Le soldat oublié
de Guy Sajer

critiqué par Platonov, le 17 janvier 2002
(Vernon - 41 ans)


La note:  étoiles
Un Français chez les Allemands
De 1952 à 1957, Guy Sager, malade, écrit ses souvenirs de "sa guerre" sur le front russe, au sein de l'armée allemande.
Il rédige 17 cahiers qui seront publiés peu de temps après sous le titre de "Soldat oublié".
Guy est de nationalité franco-allemande (son père est français, sa mère allemande). Il vit en Alsace. Hitler monte au pouvoir, il instaure son régime. Hitler compte sur la jeunesse, aussi il crée les HitlerJungend (= Jeunesses hitlérienne) avec les camps de jeunesse
Guy, adolescent de 17 ans, ne résiste pas à cet "appel" et à l'engouement que suscite le Fuhrer sur ses jeunes camarades. Aussi, à 17 ans, Guy rentre dans la Wehrmacht, l'armée de terre allemande.
Là, la propagande militaire et politique nazie joue son rôle et fait miroiter dans la tête du jeune soldat des rêves de gloires, de conquêtes. Sager est affecté , à son grand regret, dans un service auxiliaire de l'armée, le Train des équipages. Mais tout de suite, il doit partir sur le front russe, pour aller secourir la VI ème armée de Paulus à Stalingrad.
C'est le début de sa terrible aventure sur le front de l'Est.
Il connait son premier hiver, à -30 degrés, ses premiers émois devant ses camarades morts, ses premières angoisses.
Et pendant quatre hivers, ce ne sera que neige, boue, froid, angoisse perpétuelle, fatigue, désespoir dans les immenses plaines soviétiques.
Il voit un de ses meilleurs amis déchiqueté par un obus, assis à côté de lui dans un camion...
Lui et ses camarades de la division "Groo Deutschland" seront dans tout les coups difficiles (Tcherkassy, Koursk ... jusqu'à la retraite de Poméranie en 1945).
Après avoir échappé 1000 fois à la mort, Guy revient à Berlin, vivant, mais marqué à vie par ce qu'il a vécu.
Tout au long du livre, l'auteur retranscrit avec précision toutes les opérations militaires auxquelles il fut affecté. Il décrit bien les terribles conditions dans lesquelles il devait vivre, en première ligne, les scènes de combats, la "chasse" aux partisans russes etc.... Cependant, j'ai appris récemment que la véracité de ce récit serait fortement remise en cause. En effet, on reproche à l'auteur d'avoir inventé des évènements, et également son exactitude trop précise des scènes qu'il dit avoir vécu: on pense qu'il était impossible qu'il sache avec autant de précision ou il se trouvait exactement, contre qui il combattait etc... En résumé, on critique Sager d'imposteur.
Mais moi je préfères laisser cela de côté; je tiens plutôt à conserver l'image d'un récit poignant (peu importe qu'il soit vrai ou pas) d'un simple soldat qui avait cru dur comme fer dans la cause pour laquelle il se battait.
Une épopée tragique et marquante de la seconde guerre mondiale.
Intéressant. 8 étoiles

Guy Sajer est un écrivain et journaliste français avec une mère allemande. A 18 ans, il a été enrôlé au sein de la Wehrmacht. Il participe à l’invasion de l’Union soviétique et sa compagnie rejoint les opérations militaires dans le secteur sud, et à savoir en Ukraine. Il sert d’abord au sein d’une compagnie de ravitaillement, et après, lors de la débâcle de l’armée allemande, il rejoint la division d’infanterie motorisée « La Gross Deutschland ». L’auteur explique clairement beaucoup de scènes. Il possède une bonne mémoire. Il décrit, avec beaucoup de précision, des échanges de mots et aussi des échanges de tirs. C’est un vrai écrivain. Ses phrases sont bien formulées et restent longues, complexes et explicites. Par conséquent, c’est un très grand bouquin, sept cent pages, un gros volume, l’histoire d’une vie. La page d’une vie. Même s’il persiste à nommer les allemands comme de valeureux soldats, le livre reste néanmoins un très bon livre historique. Il n’informe pas s’il a tué un autre soldat. Il est resté en stationnement durant plusieurs jours dans la ville de Lublin, et il ne mentionne pas son camp de concentration. C’est un aspect de sa personnalité très ambigu. C’est juste la mémoire d’un homme, mais pas forcément neutre.

