Koenigsmark
de Pierre Benoit

critiqué par PPG, le 8 février 2010
(Strasbourg - 48 ans)


La note:  étoiles
Un premier roman des plus captivants
Dès ce tout premier roman publié en 1918 (qui servira de lancement à la toute nouvelle collection “Le livre de poche” en 1953), nous avons un aperçu assez représentatif du style littéraire et des thèmes chers à l’auteur qui parsèmeront sa très féconde oeuvre (46 romans en presque autant d’années). Ainsi une femme, l’héroïne dont le prénom commence très souvent par la lettre “A”, revêt une place centrale aux yeux d’un homme (ou de plusieurs) qui en fait le récit de manière émouvante, souvent nostalgique, et pour laquelle il éprouve une grande fascination du fait de sa beauté et de sa grâce, mais aussi pour son charisme et sa destinée souvent tragique, tout du moins romanesque. Pour faire court, nous pouvons également observer une fréquente opposition entre l’exotisme des lieux où se situe l’action (qui fait voyager le lecteur et le charme) et la progressive, voire brutale tragédie qui s’y opère du fait d’une quête, d’un idéal ou d’un amour naissant rendu souvent impossible, tant les obstacles de tout ordre sont pléthores et que les protagonistes subissent les affres de leur catégorie sociale, les effets indésirables et inéluctables des traditions ou coutumes les emprisonnant...

C’est ainsi qu’est “victime” de sa passion amoureuse Raoul Vignerte, jeune professeur français, auprès de la grande-duchesse de Lautenbourg, Aurore de son prénom, princesse d’origine russe et veuve du grand-duc Rodolphe de Lautenbourg, décédé mystérieusement en Afrique. Aujourd’hui elle est remariée à son beau-frère, Frédéric-Auguste de Lautenbourg, un homme avide de pouvoir qu’elle méprise. Vous l’aurez rapidement compris, il s’agit dans les deux cas, de mariages arrangés à des fins de conquête de pouvoir. C’est dans ce contexte que Raoul Vignerte arrive dans leur palais pour quelques mois fin 1913, comme précepteur du fils de Frédéric-Auguste. Péniblement Raoul Vignerte découvre les arcanes du pouvoir, sans en comprendre au départ les codes. Tout d’abord observateur des interactions entres des personnages aux buts et motivations diverses malgré les apparences trompeuses faites de politesses, il deviendra ensuite acteur à part entière lorsqu’il déterrera certains secrets par le biais de recherches effectuées dans la très fournie bibliothèque du château.

Comme toujours, pour notre plus grand bonheur, Pierre Benoît nous enchante par sa plume magique, à l’écriture fine et précise nous permettant d’être au plus près des ressentis éprouvés par les protagonistes. C’est d’ailleurs par cet atout qu’il arrive à rendre crédible ses histoires, car le lecteur peut s’en sentir proche et s’identifier à certaines composantes des personnages. Un roman très convaincant, captivant, qui se déroule dans un cadre pittoresque très bien décrit et mis en valeur par de magnifiques descriptions, une atmosphère mystérieuse et envoûtante, une intrigue pleine de péripéties à laquelle on assiste impuissant avec une angoisse croissante face au drame que l’on pressent sans deviner, et qui nous enivre jusqu’au dénouement final.
Un récit bien mené mais trop rocambolesque 8 étoiles

Koenigsmark, le premier roman de Pierre Benoît, est le numéro 1 de la célèbre collection Livre de Poche : ce n'est pas un petit honneur au vu de la carrière de la célèbre collection (tandis que la carrière de Pierre Benoît, si ce n'était critiqueslibres.com, serait plutôt en perte de vitesse).

PGP explique très bien les similitudes entre Koenigsmark et le seul autre des romans de Pierre Benoît que j'ai lu, l'Atlantide : même trame narrative et envolées romanesques, grande maîtrise du récit et du suspense, des descriptions somptueuses et une grande érudition et documentation,.. et surtout à nouveau une femme fatale à laquelle le narrateur désire se soumettre entièrement. Le fait que son prénom commence par "A" (comme l'Antinéa de l'Atlantide) m'avait échappé, mais j'avais relevé le fait qu'elles ont toutes deux les yeux verts.

Ce roman d'aventure a l'avantage de nous évader complètement de notre quotidien. Un bémol quand même : par une sorte d'emballement romanesque, lorsque le narrateur part à la recherche d'un secret bien gardé, l'auteur discrédite son histoire qui semblait pourtant plausible. En particulier, la manière dont le narrateur accède à la combinaison du coffre est assez ridicule : l'auteur n'avait visiblement aucune notion de cryptographie.

Un bon roman d'aventure, délassant, et qui devrait combler les adolescents et jeunes adultes. Cependant, Pierre Benoît a fait mieux dans un roman suivant, l'Atlantide, qui est tout aussi passionnant et que je conseille en priorité.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 2 juillet 2011