Mémoire infidèle
de Elizabeth George

critiqué par Ori, le 22 janvier 2010
(Kraainem - 88 ans)


La note:  étoiles
Quand l’intrigue, de policière, devient psychanalytique !
Tout au fil de ce roman fleuve (980 p.) qui couvre une période d’une vingtaine d’années, le lecteur de ce polar revit l’évolution d’un violoniste ex-enfant-prodige devenu adulte et qui tout soudain fait un blocage psychologique qui compromet sa carrière.

L’on découvre ainsi que notre héros se trouvait être au centre de gravité d’une grande famille, composée de ses père, mère, grand-parents, professeur, éducatrice, pensionnaires, une famille focalisée sur sa réussite, en une sorte de toile d’araignée tissée des meilleures intentions, celles-ci devant finir par l’enserrer et le broyer dès lors que de vieux souvenirs remontent à la surface à la suite d’entretiens-psy approfondis.

Pendant ce temps, se commettent des crimes en série au mode opératoire identique, et dont on se demande quels sont leurs liens avec la tragédie centrale accablant notre héros.

Elizabeth George remet ici en selle l’attachant personnel policier de ses précédents romans tout en nouant brillamment, et avec une immense finesse d’analyse, tous les fils d’une intrigue reliant une foule de personnages au parler, et au penser vrai !

En quatre mots, un très grand roman !
Une enquête sur le divan 8 étoiles

Etonnant de savoir qu’Elizabeth George était américaine, installée à Londres, tant sa filiation d’avec Agatha Christie est évidente. Filiation en mieux quand même, avec une vision plus large sur la société – londonienne en l’occurrence – actuelle mais la même absence de complaisance pour la violence gratuite – chère à de nombreux actuels auteurs de polars et notamment français – et le même intérêt pour la psychologie et l’observation d’un microcosme donné.
Les intervenants ici sont les héros récurrents d’Elizabeth George ; Thomas Linley, Barbara Havers, Simon Saint -Georges, Winston Nkata, … et, pour avoir coupé assez longtemps dans mes lectures des polars d’Elizabeth George, je m’aperçois qu’il est quand même dommageable de ne pas les lire dans l’ordre. Il y a certaines situations entre les intervenants délicates à bien comprendre sinon.
Soit un violoniste virtuose ex-enfant prodige mais pas vraiment sorti de l’enfance, Gideon Davies, qui perd brutalement sa capacité à simplement tenir son violon. Son père totalement envahissant et castrateur qui le vampirise, sa mère qui a disparu il y a longtemps suite à un drame familial dont il a perdu la conscience, son entourage affectif et professionnel …
Soit des meurtres qui, de près ou de loin peuvent être rattachés à l’existence de Gideon …

»Bizarre. Elle n’avait jamais vraiment remarqué le calme ou le vide de ces rues dans l’obscurité. Jetant un regard alentour, elle se dit que tout pouvait arriver dans ce genre d’endroit – en bien comme en mal – et qu’à moins d’un coup de chance il ne risquait pas d’y avoir de témoin.
Un frisson glacé la parcourut. Mieux valait ne pas rester plantée là.
Elle descendit du trottoir, commença à traverser.
Elle ne vit la voiture au bout de la rue que lorsque ses phares s’allumèrent et l’aveuglèrent. Le véhicule fonça sur elle comme un taureau sur la muleta.
Elle essaya bien de se dépêcher d’atteindre l’autre trottoir mais le véhicule eût tôt fait d’arriver à sa hauteur. Elle était beaucoup trop grosse pour se mettre hors de sa portée. »


Voilà le canevas sur lequel vont travailler nos enquêteurs, aux prises avec la mémoire, refoulée ou pour le moins défaillante de Gideon qui s’avèrera le pivot central de tout ceci.
Gros ouvrage d’Elizabeth George. Pas moins de 1174 pages dans la version Poche. Un bon moment de lecture.

Tistou - - 68 ans - 6 septembre 2022