Les allumettes de la sacristie
de Willy Deweert

critiqué par Saumar, le 22 février 2010
(Montréal - 91 ans)


La note:  étoiles
polar mystique
Dans ce polar, Willy Deweert marque une vivacité d’esprit et en donne autant au récit. Ça se lit sur deux intrigues. L’une, intérieure, c’est le déroulement du journal intime du narrateur Enzo. L’histoire se déroule au couvent de l’Immaculata près de Rome. On peut suivre le moine Enzo, dans ses doutes et son questionnement spirituel, dans sa confession générale (p.119). Cette partie est bien rendue et convaincante. C’est dans ce noviciat qu’il vole des allumettes pour fumer en cachette. On comprend qu’Enzo était plus heureux à l’époque de l’abbé Barnabé. Tout se gâte avec son remplaçant, l’abbé Léonardo le prend en grippe. Un confrère, Léon, qui lui avait signalé l’existence d’un souterrain secret a été chassé de l’abbaye et assassiné sous l’ordre de Léonardo (p.333). Enzo considère cette mort suspecte ainsi que celle de l’entrepreneur qui avait fait des travaux à l’Immaculata, sans oublier les trois voyantes qui ont annoncé l’apocalypse et meurent assassinées. L’autre intrique, extérieure, est rempli de rebondissements. Le religieux y découvre la corporation intégriste qui critique le pape de s’occuper trop du pouvoir politique et matériel plutôt que religieux. Le cardinal Videgaraï, préfet de la communauté, aidé de son neveu Remio, suit les événements de près. On fouille le palais apostolique de fond en comble pour se rendre compte que Jean XX1V avait disparu (p.220).

La dernière partie du roman change de rythme. Celui-ci s’accélère. Il se passe l’histoire d’amour de Remio et Grannalia, la survivante des voyantes. Le rapprochement des deux frères : Enzo, homme intelligent, équilibré, et Gino, informaticien, parviennent à déjouer le système informatique et à pénétrer dans le souterrain, (p.287) ce qui permet la libération du Saint-Père, encore vivant, mais dans un état d’épuisement tel que ses chances de survie sont quasi nulles. Il fut hospitalisé et décéda quelques mois plus tard (p.310). Enzo y laissa la vie également.
Enzo était parvenu à relever une liste des 78 numéros d’immatriculation de visiteurs de l’abbaye, si nombreux depuis un certain temps. Auront-ils assez d’éléments pour déjouer le complot qui se trame dans l’Église? Le cardinal Videgaraï et son neveu Remio parviendront-ils à inverser le cours des événements?

J’ai pris un réel plaisir de lecture à travers cette œuvre de Willy Deweert. Du fait, de son intérêt sociologique et philosophique, ainsi que pour les fondements des valeurs humaines. La passation du pouvoir politique au pouvoir religieux s’est concrétisée. On apprend que le cardinal Fumagalli s’est donné la mort pour éviter la honte d’un procès, et qu’après la mort de Jean XX1V, eut lieu un Conclave afin d’élire un nouveau Souverain. Trois jours et dix tours de scrutin ont suffi pour que le Cardinal Videgaraï devienne le Pape Pierre ll. Étant un polar du futur (année 2020), l’auteur a sans doute voulu qu’on y réfléchisse chacun pour soi, ne serait-ce que pour se responsabiliser.
Complot au Vatican en 2020 6 étoiles

Un cardinal et sa clique tentent d'instaurer une dictature religieuse en déstabilisant le monde. Ce complot débute par l'assassinat de fausses voyantes payées pour diffuser un message apocalyptique, puis, avec la complicité d'un tyran islamiste, par des attentats sur les hauts lieux touristiques d'Europe et enfin, l'enlèvement du pape. Pendant ce temps, un moine découvre des allées et venues suspectes dans son couvent. Il décide d'alerter le cardinal Videgarai, qui enquête avec une poignée d'amis (journaliste, policier, secrétaire…) et s'oppose à la dictature.
Ce livre est intéressant pour son histoire et ses réflexions; le style est très riche, mais pèche par quelques lourdeurs dans les dialogues et explications orales. Cela alourdit le suspense. Le lecteur peut sentir l'érudition de l'auteur en matière de foi catholique, ainsi que le fait qu'il en vit. Par ailleurs, ce roman (écrit en 1998) transpire ses regrets par rapport à l'église et ses rigidités. J'ai eu du mal à m'y retrouver dans tous les personnages. L'auteur belge termine par une pointe de morale en soulignant l'intervention de Dieu contre les tyrans au travers de personnages anti-héros, parfois non-croyants : le combat de David contre Goliath où le faible l'emporte contre toute attente contre le fort. Avec le recul, l'anticipation de l'auteur se révèle assez juste.

Pascale Ew. - - 57 ans - 2 septembre 2017


Une bonne lecture policière et quelque peu mystique... 8 étoiles

Il s’agit d’un roman policier que l’on pourrait classer dans les polars religieux, si la catégorie existait. Inventons-là un instant, après tout rien ne nous empêche de le faire. On est en 2020 – mais le roman a été écrit en 1998. Willy Deweert est un romancier belge qui a été professeur de rhétorique et il cherche toujours à travers ses romans, thrillers mystiques comme il les nomme, à nous montrer que le monde est actuellement dans l’erreur – on le suit assez facilement – mais que les solutions existent pour redonner une énergie positive, un sens constructif, une espérance à l’humanité. En 2020, donc, l’Eglise catholique ne va pas très bien et nous sommes plongés au cœur des actions vaticanes avec un pape étrange, un cardinal courageux, des cardinaux sans foi d’autres naïfs, des prélats plus agents secrets et d’autres proches de la sainteté… Qui va sauver l’Eglise au moment où deux dictateurs, un représentant le nouveau califat – tient, voilà un thème qui semble bien d’actualité – et l’autre une Europe sclérosée et repliée sur elle-même – décidément ce roman était de l’anticipation en 1998 mais pas aujourd’hui – et le tout sur fond de crise identitaire universelle… Dans un tel contexte, quelle image donne l’Eglise catholique ? Vers quelle espérance prétend-elle nous conduire ? Quel homme peut devenir le pasteur successeur de Pierre et comment arrivera-t-il à garder son indépendance, sa liberté de parole ?

Un roman profond, pétri de réalités théologiques, ecclésiales, politiques et anthropologiques, un texte très bien écrit et une histoire humaine passionnante. Dès que l’on est entré dans l’histoire on ne peut plus en sortir. Plus de quatre cent pages qui vont vous paraître légères et rapides à lire. Dès que vous tournerez la dernière page vous serez envahi d’une sérénité bienveillante un peu comme si vous aviez le sentiment que l’Eglise ne risquait rien car l’Esprit veillera sur elle jusqu’à la fin des temps… Un peu mystique ? Oui, mais l’auteur nous avait prévenu qu’il écrivait des thrillers mystiques… Il tient juste ses engagements, lui !

Finalement, un beau piège car l'auteur nous fait lire de la théologie ecclésiale en nous faisant croire qu'il s'agit d'un polar ou d'un thriller !!!

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 8 août 2015