Obriansp2 - - 54 ans - 18 octobre 2020


Un livre à lire 9 étoiles

Malgré ce qu'en dit le résumé et les articles internet, Sajer n'est pas un malgré-nous. Je ne dirais pas non plus qu'il est un volontaire. Non, il est incorporé comme tous les hommes en âge de l'être en Allemagne. Cette incorporation ne l'enchante pas plus que cela, mais il n'a pas non plus le sentiment qu'il va combattre contre son autre patrie : la France, ni qu'il va combattre pour l'idéologie nazie. Il fait son devoir, tout simplement. D'ailleurs, à plusieurs reprises dans le livre, il nous montre qu'il pense vraiment que la France va s'engager aux côtés de l'Allemagne. J'ai aussi la sensation qu'il entre dans cette guerre comme un adolescent qui ne connaît rien à la politique et qui ne sait rien de la déportation et des l'extermination des Juifs. Ainsi, j'ai lu ce livre comme une description pure et simple de l'horreur de la guerre, de ce que sont capable de faire les hommes, sans prendre en compte le camp de Sajer ni du fait que ce soit la seconde guerre mondiale, en essayant un peu de me mettre dans l'état d'esprit de l'auteur à cette époque. Cette description de l'horreur de la guerre pourrait, je pense, s'appliquer à n'importe quelle autre guerre.
A ce titre, c'est un récit tout à fait émouvant et qui fait vraiment prendre conscience de tout ce que ces hommes ont vécu. A lire pour tous les passionnés d'histoire.

PA57 - - 41 ans - 9 octobre 2011


le soldat oublié. Mais qui est donc Sajer ? 7 étoiles

J’ai trouvé ce livre en cherchant des informations sur les « Malgré Nous », ces Alsaciens-Lorrains qui ont dû servir, contre leur volonté, dans les troupes allemandes, le plus souvent sur le front de l’est. J’ai compris, un jour, très tard, que mon père aurait pu être un de ces « Malgré Nous »… s’il n’avait quitté l’Alsace à temps !

Ici, avec Sajer, il ne s’agit pas d’un « Malgré Nous », mais d’un engagé volontaire. Cependant le cadre dans lequel il évolue est celui du front de l’est, comme ce fut le cas pour ses compatriotes.
Avec une particularité que l’on remarque au demeurant dans le récit : il ne parle jamais des Français non volontaires ; il n’en a pas rencontré, peut-être parce que, en tant qu’engagé, il était dans une division d’élite, la GrossDeutschland, dans laquelle on ne versait pas les « Malgré Nous » dans lesquels les Allemands n’avaient que peu de confiance. Il est inversement vrai qu’on trouvait des « Malgré Nous » dans la Waffen-SS.

Etant le plus souvent sur un front particulièrement désorganisé (il arrive sur le front au début de la retraite allemande), il n’a que peu d’informations sur ce qui se passe ailleurs, sur le déroulement du conflit et sur l’attitude de la France. Il évoque cependant l'arrivée des premiers légionnaires français, dont la presse parle ; et il précise : "j'ignorais que les Français avaient choisi de jouer un tout autre jeu" (P 123) .

Un peu plus tard, en permission à Berlin, il rencontre son père qui a fait le voyage pour le voir et qui lui donne des nouvelles de sa famille, des difficiles conditions de vie, des informations de Londres sur la guerre ; il dit écouter par respect pour son père. Mais fondamentalement, ce que lui rapporte son père ne l’intéresse pas.

C’est qu’il est allemand, plus qu’il ne se sent français. Il parle de « mère patrie pour l'Allemagne et de seconde patrie pour la France ». Quand il reçoit une distinction militaire, il dit de lui "qui ne suis qu'à moitié allemand, ma vanité me semblait flattée d'avoir été... consacré allemand"

Enfin, critiqué comme Français par un de ses compagnons ; "serais-je un jour vraiment digne de porter les armes allemandes ? Je maudissais intérieurement mes parents de m'avoir fait naître à une telle croisée de chemins" ( P 381)


Je relève deux aspects qui m’intéressent dans ce récit : les scènes de guerre, les opinions de Sajer

Les scènes de guerre. Je ne suis guère familier avec ce type de littérature, n’ayant lu que très peu de récits, en dehors des grands classiques incontournables, sur les opérations militaires et les scènes de guerre. Ce qu’il écrit me semble hallucinant, l’horreur à l’état pur, en particulier en Russie et en Ukraine. Les derniers épisodes, dans le Nord de l’Allemagne m’ont fait penser aux romans de Céline sur ses déplacements en Allemagne, sous les bombardements alliés.

