Le Roi des crânes
de Laurent Guillaume

critiqué par Nicolas Grondin, le 22 février 2010
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Opus 2
Un «crâne», dans le jargon des «nuiteux» de la police, c’est une interpellation… Et comme on disait chez les Bobos; «ça interpelle» pas mal, ce prolongement que Laurent Guillaume a donné à son excellent «Mako», paru chez le même éditeur il y a à peine un an. Mais si le major Makovski est toujours la figure centrale de ce deuxième roman, il donne une ampleur nouvelle à son auteur. Toujours, un premier livre est une bouteille à la mer, et le suivant est pire : une épreuve pleine de tâtonnements. Pour son auteur d’abord — «Vais-je parvenir à les convaincre ?» — et pour son lecteur surtout — «Va-t-il me décevoir ?». Ce deuxième essai est réussi — et comment ! — tant derrière que devant la page : Guillaume se renouvelle sans se trahir, pour le plus grand bonheur des nombreux enthousiastes de la première heure. C’est incontestablement la marque d’un écrivain.
Après la traque qui avait, dans «Mako», laissé le major Makovski bien sombre, il jette l’éponge et abandonne la Brigade anti-criminalité (BAC) pour intégrer une équipe des Stups, dirigée par un personnage nouveau et tout à fait attachant : le capitaine Alpha Keïta, né dans les tours de la Cité Émile-Zola à Vitry-sur-Seine, probablement de parents maliens(1). Malgré le côté «ours mal léché» des deux hommes, le courant passe et, ensemble, ils résoudront une affaire restée en travers de la gorge de Mako, et ils iront même beaucoup plus loin… Mais je n’en dirai pas plus.
Le Roi des crânes ne perd rien de la violence, larvée ou tangible, qui fait le quotidien du flic de terrain et l’épaisseur de «Mako», mais le personnage de Makovski gagne ici à la fois en humanité et en profondeur. Où l’on découvre par exemple que le major est un spécialiste… des chats. Si le premier opus nous faisait entrer de plein pied dans le quotidien d’un flic de la BAC au long de ses lancinantes tournées nocturnes, de ses démons réels ou oniriques, le deuxième nous fait appréhender les angoisses d’un homme… Ce flic de terrain, au centre des deux romans de Guillaume, est confronté à ce que la société qu’il protège se refuse à regarder : la fange putride d’un cloaque pourtant bien sous nos pieds. Et, pour jouir de cette peu enviable prérogative, il paye un lourd tribut : la solitude, les angoisses d’un échec qui laisserait un salopard cavaler, d’une erreur qui pourrait être mortelle. Mais aussi les tentations de la routine — qui anesthésie une douleur cent fois renouvelée — ou du basculement vers une dangereuse facilité : oublier que les cadavres sont des victimes, ou encore prendre le fric où il est, c’est-à-dire pas sur la fiche de paye…
Que Mako, à l’instar d’un certain Harry Bosh(2) dont il est assurément un lointain cousin, veuille déblayer sa vie des fantômes qui la hantent est compréhensible. Malheureusement, ce désir n’est guère compatible avec le seul boulot qu’il sache faire : traquer, piéger et prendre les candidats aux séjours longue durée en Centrale… Cette fois, pourtant, la proie semble plus grosse et plus aiguisée que son chasseur. Alors tous les moyens, tous les artifices sont bons pour faire tomber cette bête dans la trappe.
Quant aux femmes, visiblement, la maladresse pataude du major risque de le priver longtemps de compagnie féminine. Ce qu’on l’on peut regretter, au demeurant, car les personnages féminins n’ont pas encore, chez Guillaume, l’épaisseur qu’ils pourraient avoir. Mais gageons que le troisième gommera ce défaut.
Ah… À propos de troisième opus, une source «autorisée» — mon petit doigt — me dit qu’on en a pas fini avec Alpha Keïta… Et c’est tant mieux !

Nicolas Grondin


1. L.Guillaume — qui vit et travaille à Bamako — ne le spécifie pas, mais on peut le supposer.
2. Personnage principal de Michael Connely.
Mako 8 étoiles

J'ai bien aimé cette suite (même si j'ai préféré le premier) des aventures de Mako , personnage attachant et qui se débrouille pas comme un pro avec les femmes mais qui a du nez pour mener ses enquêtes . Il arrête la BAC et fait équipe avec un nouveau partenaire . Début difficile car il bosse de nuit , lui étant si habitué à bosser de nuit . Mais petit à petit il s'ajuste et de nouveau , Mako doit faire des choix moraux et personnels .
Cela se lit bien et en quelques jours . Laurent Guillaume ne fait pas dans les phrases à ralonge et tout se passe vite
Très bon livre et j'ai eu un pincement au coeur en quittant Mako

Son dernier livre Doux Comme la Mort est encore meilleur , se déroulant entre la France et le Mali . Des quatre de lui , avec Mako , mon favori

Marlène - Tours - 47 ans - 23 mai 2012