Ru
de Kim Thúy

critiqué par Ddh, le 11 janvier 2010
(Mouscron - 83 ans)


La note:  étoiles
Ru, un ruisseau qui se disperse dans l'espace et le temps
Ru, ruisseau de larmes mais aussi ru, berceuse en vietnamien. L’auteure relate ses heurs et malheurs de sa vie bouleversée, bouleversante.
Kim Thuy, comme toute réfugiée, a exercé différents métiers. Elle vit actuellement à Montréal. Elle nous livre sa vie de tous les jours depuis son enfance. Ce livre, encensé par la presse, fait partie de la sélection Prix Première RTBF radio.
En quatrième de couverture : « une femme voyage à travers le désordre des souvenirs ». Jolie formule pour une réalité : un fouillis d’anecdotes qui nous font voyager du Vietnam au Québec, sur un boat-people, dans un camp de réfugiés, à travers le temps, de la vie au Sud-Vietnam durant la guerre, après la guerre… Et le lecteur est déconcerté : description émouvante des horreurs dans les boat-peoples, de la crasse dans les camps de réfugiés, de la nostalgie du bonheur de la vie princière…
La présentation est originale : à plusieurs reprises, on passe d’un paragraphe à l’autre en tournant la page. Il fait penser à un rouleau écrit en caractères asiatiques. Il n’y a pas la trame du roman classique : situation initiale, développements, situation finale mais plutôt un récit avec des anecdotes : l’une entraînant l’autre.
Murmure d'un ruisseau 9 étoiles

Récit bouleversant d’une vie miraculeusement arrachée à la mort, le livre de Kim Thuy se lit sereinement parce que dénué de ressentiment, de rancœurs .Une écriture fluide et accrocheuse tant sur le plan de la langue qui « croise » les mots du français avec des expressions vietnamiennes que sur le plan des descriptions très imagées. Cette mémoire semble se repérer à la lueur des souvenirs les plus vivaces et Kim les évoque avec beaucoup de délicatesse pour mieux nous communiquer la sensibilité qui les transporte. Kim, c’est aussi ce « ruisseau » dont le murmure de l’eau « berce » notre lecture de sentiments qui exaltent la pudeur, le respect, ne laissant aucune place à la haine. Un récit en somme dédié à tous ceux dont l’exil a contraint à un perpétuel recommencement … Un livre pour apaiser la souffrance de ceux qui ne sont de nulle part …
KAMEL KIES

KAMEL KIES - - 70 ans - 2 janvier 2013


" You'll walk on air ! " 9 étoiles

Romancière québécoise d'origine vietnamienne, Kim Thúy est née à Saïgon en 1968. Elle émigre au Québec avec ses parents à l'âge de 10 ans après avoir quitté son pays avec les boat people.
Elle vit aujourd'hui à Montréal et se consacre à l'écriture. Ru, son premier livre, est paru aux Éditions Libre Expression en 2009. Best-seller au Québec et en France, ce livre a vu ses droits vendus dans vingt pays, en plus d'avoir été finaliste de plusieurs prix littéraires.

Le récit tragi-comique des souvenirs d'une enfant des "Boat-people" qui est parvenue à rejoindre le Canada via la Malaisie.

"Quand je croise des jeunes filles, à Montréal, qui blessent leur corps intentionnellement, qui veulent avoir des cicatrices dessinées sur leur peau à tout jamais, je ne peux m'empêcher de souhaiter secrètement qu'elles rencontrent ces autres filles, qui ont, elles aussi, des cicatrices permanentes, mais tellement profondes qu'elles sont invisibles à l'oeil nu."

De très courts chapitres empreints d'émotion.
Une écriture limpide, simple, qui fait appel aux sens.
Les souvenirs d'une enfant "cicatrisée" qui a rencontré l'accueil et la chaleur des grands froids canadiens.
J'ai pris beaucoup de plaisir à sa lecture .

Frunny - PARIS - 59 ans - 30 novembre 2012


Guerre et misère indicibles endurées au Vietnam 10 étoiles

Kim Thuy nous fait partager ses souvenirs d’enfance au Vietnam, avant qu’à l’âge de dix ans, elle ne quitte son pays en guerre pour émigrer en Malaisie puis au Canada.

Pêle-mêle les anecdotes affleurent à sa mémoire, témoignages souvent poignants des souffrances causées par la misère ou la guerre et tout comme pour, par exemple, l’ouvrage d’Atiq Rahimi (Terre et Cendres) l’on se retrouve honteux d’avoir à donner une cote à ce roman hors norme, tout plein de poésie, qui s’apparente plutôt au récit autobiographique.

