Un peu de fatigue
de Stéphane Bourguignon

critiqué par Dirlandaise, le 20 février 2010
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Un homme au bout du rouleau
Edouard, un homme dans la quarantaine exerçant le métier d’horticulteur, est à un tournant de sa vie. Séparé depuis six ans de sa femme Véronique, son fils Maxime vient de lui annoncer qu’il quitte la maison pour aller vivre définitivement avec sa mère. Le jeune homme possède de fort bonnes raisons de vouloir s’éloigner de son père car depuis six ans, Edouard n’est plus que l’ombre de lui-même. Sa vie dégringole lentement mais sûrement et glisse sur une pente dangereuse. La maison est laissée à l’abandon, le magnifique jardin aménagé amoureusement et faisant l’envie de tous les voisins n’est plus qu’une jungle envahissante et rébarbative. Le comportement d’Eddy est erratique et imprévisible. La spirale de la violence menace de s’emparer de lui et le pousser à commettre des gestes malheureux qui pourraient avoir de graves conséquences sur sa vie et celle des siens.

Je ne connaissais pas Stéphane Bourguignon avant de le rencontrer virtuellement et je dois dire que ce livre m’a plu énormément en raison de l’immense tendresse et de la grande compassion dont fait preuve l’auteur envers son personnage principal complètement à la dérive. L’écriture est parfois très drôle parfois dramatique mais toujours d’une immense sensibilité et remplie d’émotions, de sentiments, de rapports humains tendus et aussi chaleureux. Mais ce que j’ai aimé par-dessus tout, c’est le vibrant plaidoyer contre le conformisme, la sauvegarde des apparences à tout prix, la réussite sociale, le standing, la vie parfaite et bien réglée qui vous fait apprécier et admirer par votre entourage. Eddy brise tout cela et se libère du carcan social au point que les siens en arrivent à douter de sa santé mentale. Mais l’homme est au bout du rouleau et recherche désespérément un peu de sincérité et d’amour vrai dans toute cette hypocrisie dont est imprégnée la vie de banlieue qui est la sienne.

Une belle réflexion sur la vie, l'amour, l'amitié et les conséquences du divorce sur le destin de ceux qui le vivent comme de ceux qui en subissent les contrecoups. En même temps, c’est une révolte et un cri du cœur de l’auteur qui dénonce la société et son carcan qui étouffe la spontanéité et rend les gens intolérants les uns envers les autres. Une écriture vivante, fougueuse, très agréable et d’une belle sensibilité. Le personnage de Simone m’a particulièrement touchée, peut-être parce que nous sommes du même âge et possédons plusieurs points en commun. Un livre à forte saveur psychologique qui laisse une large place à l’humain dans toute sa faiblesse et sa vulnérabilité.

« Ça faisait une éternité qu’il n’avait pas plu. J’aurais aimé saisir la première bouffée de terre mouillée qui s’élèverait ou le parfum à la fois âcre et sucré des fleurs pourries que la pluie réveillerait, mais il ventait si fort que toutes les odeurs m’arrivaient pêle-mêle, en une sorte de bouquet confus.

J’ai regretté de ne pas avoir apporté la bouteille de vodka. Tous les éléments étaient en place pour créer un instant parfait. Cette pluie sous ces vingt-cinq degrés, cette douce odeur de décomposition et ce vide dans ma tête, ce fabuleux vide, celui pour lequel j’aurais soldé ma vie. Si seulement j’avais eu la présence d’esprit d’apporter cette maudite bouteille, j’aurais crevé de joie ! »