Les Déplacements de Sajer :
Le 18/07/42, il arrive à Chemnitz, une caserne où se passe son entraînement.
De là, il part pour ravitailler Stalingrad dans l’hiver 42-43, mais il n’y arrive pas car, entre temps, les Allemands ont connu leur défaite de Stalingrad, la défaite qui marque le tournant de la guerre.
Il participe à des combats autour de Kharkov.
De Kiev, il part en permission pour Berlin

Il passe quelque temps dans un camp d’entraînement avant de repartir pour le front est (été 43) et bat en retraite vers le Dniepr, au sud de Kiev. Il traverse le Dniepr vers l’ouest.
Il part en permission pour la Pologne, mais, à peine arrivé en Pologne, il repart aussitôt sur le front. De là, c’est le repli vers la Pologne. Il passe la fin de l’hiver 43-44 dans un camp en Pologne
Au printemps 44, il repart pour le sud de la Russie, l’Ukraine, d’où il se replie vers la Roumanie à la fin du printemps 44.
En septembre 44, il est dans le sud de la Pologne, puis on le retrouve à Memel (Klapedia aujourd’hui), puis dans un port voisin, puis dans le port de Hela (sur la péninsule qui ferme la baie de Gdansk) fin mars 45. Début avril, il est au Danemark, d’où il est rapatrié vers Kiel. Il est envoyé sur le front face aux Anglais auxquels il se rend.


Les opinions de Sajer. Elles apparaissent dans deux contextes : à la fin du livre, au moment de son retour en France et, dans le courant du récit. Dans les deux cas, ce sont des opinions qu’il professe encore au moment où il écrit, soit dans les années 50 pour un livre publié en 1967. Rien ne permet de dire que les opinions qu’il exprime étaient celles qu’il éprouvait au moment des faits et qu’il a changé d’opinion par la suite. Au contraire : il est toujours un partisan d'Hitler, il critique les autres chefs d'états, exprime son racisme sur les noirs (les « nègres ») et les « jaunes, des primates ; les Européens sont à la merci des autres peuples ».


Je note une différence dans la façon de présenter ses opinions dans les deux contextes : à la fin, surtout rentré en France, son discours s’atténue et il n’exprime plus d’opinions nationale-socialistes, comme s’il avait compris qu’il ne pouvait plus se le permettre. A croire qu’il veut préparer sa réinsertion en se montrant sous un jour moins noir. Quand il rencontre les armées alliées contre lesquelles il doit livrer son dernier combat et auxquelles, en fait, il va se rendre, il écrit :
« L'ouest , c’est l’autre partie de l’étau qui se referme sur notre misère... Plusieurs armées dont l’une est française. Mon émotion est intraduisible. La France, la France qui ne m’a jamais abandonné dans mes pensées, la douce, la trop douce France a abusé de ma naïveté. La France que je croyais à mes côtés, à nos côtés.. La France que j’aimais autant, depuis les Graben de la steppe, que les gens qui parlaient de révolution dans les arrières salles des cafés parisiens.
La France pour qui j’admettais en fait la grande partie de mes efforts. La France que j’avais fait aimer et apprécier à mes camarades de guerre. Qu’a t-il donc pu se passer que l'on ne nous a pas expliqué ?
La France se retourne contre moi, alors que j'attendais son aide. Il va, peut-être, me falloir tirer sur mes autres frères les Français ... »
Mais ce n’est pas lui qui s’est trompée de combat, c’est la France, cette France si mal influencée par ceux qu’il considère comme des révolutionnaires de bistrot.

