Mémoires d'un enfant du rail
de Henri Vincenot

critiqué par Hexagone, le 1 avril 2010
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Littérature ferroviaire.
Vincenot nous délivre le récit de ses souvenirs d'enfant et d'homme. Enfant grandissant au sein de l'univers ferroviaire et se construisant en tant qu'homme au sein de cette confrérie. Son grand-père, son père, ses oncles sont tous de loyaux cheminots. Ils sont de cette coterie, de cette matrice au sein des motrices qui forge les hommes et leurs vies et où la fraternité n'est pas un vain mot. Il y a des divergences, des spécialisations dont Vincenot fait le récit avec acuité et délice. ll y a l'avènement de l'électricité à une époque où les trains sont à vapeur. Tout le chamboulement que cela implique, la réorganisation du travail, la transformation de la ville et la désertification des campagnes. Il y a les amours de Vincenot, son entrée à la société PLM qui deviendra la SNCF. Il y a les oppositions syndicales, les impérities des huiles. On se dit que rien n'a vraiment changé, du moins pas en profondeur. Vincenot n'est pas ici le chantre de la Bourgogne comme dans ses autres ouvrages. Il nous donne une tranche de vie, de sa vie à une époque où l'honneur, l'amour du travail bien fait, la parole donnée étaient les valeurs quotidiennes de l'honnête homme. Je ne conseillerai pas ce livre pour appréhender et apprécier l'oeuvre du maître. Mémoires d'un enfant du rail est plus personnel que ses ouvrages plus connus. Il n'en constitue pas moins pour le passionné un élément de l'univers de Vincenot dont j'ai toujours un grand plaisir à découvrir des éléments.
Nous sommes tous des enfants du rail 9 étoiles

Y-a-t-il eu plus belle invention au cours des deux derniers siècles que le chemin de fer ?
Non, en toute objectivité et impartialité, je ne pense pas... le chemin de fer est un peu dans le domaine technique ce que le cheval est au règne animal, la plus noble conquête de l’homme. Quand on entre dans le monde du train, on n’en sort plus.

Vincenot, lui, est né dedans et ne l’a jamais vraiment quitté. Les souvenirs d’enfance et de jeunesse qu’il évoque dans ces Mémoires d’un enfant du rail couvrent les années 30 à 40, avant la SNCF (38), au temps de la vapeur et des gueules noires. C’est marrant, certaines problématiques, qu’elles soient techniques ou sociales, sont toujours actuelles… et on découvre que le chemin de fer, non seulement est une invention technique majeure (la plus importante depuis la roue), mais est également une invention sociale ! J’ai découvert dans ce livre les noms de Prosper Enfantin et du Saint-simonisme, et que le statut des cheminots ne date pas seulement de la fin de la seconde guerre mondiale mais vient de beaucoup plus loin. Comme souvent, l’histoire éclaire l’actualité.

Et Vincenot reste un guide hors pair, un styliste parfait. Jeune, son grand-père, qui a connu les premiers tours de roues de premières locomotives, lui contait ses exploits. Grand-père à son tour, Vincenot nous transmet tout cela. Et lisant ce livre dans le TGV qui m’emmène de Roissy à Montbard à 250 km/h, je sens que le temps se contracte, que des gueules noires aux lampistes, des gratte-tubes aux garde-barrière, ils sont là, dans ces collines de l’Auxois, tous mystérieusement présents ceux qui ont permis que nous soyons ce que nous sommes.

Guigomas - Valenciennes - 54 ans - 7 octobre 2011