clôt le dernier récit est évident.
La construction du livre me semble bien plus complexe que celle d’un recueil de nouvelles. il n'y a pas d'histoire, pas de schéma narratif mais la récurrence de certains personnages et l’arrière-plan commun aux différents récits tressent un entrelacs de destins et de vies saisies sur le vif, par des sortes de portraits en action racontés à la 1ère personne. Le style de Bret Easton Ellis, par sa capacité à mélanger le réel objectif avec une vision subjective du réel déformée par les drogues, par son ton à la fois familier et d’une précision clinique, par ses personnages à la fois paumés et en pleine interrogation désabusée sur le sens de leur vie ratée (avec des réponses parfois tarabiscotées comme celles de Bruce !), par son humour d'une ironie noire, m’a parfois fait penser à celui de Philippe K Dick. Avec la violence en plus…

2. La violence atteint des niveaux à la limite du supportable. On est souvent dans le registre du gore sanglant (notamment à la fin, avec la communauté de vampires et le meurtre au cran d’arrêt par un camé ne sachant pas comment tuer sa victime, d’un garçonnet de 10 ans kidnappé dans la rue…) mais l'impact est amplifié par la détresse psychologique ou par la jouissance meurtrière des protagonistes. Baudelaire faisait de la conscience dans le mal le summum du démoniaque… Nous sommes en plein dedans ! Les vampires (Dirk et Jamie), qu’on croise au début du recueil dans un repas entre amis au restaurant, sont des prédateurs spécialisés : l’un sur les prostitués homosexuels qu’il massacre à la tronçonneuse ; l’autre sur les adolescentes qu’il séduit en boîte de nuit puis baise et tabasse avant de les saigner… Pour moi, par les images mentales qu’il suscite et par son absence de recul par rapport à l’action (toujours décrite à la 1ère personne), ce livre mériterait d’être interdit à la vente aux mineurs de même qu’Orange mécanique fut, avec une grande clairvoyance et une grande honnêteté intellectuelle de la part de Stanley Kubrick, longtemps interdit de distribution en vidéo. Je pense que c’est le genre de livre qui peut susciter des vocations dans un esprit malade… Sauf qu’en France, on n’interdit pas aux moins de 12 ans certains films de sadisme pur distribués en salle ou en vidéo !

Je ne sais pas trop si Bret Easton Ellis est sincère dans son écriture. S’il ne l’est pas, c’est sans aucun doute un écrivain doué qui gâche son talent de manière dangereusement complaisante vis-à-vis d’un public avide de sensations fortes… S’il l’est, i.e. si son écriture est une sorte d’exutoire aux images qui l’assaillent et à sa perception de la société américaine, je pense qu’on peut dire de lui ce que certains disaient de Huysmans à la fin du XIXème : soit il fait une expérience spirituelle qui le transforme (dans le bon ou le mauvais sens), soit il se suicide !

Eric Eliès - - 50 ans - 23 février 2013


BEE automatique 1 étoiles

Marketing littéraire, caricature, rabâchage, fonds de tiroirs, brouillon d'autres livres, peut impressionner si premier BEE. Le choc intégral est de commencer par AP.

Ciceron - Toulouse - 76 ans - 31 octobre 2008


Mille lieux sous terre 3 étoiles

J'avoue que j'ai été un peu perdu dans toutes ces histoires et ces quelques personnages récurrents. Il est véritablement difficile de suivre BEE, surtout quand les histoires sont courtes et que l'on a le sentiment, en finissant chacune des nouvelles, d'une absence totale de chute!!
Je suis vraiment passé à côté de ce livre. Mais bon il est tout de même agréable de lire la prose de BEE, bien particulière, même si on ne sait pas où il veut nous emmener ni quel est l'intérêt des histoires!!
Bref, déstabilisant.

POOKIES - MONTPELLIER - 47 ans - 31 octobre 2008


tranchant 8 étoiles

Portrait d'une Amérique friquée et cocainée impeccable le style de Ellis est percutant et nous donne le sourire du début à la fin.

Myrmidon - - 41 ans - 18 octobre 2008


Bret tu nous prends pour tes zombies ! 4 étoiles

La dernière critique éclair de Zombies me rappelle que j’ai lu ce bouquin il y a déjà un certain nombre d’années mais je l’ai assez bien gardé en mémoire pour formuler une opinion sur cet opuscule qui provoque des débats passionnés chaque fois qu’il est évoqué.
En ce qui me concerne, je suis assez bien rentré dans les premières nouvelles que j’ai trouvé plutôt pertinentes, très ajustées et très révélatrices de ce monde complètement factice où évoluent des vedettes mais surtout des pseudo vedettes qui voudraient devenir des stars et emploient tous les moyens, mêmes les plus vils et les plus dégradants, pour parvenir à leurs fins.
Et puis, la répétition, la surenchère dans la violence gratuite, un certain manque d’imagination finissent par lasser et on se dit alors le Bret il sait bien écrire un certain type de récit mais il a du mal à en sortir et au lieu de se renouveler il en remet chaque fois une nouvelle couche au risque de devenir insupportable.
Mais peut-être que le brave, il se complait dans ces ambiances malsaines et qu’il y prend même un certain plaisir auquel cas il devient difficile de le suivre sur une telle voie.
Et puis, un autre doute titille le cerveau, Bret ne chercherait il pas tout bonnement à flatter les instincts les plus bas d’un certain type de lectorat pour s’assurer de belles ventes sans faire de grands efforts d’imagination pour se renouveler.
Seul lui peut parler de ses motivations, mais je pense qu’il y a un peu de tout ça dans son œuvre et qu’il ne nous donne pas envie de le suivre très longtemps sur ce chemin de sang et de vice alors qu’il aurait pu nous émouvoir, nous exciter et même nous bouleverser avec une fine perversité, une tendre amoralité et une réelle transgression des mœurs, des lois et des usages moraux.