Dans le récit, le ton est différent. C’est l’admiration d’Hitler et des méthodes nazies avec même le regret que les troupes n’aient pas été autorisées à être plus brutales, puisque, de toute façon, elles sont jugées, au lendemain de la guerre, sur leur brutalité. C’est l’incompréhension face aux partisans russes, qui ne sont que de vulgaires terroristes dont il condamne toutes les initiatives sans se demander si elles ne sont pas la conséquence de la violence nazie.
C’est l’opposition entre les bons Ukrainiens et autres Polonais, qui aiment les Allemands et les Russes d’autant plus haineux qu’ils sont endoctrinés.
Il ne parle jamais des juifs. Le nom n’apparaît jamais dans le récit. Comme il n’a pas fait partie des troupes d’invasion et qu’il n’a, en fait, connu que les opérations de repli, il a évolué dans des régions d’où les juifs avaient été chassés et exterminés avant son arrivée. Rien ne permet d’évaluer son degré de connaissance de cette extermination.


Mais qui est donc Sajer ?


Je n’avais aucune information sur Sajer en dehors de ce qui est écrit dans la « note de l’éditeur » du livre, si bien que j’ai lancé une recherche sur Internet : J’ai trouvé sa biographie(http://fr.wikipedia.org/wiki/Dimitri_(auteur), curieuse. Il est né en 1927, et est présenté comme un « Malgré Nous », ce que dément la façon dont il se présente dans ce livre.
Mais, et d’autres sites Internet le montrent, Sajer cherche à améliorer son image !

Sajer est le nom de sa mère, allemande, si bien que son pseudonyme, le nom qu’il a utilisé en Allemagne, fait beaucoup moins français que le très franchouillard Mouminoux, nom de son père.

Son livre a été très bien accueilli par la critique. Il a reçu le Prix des deux Magots et s’est vendu à plus de 3 millions d’exemplaires, surtout à l’étranger. Ce succès peut se comprendre par l’originalité des informations. Ce front de l’est était mal connu, n’avait pas bénéficié des reportages nombreux concernant le front de l’ouest. Mais des raisons moins avouables ont aussi pu contribuer à ce succès.

A la suite de la guerre, il a été auteur de bandes dessinées, sous son vrai nom de Mouminoux , d’abord dans la presse catholique pour enfants et dans Pilote avant d’être lâché par l’éditeur après la publication de son livre. Par la suite, il réapparaît sous le nom de Dimitri dans la BD pour adultes, en particulier dans Charlie, l’Echo des Savanes, l’Evénement du Jeudi et Pilote . Ses sujets de prédilection, comme par hasard : le Goulag et, surtout, la seconde Guerre Mondiale vue du côté de l’axe (Allemagne-Italie-Japon).

J’ai lu deux BD de Dimitri :
Dimitri, le convoi, Glénat, 2001,
Fin 41, avant l'entrée en guerre des e-u, des cargos sont organisés en convoi pour ravitailler l'Urss depuis les e-u en fuel, armes ; les convois sont protégés par des navires américains, puis britanniques
Le convoi est attaqué par des sous-marins et des avions allemands ; des cargos arrivent en Urss, les équipages sont confrontés à la bureaucratie soviétique ; enfin ils rentrent ; une fille dans le scénario pour un semblant d'érotisme ;

www.loubianka.com, Le goulag, n° 15, 2002. Il s’agit d’une série d’une vingtaine de numéros sur l’URSS.

Le héros ( ?) Eugène Krampon part dans l’espace récupérer une station orbitale et surtout la fille qui est dans la station. C’est prétexte à une partie de baise dans l’espace.
Sur le fond, l’idée que les Russes sont des gros nuls qui ne savent pas faire grand chose :

« les Slaves ont la manie de tout dissimuler. Ce qu’il faut, c’est leur rentrer dedans direct ! Ca les désempare ! » p. 24

Bof, les deux BD m’ont paru sans grand intérêt.

Mais je signale que le n° 15 de la série publie une présentation de Cavanna, qui a accueilli, dans Charlie Hebdo, les premiers récits du Goulag à la fin des années 70. On peut se demander si Cavanna connaissait le passé de Dimitri. Je doute que dans le petit milieu de la BD parisienne, cette réalité fut méconnue. Et surtout je lis, dans le texte de Cavanna (fin du paragraphe 2), évoquant la « mère » de Eugène Crampon : « Il est concevable (…) que Dimitri la tienne recluse en une oubliette d’un de ses donjons. Il y a dans les familles les plus honorables des secrets qu’il vaut mieux n’approfondir point ».

