Le jardinier espagnol
de Archibald Joseph Cronin, Henri Thiès (Traduction)

critiqué par Antinea, le 14 avril 2010
(anefera@laposte.net - 45 ans)


La note:  étoiles
Orgueil et frustration
Harrington Brande est un consul américain bien malmené par la vie : sa femme l’a quitté et les missions qu’on lui donne sont toujours dans les consulats les plus miteux de l’Europe… une vie bien en deçà de ses espérances et de ses mérites, lui qui a tout fait pour que sa femme l’aime et qui a des capacités professionnelles dignes des plus importantes ambassades.

Heureusement, il a Nicolas, son fils, un petit garçon d’une dizaine d’années à la santé fragile. Le garçonnet grandit dans le carcan étriqué de règles et de recommandations que lui impose son père. Ce dernier en effet, régit jusqu’aux moindres détails l’emploi du temps et les habitudes de son fils, par souci obsédant de protection, mais surtout, de contrôle. L’attention étouffante de ce père qui n’a pas pu contrôler les autres aspects de sa vie, pèse sur les épaules de l’enfant chétif et inhibé.

Ses fonctions sont requises dans une petite ville de la Costa Brava, en Espagne et c’est sans grand enthousiasme qu’il s’installe à la Casa Breza, avec son fils. Ils y trouvent un couple de domestiques, l’étrange Garcia et Magdalena la soumise, et un jardin prometteur, pour peu qu’il soit entretenu. Devant l’insistance de l’enfant, Harrington engage José, un jeune homme, champion de pelote, comme jardinier. Et ce n’est pas sans émoi qu’il voit le jardinier espagnol devenir l’ami de Nicolas le solitaire, Nicolas son fils, toute sa vie.

S’installe alors un climat de méfiance, une haine pour le jeune homme et cette amitié entre lui et son fils qu’il n’a pas décidé. Sa soif de contrôle, exacerbée par les déboires de sa vie passée, se matérialise dans le comportement détestable qu’il adopte avec José, une rage aveugle dont son fils est la première victime.

C’est un livre passionnant mais énervant, fait d’injustices et de mensonges. S’il l’on peut comprendre jusqu’à une certaine mesure la frustration de Brande, il devient de plus en plus évident que cet homme souffre d’un égo surdimensionné des plus méprisables et on se prend à tourner les pages avec fébrilité dans l’attente d’un semblant d’équité. Une justice rendue néanmoins au coût d’un lourd sacrifice, une revanche sur l’estime indéfectible, les préjugés et le pouvoir.

Un livre que je conseille vivement.