Débézed - Besançon - 77 ans - 28 mars 2008


Pas mal, en fin de compte 7 étoiles

Ce recueil de nouvelles n'est pas le meilleur de BEE, mais reste très réussi. De bons passages.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 27 mars 2008


Ça va cinq minutes... 3 étoiles

Oui, BEE écrit bien. Oui, BEE n'a pas son pareil pour dépeindre l'Amérique dans ce qu'elle a de noir et de pourri. Oui, BEE est un des maîtres incontestés de la description de la débauche et de la bourgeoisie corrompue...
Certes, mais à force de lire ces ingrédients réunis dans tous les textes qui composent ce recueil, ça en devient lassant. Pas besoin de décrire dix fois ce qu'est une bourgeoise quarantenaire oisive et défoncée. Inutile de s'étaler autant sur les beaux blonds bronzés naviguant entre le job de gigolo et celui d'homo à temps partiel. Pas indispensable de détailler par le menu la vie de ces filles sans cervelle dont le seul souci est le prix du gramme de coke ou la couleur du dernier vernis à la mode.
Bret Easton Ellis écrit bien, c'est indiscutable. Il n'a pas son pareil pour décrire à merveille ambiances, caractères et caractéristiques d'une certaine Amérique mais sait-il fait autre chose? Autrement, en tout cas? Tout comme Jules, je me demande si il arrive à se sortir de tout cela. Il y a là un côté répétitif qui finit par m'ennuyer et asphyxie totalement le talent de l'auteur. Dans son cas, un roman d'un seul tenant est plus efficace à mes yeux qu'une recueil de nouvelles, surtout courtes. Il y avait pourtant de l'idée dans ces nouvelles, un écho de l'une à l'autre, des personnages que l'on retrouve au fil des pages mais bon, en ce qui me concerne, lire les péripéties de bourgeois fainéants et désabusés, ça va cinq minutes...

Sahkti - Genève - 50 ans - 8 décembre 2005


Humour très noir 7 étoiles

"Les trois meilleurs écrivains américains vivants sont Bret Easton Ellis, Breat Easton Ellis et Bret Easton Ellis. Tous les autres donnent sommeil (...). On lui reproche de ne parler que de sexe, de violence et de fric, mais c'est l'Amérique qu'il décrit - le pays qui mélange le mieux ces trois ingrédients. Dans Zombies, son quatrième livre,il enfonce le clou. On retrouve ses héros superficiels qui hésitent entre se tuer, regarder MTV ou reprendre un Valium (...) C'est un livre incroyable. Ellis fait précisément à la littérature ce que Basqiuat a fait à la peinture: la réveiller"
Frédéric Beigbeder, Elle

Ca alors ! Moi qui avait toujours considéré Beigbeder comme inclassable, cette petite phrase au dos de "Zombie" me fait prendre conscience de l'énorme similitude entre son style d'écriture et d'histoires et celles de Ellis.
En particulier leur humour noir acidulé ,si on aime le genre bien sûr, est assez clairement dans la même veine.

Personnellement j'ai préféré "American Psycho" et "Less than zero" à "Zombies". L'art de faire ressentir les situations rocambolesques des protagonistes au lecteur comme si il en était l'acteur et qu'on parlait de ses potes est toujours bien là, mais j'ai un peu dur à suivre le fil de l'histoire dans "Zombies" comme dans les Ellis plus récents. Je les ai lus en plusieurs jours et cela n'aide probablement pas à voir un fil conducteur dans ces successions de petites histories mais quand je repense à un de ces livres quelques mois après les avoir lu je fais face à un enchevêtrement de pensées furtives et d'histoires qui s'entrecoupent et se mélangent.

Tout de même de très bons moments mais vraiment, pour moi c'est American Psycho qui reste le livre d'humour le plus noir que j'aie lu. Et un de ceux qui m'a d'ailleurs le plus fait rire.

Albator - - 55 ans - 28 décembre 2003


les rêveurs inconscients... 9 étoiles

Après avoir lu, et aimé, American Psycho, je me devais de lire un autre Ellis pour m'assurer qu'il confirmait son talent. Et... il le confirme ! Ce recueil de nouvelles est tout simplement parfait, d'une justesse et d'une précision qui tiennent du surnaturel. L'observation du monde perverti de la Californie avec ses débauches sexuelles, ses drogues, ses rêveurs qui ne savent pas qu'ils rêvent, ses personnages qui ne vivent pas leur propre vie, ses "zombies" en dehors de toute réalité, ses valiums pris au petit déjeuner, etc... est tout simplement suffocante, étouffante, mordante de réalisme, de peine et de douleur. Oui, il est vrai, Ellis "retombe" dans son vice sanguinolent, il nous offre des scènes que l'on n'a pas forcément envie de voir, mais je crois qu'il le fait sciemment, pour nous montrer l'horreur de certaines vies qui, tronquées par les drogues et l'argent facile, n'ont plus de valeur. L'assassin se suicide en tuant, c'est lui-même qu'il occit car il ne vaut plus rien, plus rien de réel. Je ne sais pas si toute l'Amérique n'est qu'un bain de sang pour Ellis, ce que je crois c'est que l'amoralité qui est derrière est claire pour Ellis et que c'est celle-ci qu'il traduit au travers de ses écrits rouge sang.

Pendragon - Liernu - 54 ans - 22 juin 2001