Un second site (http://tpprovence.wordpress.com/2009/07/…) dans lequel son nom est cité est également intéressant. Il s’agit d’une interview dans la revue Réfléchir et Agir, une « revue autonome de désintoxication culturelle » qui se présente comme « ouvertement européenne, païenne, identitaire, socialiste (et anti-capitaliste) », et qui publie des entretiens avec des invités célèbres (Jacques Martin/Alix, Michel Mohrt, Jean Raspail, Brigitte Bardot, Brigitte Lahaie, Francis Lacassin, Jean Tulard, Eric Zemmour, Vladimir Volkoff, A.D.G., Guy Sajer, Konk, Dieudonné, Dominique Zardi, Jean-Marie Le Pen, Jacques Heers, Jean Parvulesco,...). On y remarque que Guy Sajer y côtoie nombre de personnalités de l’extrême droite ou de la droite extrême !

Je n’ai pas pu lire l’interview de Sajer, n’ayant trouvé la revue en question dans aucun fonds public. Mais, sur un site d’Internet http://fr.wikiquote.org/wiki/Dimitri, j’ai trouvé cette phrase extraite de l’interview :
« Le métissage. Ce n'est pas une progression mais un recul. Les hommes se sont toujours foutu sur la gueule et ce n'est pas via le métissage que cela s'arrangera, bien au contraire. »
extrait de : « Rencontre avec docteur Sajer et mister Dimitri », Dimitri, propos recueillis par Eugène Krampon et Pierre Gillieth, Réfléchir & Agir (ISSN 1273-6643), nº 32, été 2009, p. 46

Un troisième site livre une autre interview de Sajer :
http://livresdeguerre.net/forum/contribution.php/…

interview de Dimitri : extrait et lien de Laurent Laloup le mercredi 23 juin 2004 à 16h35
".........-BrusselsBdTour : Votre roman, "Le soldat oublié", publié chez Robert Laffont sous le pseudonyme de Guy Sajer vous a valu d'être qualifié d' "auteur maudit" de la BD française. Regrettez-vous de l'avoir publié ? Dimitri : Pas le moins du monde. Si j'ai choisi de publier mon roman sous un pseudonyme était justement pour ne pas tout mélanger. Mais quelques pseudo-journalistes de l'époque se sont empressé de faire le lien entre les deux. Maintenant tout le monde sait que c'est moi, mais à l'époque, j'étais furieux. Je me suis fait virer de "Pilote" à cause de çà et cela me poursuivra jusqu'à ma mort et je ne comprends toujours pas pourquoi. C'est une histoire, la mienne, celle d'un homme forcé de faire des choses qu'il n'avait pas envie de faire. Quand l'Alsace, où je vivais, a été annexée par l'Allemagne, j'avais 16 ans. D'un camp de jeunesse à Strasbourg, je passe à un camp de jeunesse à Kehl, en Allemagne. L'Arbeitsdienst, un groupe militarisé mais non armé n'était pas très glorieux. On rêvait d'être de vrais soldats, en ignorant tout de la guerre. Par un enchaînement naturel, je me retrouve dans la Wehrmacht, l'armée allemande. Qu'auriez-vous voulu que je fasse ? Comme déserteur, on m'aurait fusillé. A part la guerre qui a été une véritable atrocité, j'ai de bons souvenir de cette époque-là. Pendant la guerre, je ne savais pas ce qui se passait. On traînait dans la boue, on ne dormait pas et on avait peur, c'était la terreur. J'ai appris énormément de choses après la guerre, auparavant je n'ai pas eu de problème moral ou éthique puisque je n'avais aucune idée de ce qui se passait. Mais je ne regrette rien, je suis content d'avoir connu çà, même si c'était très dur. J'ai vu les russes se conduire comme des monstres, je suis allé sur le front de l'Est et j'ai vécu les plus grandes peurs de ma vie. Pourtant je suis retourné plusieurs fois en Russie depuis, je ne suis amer envers personne. Mais il est clair que dès la publication du " Soldat Oublié ", j'ai été catalogué " facho ". Si les gens veulent le croire c'est leur problème, il y a bien longtemps que je ne me préoccupe plus de tout ça. " Le Soldat Oublié " a été réédité des dizaine de fois, et a rapporté une fortune à Robert Laffont. Il m'a permis de vivre pendant des années. C'est toujours aujourd'hui un best-seller traduit bon nombre de langues. Je suis en pourparlers avec Paul Verhoeven depuis quelque temps pour la réalisation du long métrage. .............."