J’en extrais les dernières lignes : « Seuls autant qu’ensemble, tous ces personnages de mon passé ont secoué la crasse accumulée sur leur dos afin de déployer leurs ailes au plumage rouge et or, avant de s’élancer vivement vers le grand espace bleu, décorant ainsi le ciel de mes enfants, leur dévoilant qu’un horizon en cache toujours un autre et qu’il en est ainsi jusqu’à l’infini, jusqu’à l’indicible beauté du renouveau, jusqu’à l’impalpable ravissement. (…) Je me suis avancée dans la trace de leurs pas comme dans un rêve éveillé où le parfum d’une pivoine éclose n’est plus une odeur mais un épanouissement ; où le rouge profond d’une feuille d’érable à l’automne n’est plus une couleur, mais une grâce ; où un pays n’est plus un lieu, mais une berceuse. »

‘Ru’ en vietnamien signifie bercer ou berceuse …

Une fois de plus, le Grand Prix RTL-Lire a été bien inspiré en distinguant cet ouvrage (2010).

Ori - Kraainem - 88 ans - 20 août 2012


une merveille 10 étoiles

J'ai lu ce livre en préparation d'un voyage au Vietnam, avec une toute autre optique, et j'ai été très positivement surprise !

Ces tout petits chapitres sont presque des poèmes, tellement les images sont fortes et les sentiments intensément décrits.

C'est un récit sur les différences de mentalités entre les peuples Vietnamien et Canadien, entre les odeurs, les nourritures, la nature... Pour tous ceux qui se sont expatriés de force une fois dans leur vie, on ressent ce bien-être et ce mal-être, cette nouveauté, cette peur, cet intérêt... De plus, l'instinct de survie de ces boatpeoples, tout en douceur et poétiquement.

C'est de la poésie asiatique transplantée dans la langue française canadienne. (Les traductions sont moins bonnes).

Un petit extrait :
J'avais oublié que l'amour vient de la tête et non pas du coeur. De tout le corps, seule la tête importe. Il suffit de toucher la tête d'un Vietnamien pour l'insulter, non seulement lui mais tout son arbre généalogique.
Si une marque d'affection peut parfois être prise pour une offense, peut-être que le geste d'aimer n'est pas universel: il doit être traduit d'une langue à l'autre, il doit être appris. Dans le cas du vietnamien, il est possible de classifier , de quantifier le geste d'aimer par des mots spécifiques: aimer par goût (thích), aimer sans être amoureux ( thuong), aimer amoureusement (yeu), aimer avec ivresse ( mê), aimer aveuglément ( mu quang), aimer par gratitude (tinh nghia). Il est donc impossible d'aimer tout court, d'aimer sans sa tête.

Yotoga - - - ans - 22 mai 2012


Une enfant de la Loi 101 8 étoiles

Le Québec a accueilli à bras ouverts les Vietnamiens, qui fuyaient leur pays sur des boat people pour échapper aux représailles du clan victorieux. Les curés parrainaient à l’époque les familles que les paroissiens voulaient protéger de la politique qui tue au nom de l’idéologie. Que sont devenus ces exilés ?

Kim Thúy satisfait merveilleusement notre curiosité et celle de son amie Johanne, qui a sacrifié ses vêtements et ses jouets pour la nouvelle venue. Enfant de la Loi 101 (celle qui oblige les immigrants de fréquenter l’école française), l’auteure s’est nourrie d’une culture qui l’a rendue heureuse au milieu des habitants de Granby, où ses parents ont élu domicile. Elle n’oublie pas pour autant son Vietnam natal et son séjour dans un camp de refugiés malais, où son avenir ne présageait rien d’enviable en tant que femme. Arrivée au Québec, elle refuse de s’attribuer une auréole qui cultiverait la pitié en s’apitoyant sur un sort qui aurait pu être le sien. Au contraire, les malheurs vécus et appréhendés sont dynamisés par la défense de la vie. Sans bluffer, elle montre tout simplement comment elle a survécu à l’adversité.

En fait, elle raconte une intégration réussie sans chercher à jouer sur nos cordes sensibles. C’est une histoire dépouillée de tout artifice, qui repose sur une structure recherchée pour sa simplicité. Chaque chapitre, souvent composé de quelques lignes, isole des strates de vie comme autant d’hymnes grégoriennes, qui retiennent tout lyrisme avant qu’éclate l’alléluia annonciateur de l’épiphanie de l’héroïne en sol québécois.

