La mulâtresse Solitude
de André Schwarz-Bart

critiqué par Falgo, le 24 février 2010
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Poignant diamant littéraire
Encore un auteur oublié. André Schwartz-Bart , d'origine juive polonaise, a connu la gloire avec le prix Goncourt de 1959 attribué au "Dernier des justes". Déçu par la France et son milieu littéraire, il l'a quittée en 1972 pour s'installer en Guadeloupe, d'où sa femme est originaire, et a cessé de publier.
"La mulâtresse Solitude" est le deuxième tome d'un cycle de sept volumes ainsi abandonné, qui devait porter ce même nom. En soi, ce livre est une merveille. L'auteur, polonais, juif, blanc, s'introduit littérairement dans le cerveau de Solitude, esclave métisse d'origine africaine. Il restitue dans une langue imagée, poétique, fantastique, le parcours de l'esclave au milieu des esclaves, de leurs humiliations et de leurs révoltes. On vit avec elle et ses compagnons, dans leur déchéance, leurs rêves, leurs chants, leurs danses et leur mort. Ce récit conserve aujourd'hui une force incroyable, transposable à toute situation d'humiliation de ceux qui ne peuvent comprendre ce qui leur arrive, arrachés par la brutale stupidité des hommes à leur cadre naturel.
Ainsi se termine le livre:
"Et, renversant la tête en arrière, laissant aller les globes somptueux de ses yeux - faits tout bonnement par le Seigneur, dit une légende, pour refléter les astres - elle éclata en un curieux rire de gorge, un roucoulement léger, entraînant, à peine voilé de mélancolie; une sorte de chant très doux et sur lequel s'achèvent toutes les histoires, ordinairement, tous les récits de veillée, tous les contes relatifs à la femme Solitude de Guadeloupe..."