« C'est une histoire, la mienne, celle d'un homme forcé de faire des choses qu'il n'avait pas envie de faire » : ce n’est pas du tout ce que ressent le lecteur du livre. Il est vrai, comme il l’écrit plus loin que, pendant la guerre, il « ne savai(t) pas ce qui se passait ». Mais son livre, écrit après la fin de la guerre, montre clairement qu’il adhérait totalement à l’idéologie nazie et s’il est vrai que les « Russes se condui(saient) comme des monstres », ils ne faisaient que répondre aux crimes nazies que Sajer a oubliés.
Le ReichsArbeitsdienst (RAD) : il y adhère, alors qu’il est encore en Alsace (voir la « note de l’éditeur » dans son livre « Le soldat oublié »), ce que le texte de l’interview ne dit pas clairement. Le RAD. est créé le 8/05/1941 et concerne, dans une première étape les classes de 1919 à 1922 sur une base de volontariat. Les volontaires font défaut et « d’après les autorités allemandes elles mêmes (…), l’opération est un échec total. » Par la suite, le RAD devint obligatoire, mais, durant toute la guerre, seules les classes 20 à 27 et, partiellement 28, furent concernées. Or, Sajer est de la classe 27 et il est, en 42 au plus tard dans le RAD. Curieux.
Toujours dans la « note de l’éditeur », il est dit qu’il « envie les HitlerJugend » (organisation à laquelle l’adhésion est rendue obligatoire le 2/01/1942 pour les jeunes de 10 à 18 ans, le créneau de Sajer) et qu’il « n’aspire qu’à servir dans la Wehrmacht », des proclamations qui montrent qu’il n’a pas subi l’enrôlement dans les armées allemandes. S’il ne l’a pas précédé, il l’a suivi avec enthousiasme. C’est le 25/08/42 que le service militaire est rendu obligatoire pour les jeunes Alsaciens dans l’armée allemande. Or, dès le 18/07/42, il est dans la caserne de Chemnitz. Certes, sa ère est allemande et, par ce biais, il a pu être incorporé plus tôt que d’autres ? Mais il ne fournit jamais cette explication.
Toujours dans cette « note », il prétend que tous les autres jeunes Alsaciens partagent ses idées.
Or, la plupart des jeunes Alsaciens ont fait d’autres choix : « on peut estimer que près de 70 000 jeunes Alsaciennes et Alsaciens sont passés par le RAD ». La population de l’Alsace au recensement de 1936 dépassait 1,2 million d’habitants. Informations tirées de Alsace, la grande encyclopédie des années de guerre, pages 117 et 489 à 496.

Je doute que l’éditeur ait tenu des propos sans l’assentiment de Sajer et, de toutes façons, la lecture du livre montre que son état d’esprit pendant la guerre et encore quand il rédige ses mémoires est favorable à l’Allemagne nazie.

Dans tout ce qu’on peut lire sur Internet, la biographie de Sajer est expurgée. On fait, et il fait de lui une victime.

« Mes parents m'imposeront un silence absolu et jamais conversation sur ce qui me soulagerait de raconter ne sera envisagée .... Des gens haineux me poursuivront de leur malédiction.... D'autres comprendront.... »

Aujourd’hui, et au vue de sa biographie, je peux dire que, pour un homme qui méprise autant ce que l’Europe devient sous les influences extérieures, il a parfaitement réussi sa réinsertion sans jamais renier ses idées fondamentales.


Et s’il n’en a jamais parlé avec ses parents, cela semble fréquent en milieu alsacien (cf « Alsace, La grande encyclopédie des années de guerre », 2009, Saisons d’Alsace, en particulier page 24 : « il y avait des choses dont on ne parle pas »). Mon père ne m’a non plus jamais parlé de sa guerre, des conditions dans lesquelles il a quitté l’Alsace. Je ne les ai apprises qu’après sa mort, très indirectement.
Je n’ai appris que très tard, à plus de 30 ans, qu’un de ses frères avait été un « Malgré Nous ». Je regrette aujourd’hui de ne pas avoir poussé, ce jour-là, mon père à parler.