Cette finesse pascale transparaît même dans la publication de ce roman que les Éditions Libre Expression ont rehaussée avec une enluminure moniale en première de couverture. L’éditeur français s’est vite empressé de se débarrasser de cet emballage en popularisant son produit avec une jaquette racoleuse qui camoufle la thématique sous un cliché.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 18 avril 2012


UNE ODYSSEE TRAGIQUE 8 étoiles

La littérature vietnamienne est riche de romans décrivant la vie durant les deux guerres d’Indochine. On pourra y ajouter l’ouvrage de Kim Thuy intitulé : RU, vocable dont la signification est double : en Français, il signifie « petit ruisseau », en vietnamien, il signifie « berceuse, bercé ».

Le thème de ce roman est une évocation des souvenirs de l’enfance de l’auteure passée à Saigon, de l’implantation du communisme dans la partie méridionale du pays, et enfin de la fuite du pays au large du golf de Siam, pour transiter ensuite dans un camp de réfugiés en Malaisie, et qui se termine dans le froid du Québec, au Canada.

Que nous dit Kim Thuy de l’exil, de la condition de boat-people ? Que c’est une souffrance sans limites, bien sûr Elle nous rappelle l’arrachement qu’est un départ de sa terre natale, elle souligne le cortège d’horreurs qui accompagne généralement ce type d’événements tragiques. La grandeur de cet ouvrage, c’est de toujours rappeler que l’humain peut retrouver ses droits, sa place, au plus fort de la tourmente. Ainsi, évoque-t-elle la présence d’un jeune homme qui monte avec sa mère une classe d’anglais dans le camp où est elle est internée : « Sans son visage, nous n’aurions pas pu imaginer un horizon dépourvu d’odeurs nauséabondes, de mouches, de vers. Sans son visage, nous aurions certainement perdu le désir de perdre la main pour rattraper nos rêves. »
Même l’ennemi, en l’occurrence les soldats de l’armé nord-vietnamienne, se voit accorder une absolution, due à l’absurdité de la guerre : « Après cet incident, nous ne savions plus s’ils étaient des ennemis ou des victimes, si nous les aimions ou les détestions, si nous les craignions ou en avions pitié. Et eux ne savaient plus s’ils nous avaient libérés des Américains ou si, au contraire, nous les avions libérés de la jungle vietnamienne. »
Le récit est parsemé de multiples portraits de personnages rencontrés durant l’exode, puis l’installation au Canada. Il illustre à merveille les mots de cette chanson de Nougaro : L’espérance en l’homme »

Au cours d’une vie qui fut mouvementée
Dans un siècle où l’horreur battit ses records
Parmi les êtres qu’on a pu rencontrer
Il arrive qu’un jardin ou qu’un simple visage humain
Une main ouvre un nouveau chemin
Tout se gomme, se pardonne
Et l’on voit soudain reverdir, refleurir
Notre espérance en l’homme.

Kim Thuy fait reverdir cette espérance dans ce récit éloquent . Elle illustre à merveille la capacité de résilience de tout un peuple, le sien, et de l’humanité entière. A lire absolument.

TRIEB - BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans - 18 avril 2012


Le temps ou ce qu'il en reste 6 étoiles


Beaucoup de choses ont déjà été dites, et bien dites, sur ce livre.

Sa première qualité est certainement l’absence de pathos. « Ru » n’est pas un tire-larmes et c’est tant mieux. Kim Thuy raconte bien les horreurs de la guerre, la déchirure de l’exil d’autant plus violente qu’elle s’accompagne d’un déclassement social, les malentendus et les maladresses de l’accueil, l’isolement linguistique mais aussi les mains tendues. L’épisode des matelas pleins de puces dont on se sépare sans oser le dire aux Québécois qui les ont aidés pour ne pas les froisser est un petit bijou d’observation tendre. Il y a aussi tous ces moments familiaux tant au Vietnam qu’au Québec avec ses personnages très typés, tels celui de la mère (« ma mère nous préparait à la chute ») ou du délicieux, mais o combien complexe, bel-oncle six.

Le lecteur, et cela a été dit par presque tous les critiques, reste néanmoins sur sa faim. Kim Thuy ne va pas au fond des choses et cela tient probablement à la forme qu’elle a choisie et qui n’est peut-être pas la plus pertinente. Son récit n’est ni un journal intime, ni un strict témoignage, ni une réflexion sur l’enfance, le déracinement, encore moins un essai ou un roman. BMR & MAM a vu juste quand il dit dans sa critique éclair que la forme romancée aurait permis d’aller bien plus loin pour atteindre, par le mensonge, la vérité comme l’a si bien écrit Mario Vargas Llosa.

