Les éditocrates : Ou Comment parler de (presque) tout en racontant (vraiment) n'importe quoi
de Mona Chollet, Olivier Cyran, Sébastien Fontenelle, Mathias Reymond

critiqué par Jlc, le 22 avril 2010
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Le poison de l'ennui
Depuis bien longtemps, Alain Duhamel n’a plus le monopole de mon écoute quotidienne ; Bernard-Henri Lévy me fatigue avec son indignation en bandoulière ; Jacques Attali m’énerve avec ses enthousiasmes systématiques tout comme Nicolas Baverez et ses catastrophes irrémédiables ; Alexandre Adler m’amuse plus qu’il ne me séduit avec ses prédictions hétérodoxes et Christophe Barbier est un peu agaçant avec ses leçons un peu trop péremptoires. Suspicieux devant ces « éditocrates », j’ai ouvert avec gourmandise ce livre qui se veut « une divertissante photographie du pays des faiseurs d’opinion » et que je prenais pour un pamphlet.

Pour le réussir, il faut savoir réaliser ce mélange alchimique qui combine une idée-force, un peu, voire beaucoup, de mauvaise foi, le sens de la satire, une cruauté élégante pour attaquer les idées à la mode et un style brillant pour emporter l’adhésion. « Qui dit pamphlet, disait le pamphlétaire Paul Louis Courier, dit un écrit tout plein de poison ».
Hélas, quatre fois hélas (comme le nombre des auteurs), ce livre-là n’a rien de tout ça. L' idée-force se résume à une acrimonie faite de longs « copier coller » pour prouver que ces gens là ont des idées bien convenues. Il n’était peut-être pas nécessaire d’écrire deux cents pages sur cette évidence. La mauvaise foi est sans saveur, trop engluée dans ses contradictions (on objecte à l’un d’être resté fidèle à ses idées et à l’autre de s’être renié) et naïve (reprocher à un éditorialiste du Figaro de ne pas écrire un article contre son propriétaire est une niaiserie). Les auteurs ont confondu cruauté et méchanceté : reprocher à Alexandre Adler ses « vilainies langagières », voire ses « imputations dégoûtantes » de rapprocher Bové de Poujade, pour aussitôt le qualifier de « svelte » et « léger » est bien bas quand on sait la maladie dont doit souffrir ce journaliste. Rédiger un écrit « plein de poison » nécessite une autre plume que celles des auteurs. Parler de Jacques Marseille, auteur de « petits livres venimeux » disparu depuis, comme de quelqu’un qui glapissait quand il ne vociférait pas ou de Barbier passant son temps à « bâfrer » ne relève pas le niveau de la diatribe qui n’atteint jamais au satirique. Quant au style, il est d’une platitude de morne plaine. Et tout est à l’avenant.

Il y a pourtant dans ce livre du poison mais ce n’est pas celui dont parler Courier. C’est celui de l’ennui.
Bof 4 étoiles

Finalement, on s'aperçoit très vite que le principal reproche fait à tous les éditocrates mentionnés, c'est celui de ne pas avoir la même couleur idéologique (à gauche toute) et avis que les auteurs. Certaines critiques sortent du lot ( BHL), mais, par exemple, reprocher à des personnes de se tromper dans leurs prédictions, c'est très facile, a priori, les sciences politiques ne sont pas une science exacte.

Perplex - - 42 ans - 22 février 2011


Peut-être pas si mauvais que cela... 6 étoiles

Un livre qui porte à réfléchir sur un sujet très simple : est-il possible de se contenter, comme source de réflexion politique et sociale, d’une seule source d’information, des commentaires d’un seul homme, des éditos d’un seul « intellectuel » ?

On peut compléter d’ailleurs ce questionnement par un second élément : que penser de ces médias qui se disent différents alors qu’ils font signer les mêmes éditorialistes dans leurs colonnes, sur leurs ondes ?

Cet ouvrage, strictement à charge, reconnaissons-le, passe au crible une série de dix grandes plumes et voix des médias et montrent que bien souvent ils parlent de sujets qu’ils ne connaissent pas très bien, qu’ils sont approximatifs et souvent qu’ils sont les premiers à mettre en place cette fameuse pensée unique que par ailleurs ils critiquent si souvent…

Ils s’agit donc de portraits corrosifs et subjectifs de Bernard-Henri Lévy, Jacques Attali, Alain Duhamel, Alexandre Adler, Laurent Joffrin, Christophe Barbier, Nicolas Baverez, Jacques Marseille, Ivan Rioufol et Philippe Val…

Alors bien sûr, cela ne signifie pas que tous ces hommes – d’ailleurs pas de femme dans ces portraits, seraient-elles plus honnêtes, plus objectives ? – ne seraient plus à lire ou écouter ! Non, mais après lecture de cet ouvrage on ne les écoute plus de la même façon. Ceux qui me connaissent savent que j’apprécie certains d’entre eux et je crois que cela ne changera pas grand chose, mais je reconnais que les défauts pointés par chacun des auteurs sont bien réels. Mais qui n’a pas de petites lacunes ? D’ailleurs, ma critique est parfaitement subjective puisque je suis, moi-même éditorialiste et que je sais bien qu’il m’arrive d’aborder des sujets de façon parfaitement subjective, avec parti pris et même, dans certaines circonstances, des lacunes de connaissances sur le sujet.

Oui, mais que serait un média sans aucun éditorialiste, sans aucun à priori ? Un média parfaitement objectif ? Heureusement, ça n’existe pas !

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 7 novembre 2010