Cliopatres - - 66 ans - 2 juin 2011


terrible déception 6 étoiles

Le problème profond de ce livre est le manque de recul, d'analyse, d'esprit critique.
Cette absence de distanciation est aggravée par plusieurs circonstances qui m'ont apparues comme choquantes.
Tout d'abord, rien sur les juifs... si ce n'est une critique de la juiverie mondiale !
Bizarre et grave pour quelqu'un qui a passé 2 ans sur le front de l'est (Pologne et Ukraine). Ensuite l'auteur qui écrit lorsqu'il a environ 35 ans une histoire sur sa vie d'engagé volontaire dans la wehrmacht à l'âge de 17 ans, pour Guy Sajer alias Guy Mouminoux alias Dimitri (auteur de BD) la pire inhumanité de cette guerre est le comportement des russes à l'égard des allemands ou bien celui des alliés bombardant les villes allemandes.
Et Hitler dans tout ça?
Pour l'auteur Hitler est le seul à avoir raison au final... triste et édifiant.
Je me demande si ce manque de distance est dû à la promesse de la fidélité éternelle envers les compagnons d'arme ou bien tout simplement si le lavage de cerveau subi était irrémédiable.
Si l'on suit l'auteur l'armée russe est faite de fourmis sans cesse plus nombreuses bien qu'on les écrase en permanence, les soldats allemands sont tous héroïques même les plus lâches.
Oui l'auteur réussit malgré tout à nous transporter dans sa compagnie, nous fait vivre les moments de manière intense. Bien sûr ce livre est à lire mais avec beaucoup de recul et bien après avoir lu d'autres bouquins vraiment de référence comme :
Si c'est un homme de Primo Levi
Seul dans Berlin de Hans Falada
Le grand cirque de Pierre Clostermann
L’Armée des Ombres de Joseph Kessel
et cent autres livres sur les vies des héros inconnus qui ont lutté pour notre liberté pendant que l'auteur du soldat oublié oubliait surtout qu'il se battait comme un mouton pour le plus grand criminel de tous les temps.
Et aussi après avoir vu le film Stalingrad de Joseph Vilsmaier qui traite le sujet du front de l'est bien mieux.

Lebowskijeff - paris - 50 ans - 19 mai 2009


Le soldat oublié 10 étoiles

J'ai découvert ce livre il y a une cinquantaine d'année, l'ai relu tous les cinq ans peut-être, et cette semaine de début 2007 encore, à 72 ans...
C'est l'ouvrage qui m'a le plus touché, qui m'a donné les plus fortes émotions, variant au fil de l'âge, et de la compréhension progressive de mes propres ressorts. J'en perçois certaines raisons, liées aux souvenirs de mon enfance durant la guerre, à la captivité de mon père, au décès de familiers... Mais vers la fin de ma vie, ce récit magistral (qu'il soit totalement autobiographique ou non), me tourmente en rendant si actuelles les situations inhumaines vécues par tant de nos contemporains dans les multiples massacres dont aucun continent n'est épargné. Pourquoi cette obéissance aveugle à un homme, un slogan... qui fait de nous pour l'Autre les pires animaux de la Terre et peut mener chacun à des limites insoupçonnables de cruauté comme de dévouement ? Pourquoi cette fascination horrifiée de la mort ?
En mots simples, cet ouvrage constate ce que l'homme peut dans le même instant faire de pire et de meilleur à l'homme, ce que l'espèce a toujours fait, ce qu'elle fait encore avec les pires justifications, celles de la foi...
L'humble acteur témoin Guy Sager a très simplement vécu et rapporté l'inhumain de l'homme.