« Ru » n’en reste pas moins un livre à lire pour tenter de comprendre ce qui s’est passé. Je ne suis pas sûr que Kim Thuy soit réellement un écrivain. Pourra-t-elle être la femme d’un second livre, celui où l’on connaît le prix du temps ? C’est tout ce que je lui souhaite et le temps nous le dira.

Jlc - - 81 ans - 20 avril 2011


Témoignages intimes d'une réfugiée 6 étoiles

Le déroulement du texte ne se perçoit pas comme un travail d’écriture littéraire, mais plutôt comme une conversation intéressante entre amis intimes, dû au fait que les intrigues sont narrées sans ligne directrice ni chronologie. Partie de Saigon avec sa famille pour fuir les autorités communistes, l’auteure nous raconte, modestement et sans amertume, une vie assez difficile, vécue au Vietnam, avant son départ. Après une traversée abominable, ils atteignent enfin les camps de réfugiés en Malaisie, où les survivants des boat people sont accueillis. Je laisse sous silence, les difficultés vécues de la traversée sur le bateau et du séjour au camp, parmi les 2000 réfugiés, qui n’en devait desservir que 200. Certains faits, tristes et parfois drôles, m’ont tiré quelques larmes et m’ont fait sourire à l’occasion.

À son arrivée à Mirabel, en voyant les premiers bancs de neige, par le hublot de l’avion, la narratrice nous livre ses sentiments: « On ne pouvait que se sentir éblouis, aveuglés, enivrés d’un paysage aussi blanc et virginal », alors que le seul repère qu’elle avait est un bracelet en plastique, qu’elle portait à son poignet, rempli de diamants cachés par ses parents. « J’étais comme mon fils Henri, je ne pouvais pas parler, ni écouter, même si je n’étais ni sourde ni muette.» Puis, elle ajoute : Henri ne m’appellera probablement jamais « maman ». Il ne comprendra jamais pourquoi j’ai pleuré quand il m’a souri pour la première fois. Ces témoignages nous font découvrir une femme courageuse, forte et remplie de bonté. Des parents aisés au départ, qui au début de leur vie au Québec, ont dû faire des travaux médiocres : frotter les tableaux noirs et les toilettes de l’école, ou livrer des rouleaux impériaux, en plus de délaisser la langue maternelle pour apprendre le français et l’anglais. Elle mentionne le dévouement de sa première enseignante qui lui a donné son désir d’immigrer, la gratitude pour l’accueil chaleureux des gens de Granby qui l’invitaient soit au zoo, ou à la cabane à sucre, ou lorsque les voisins la recevaient pour dîner alors qu’elle ne savait pas manger le riz avec une fourchette ni apprécier une omelette au sirop d’érable. Apprendre qu’elle aime vivre au Québec prouve une immigration réussie. On sympathise avec elle du début à la fin. Le point fort du récit? C’est la vivacité et la crédibilité du texte, qu’elle a écrit en guise d’héritage pour ses enfants.

Saumar - Montréal - 91 ans - 19 mars 2011


Une lecture enrichissante... 8 étoiles

Pour moi, Kim Thuy c'est avant tout cette ravissante et sympathique chroniqueuse culinaire vietnamienne au français québécois, à la chevelure d'ébène, au sourire éclatant et aussi au rire tonitruant, tout aussi québécois, qui résonne à tout moment! Nous la voyions régulièrement sur différentes émissions télévisées depuis quelques années déjà...
Et voilà que pour la première fois une Vietnamienne qui vit au Québec depuis l'âge de dix ans nous offre en français le récit de ses origines et de sa culture, de son périple de "boat people", de son arrivée pour ainsi dire sur une autre planète, le parcours de sa famille et le sien dans un style d'écriture anecdotique un peu désarmant au début, mais qui très rapidement nous laisse de larges espaces vides qui donnent le temps de repenser à ce qu'on vient de lire...
Un récit de souvenirs qui nous font découvrir une culture différente, un récit d'horreurs parfois insoutenables, d'anecdotes empreintes de poésie poignantes et émouvantes...
Un récit sans structure, sans commencement ni fin, un récit rempli d'une résilience admirable et une lecture des plus enrichissante!

