Intrigue à Versailles
de Adrien Goetz

critiqué par Marvic, le 5 mars 2010
(Normandie - 66 ans)


La note:  étoiles
Da Vinci Code à Versailles
N'est pas Dan Brown qui veut!
Tous les ingrédients utilisés par l'auteur de best-sellers y sont:
- un lieu plein d'Histoire et d'histoires: le château de Versailles
- une secte très ancienne avec des cérémonies d'initiés dispersés dans de nombreux pays: les jansénistes
-un couple vedette qui quitte Bayeux pour Versailles: Pénélope, jeune conservatrice intrépide et Wandrille, journaliste.

Mais voilà, si tout était là pour construire un roman passionnant, la recette ne fonctionne pas.
M. Goetz a lu une cinquantaine d'ouvrages traitant des différents sujets rencontrés dans le roman et nous submerge de renseignements historiques complètement accessoires à l'intrigue.
Le nombre de noms propres ( allant jusqu'à une vingtaine par page) est incalculable empêchant de faire le tri entre les personnages de l'Histoire et ceux de l'histoire.

Et pourtant le roman commençait comme un bon policier: un cadavre dans un bassin, un doigt sanguinolent dans un meuble "en trop" dans le château.
Mais la surabondance de faits historiques m'a gâché tout le plaisir que j'attendais de cette lecture.

A noter quand même que Bernard Pivot a trouvé ce roman "amusant, extravagant, ébouriffant", et l'auteur "royal".
Et pour ceux qui liront ce livre, un petit conseil: les plans du Château et du Parc sont judicieusement placés à la fin.
Intéressant mais indigeste 5 étoiles

L'histoire :
Pénélope est une jeune conservatrice de musée récemment nommée au château de Versailles. Son petit ami, Wandrille, est un journaliste chroniqueur mondain dont le père est Ministre des Finances. Ensemble, ils vont tenter de résoudre l'énigme d'un double meurtre perpétré dans le parc du château de Versailles. Leur enquête va les plonger dans le petit monde des « crypto jansénistes », sorte de société secrète en prise avec un mystérieux milliardaire chinois, et nous faire découvrir mille anecdotes sur l'histoire de Versailles... Cette aventure est la suite de « Intrigue à l'Anglaise » qui mettait en scène les mêmes personnages dans une enquête autour de la broderie de Bayeux.

Ce que j'en ai pensé :
Les héros d'Adrien Goetz font irrésistiblement penser à ceux de Dan Brown, l'auteur du Da Vinci Code. Un homme et une femme, l'un universitaire cultivé, l'autre non, ils évoluent dans des lieux touristiques et chargés d'histoire et résolvent les énigmes auxquels ils sont confrontés en décodant des messages indéchiffrables pour le profane. Divertir tout en instruisant : Dan Brown avait parfaitement réussi son coup grâce à une intrigue passionnante et pleine de rebondissements. Adrien Goetz, lui, ne parvient qu'à réaliser la moitié du contrat, celle de nous instruire. Ce n'est certes pas négligeable, mais le plaisir de la lecture s'en trouve affaibli. Lire « Intrigue à Versailles », c'est un peu comme lire in extenso un guide touristique. On apprend en effet des tas de choses tout au long de ces 400 pages : ce qui fait la valeur d'une dorure du XVIIIe siècle, où manger un bon couscous à Versailles, en quoi consistait le jansénisme. C'est intéressant mais c'est indigeste.
Ce qui manque pour faire de ce livre un roman qu'on dévore c'est surtout du suspense. Il n'y en a pas d'abord parce que l'intrigue est proprement incompréhensible. Le récit est bizarrement construit. Le mobile des meurtres s'avère risible. Il n'y en pas ensuite parce que les héros ne sont jamais véritablement en danger, leur implication personnelle peu évidente. Ces personnages auxquels on aimerait s'identifier manquent de sève. Ils sont pourtant sympathiques au premier abord et ils ont des prénoms rigolos. Malheureusement des personnages prennent corps par les dialogues et ceux-ci sont quasi systématiquement utilisés par l'auteur pour placer des anecdotes culturelles, sur un ton léger un peu exaspérant à force. Tous les personnages du livre ne semblent se parler que par citations interposées.
Deux exemples, parmi mille autres :
⁃ « Ton couscous est servi depuix dix minutes, tu laisses tout refroidir ! Perche la minestra si fredda !
⁃ « Parce que la soupe refroidit », dernières paroles écrites par Léonard de Vinci.
⁃ « Incollable. Cinq ans après, tu réussirais encore le concours du patrimoine !

⁃ Il était pire que le marquis de Sade ton M. Le Paige, Léone ? Demande Wandrille rêveur.
⁃ Pire ? Il ya deux différences avec Sade. La première c'est que dans les scènes que décrit Le Paige, avec toutes ces filles sacrifiées, il n'y a jamais rien de sexuel.
⁃ C'est mieux. « Il n'y a pas de rapport sexuel » c'est Jacques Lacan qui l'a dit. Seconde différence?

Du coup, on reste assez indifférent au sort de Pénélope et Wandrille. La seule chose qui m'a intéressé à leur sujet est de savoir si leur « amour » (je met des guillemets car cet amour ne transpire jamais entre les lignes) allait résister à l'infidélité de Wandrille. Car oui, le héros trompe l'héroïne. Il en éprouve du remords mais sans trouver le courage d'avouer la vérité. Comment la vérité allait-elle se faire jour ? Comment la jalouse Pénélope allait-elle réagir à cet affront ? J'attendais une scène forte, la vérité révélée sur un détail, une explosion de colère, le fils de Ministre humilié, le couple séparé, au moins momentanément... et la déception fut à la hauteur de cette attente. L'affaire est expédié en deux phrases et une boutade : nous apprenons en même temps que Wandrille que cette petite maligne de Pénélope avait deviné, qu'elle n'éprouve ni peine, ni rancoeur et qu'elle pardonne... Tu parles d'un amour.

Le_squasheur - Paris - 49 ans - 8 février 2012