Fayer - - 90 ans - 15 février 2007


A Patman 8 étoiles

tu as raison Patman de souligner ces soldats oubliés.. dont mon père et la plupart des habitants des cantons de l'Est de la Belgique dont je proviens ont fait partie.. Soldats, reconnus ni par la Belgique ni par l'Allemagne. Bref, cette génération "oubliée" avait ses secrets non divulgués, et nous-mêmes, gosses, entendions des conversations à demi-mots que nous ne devions pas entendre et que de toutes façons, nous ne comprenions pas. Tous étaient partis pour la Wehrmacht, tous n'étaient pas revenus, et tous avaient eu des parcours différents en fonction du parti qu'ils avaient choisi. Parmi les rescapés d'un même village, il devenait bien dur de (re)vivre ensemble sans faire référence au passé de chacun... Faut vraiment que je lise ce livre pour en apprendre plus, peut-être cela éclairera-t-il ce que j'ai appris inconsciemment dans mon enfance...

Darius - Bruxelles - - ans - 21 janvier 2002


Un témoignage poignant et terrible 9 étoiles

J'ai lu ce livre trois ou quatre fois, dont une lors d'un de mes séjours en Russie, quasi sur les lieux même donc ce qui le rendait encore plus fascinant. C'est un superbe (et rare) témoignage sur la condition de ces milliers de soldats récupérés par le IIIème Reich dans les territoires annexés (Alsace, Luxembourg, Cantons de l'Est, Lorraine,...)devenus Allemands malgré eux mais pas tout à fait considérés comme tels ce qui les mettait dans une situation souvent ambigüe par rapport à leurs camarades. Peu de livres ont traité de la question, mais celui-ci, à lui seul, résume magistralement cette condition de "Soldat oublié". Après la guerre, ils ne furent pas reconnus comme anciens combattants par la France (puisque dans la werhmacht), ni par l'Allemagne (puisque Français).

Patman - Paris - 62 ans - 21 janvier 2002


LE livre sur la guerre 10 étoiles

C'est le livre le plus marquant que j'ai pu lire sur la guerre, le récit d'un jeune franco-allemand qui s'engage dans une unité d'élite de l'armée allemande.
Comme Jules je l'ai lu il y a plus de 20 ans mais certain passages me sont restés en mémoire, notamment le camp d'entrainement intensif pour les soldats d'élites, ainsi que certains détails de la campagne de Russie (l'huile qui gèle dans les moteurs,..).
Je suis bien étonné de trouver la critique de Platonov, ce livre a été épuisé très longtemps et je croyais qu'il était tombé dans l'oubli. Il vaut vraiment la peine d’être lu.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 20 janvier 2002


Un récit terrible ! 8 étoiles

Il nous faut bien sûr essayer de comprendre ce jeune garçon, à moitié Allemand, qui se laisse embarquer par la propagande et tous les apparats de l'uniforme. Marguerite Duras, elle-même, résistante et ayant perdu l'homme de sa vie au retour des camps, décrit très bien que, pour beaucoup, c'est le hasard qui a parfois décidé du côté où ils se sont mis. Ce récit de Guy Sager est terriblement poignant. J'en ai retenu beaucoup de choses, malgré que je l'ai lu il y a des années, à sa sortie. Notamment la scène dans laquelle il décrit qu'il retrouve des soldats allemands que les Russes avaient fait se déshabiller, par moins vingt, et fait entrer dans une auge qu'ils ont rempli d'eau. Celle-ci a bien vite gelé emprisonnant des hommes qui eux-mêmes allaient bien vite mourir. Il décrit aussi la lutte vaine de ces soldats d'élites contre les hordes lancées par Staline. Celui-ci ne comptait jamais les pertes et jouait le nombre contre la qualité. Les soldats russes grimpaient sur les cadavres des premières vagues sacrifiées et cela jusqu'au moment où les Allemands étaient soit sans munitions, soit que leurs armes étaient tellement chaudes qu'ils ne savaient plus s'en servir !... Bien sûr, nous ne pouvons pas non plus oublier les horreurs commises par la division "Gross Deutschland", qui ne s'est pas bien souvent gênée quant aux méthodes utilisées dans les territoires occupés par eux !... Très loin d'être des enfants de choeur ! Et c'est le moins qu'on puisse dire ! Comme Platonov, il ne m'est pas possible de trancher quant au fait de savoir si ce récit est toujours exact: ce qui est vrai c'est qu'il est terriblement prenant et montre bien toute l'horreur dans laquelle la guerre plonge les hommes pour en faire des bêtes !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 20 janvier 2002