FranBlan - Montréal, Québec - 82 ans - 11 janvier 2011


Autobiographie pudique 8 étoiles

Kim Thuy est née à Saïgon pendant l'offensive du Têt. Elle quittera le Vietnam 10 ans plus tard en compagnie d'autres boat people. Depuis elle vit au Québec.
Elle a écrit Ru, son premier roman, en français.
Largement autobiographique, ce petit bouquin est comme un collage de souvenirs et d'époques : les derniers temps de l'opulence coloniale avant l'arrivée des communistes, la fuite en bateau jusqu'au Canada via les camps de réfugiés de Malaisie, la vie d'immigrante au Québec puis ses deux enfants, son retour provisoire au pays de nombreuses années après, ... Kim Thuy entremêle habilement de petites scènes vécues dans ces différents lieux à différents moments de sa vie. Le patchwork prend forme et peu à peu se dessinent quelques portraits : le sien bien sûr, mais également celui de sa famille, sa mère, Tante 7(1) un peu simplette ou encore l'incorrigible Oncle 2, play-boy désinvolte et charmeur ...
Bien sûr quitter le Vietnam dans ces conditions et à cette époque n'a pas été une excursion touristique : quelques scènes évoquent des souffrances et des blessures pas faciles à oublier ...
Mais l'auteure sait aussi nous faire partager quelques moments de pure poésie asiatique :

[...] j'allais au bord d'un étang à lotus en banlieue de Hanoï, où il y avait toujours deux ou trois femmes au dos arqué, aux mains tremblantes, qui, assises dans le fond d'une barque ronde, se déplaçaient sur l'eau à l'aide d'une perche pour placer des feuilles de thé à l'intérieur des fleurs de lotus ouvertes. Elles y retournaient le jour suivant pour les recueillir, une à une, avant que les pétales se fanent, après que les feuilles emprisonnées aient absorbé le parfum des pistils pendant la nuit.

Mais les plus belles pages sont celles qui évoquent son arrivée au Canada, il y a trente ans, et l'accueil que leur réservaient les québécois. Des pages à lire et relire, salutaires à notre époque où l'on se préoccupe plutôt d'élever des murs et de fermer les frontières.

[...] Ma première enseignante au Canada nous a accompagnés, les sept plus jeunes Vietnamiens du groupe, pour traverser le point qui nous emmenait vers notre présent. Elle veillait sur notre transplantation avec la délicatesse d'une mère envers son nouveau-né prématuré. Nous étions hypnotisés par le balancement lent et rassurant de ses hanches rondes et de ses fesses bombées, pleines. Telle une maman cane, elle marchait devant nous, nous invitant à la suivre jusqu'à ce havre où nous redeviendrions des enfants, de simples enfants, entourés de couleurs, de dessins, de futilités. Je lui serai toujours reconnaissante parce qu'elle m'a donné mon premier désir d'immigrante,celui de pouvoir faire bouger le gras des fesses, comme elle. Aucun Vietnamien de notre groupe ne possédait cette opulence, cette générosité, cette nonchalance dans ses courbes.

Le bouquin est construit presque comme un journal intime, mélangeant les lieux et les époques. Intime est bien le mot. Toute en pudeur, Kim Thuy essaie de se raconter.
Mais on ressort un peu frustré de ce petit bouquin avec l'impression d'avoir passé une charmante soirée avec une jeune femme asiatique agréable à la conversation très intéressante et qui a su nous faire entrevoir plein d'épisodes de sa vie mouvementée, plein de petites choses curieuses d'autres lieux et d'autres époques et puis qui nous laisse page 143, bon, cher monsieur, il faut que j'y aille, ravie de vous avoir rencontré ...
Oui certes, mais, mais ... on aurait aimé plonger plus au coeur peut-être pas de la vraie vie de Kim Thuy, ne soyons pas indiscrets, mais au coeur d'un bon gros roman qui nous aurait emporté des heures, là-bas, autrefois.
À trop vouloir coller à sa réalité intime, l'auteure finit par se cacher, c'est bien naturel. D'ailleurs, elle en convient elle-même : petite, elle était l'ombre de sa cousine, plus grande, l'ombre de ses hommes ... Une histoire romancée lui aurait permis de plus en raconter en même temps que mieux se cacher, ombre parmi ses personnages. Mais ne boudons pas le plaisir à lire ces quelques belles pages, même peu nombreuses !
Deux autres livres sont en préparation : peut-être l'occasion de passer à nouveau une ou deux agréables soirées en compagnie de cette charmante dame ...

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 8 octobre 2010


Au gré du vent... 6 étoiles

Kim Thuy raconte l’histoire de Nguyen An Tinh, qui est en fait la sienne. Par petites touches, par bribes et morceaux, elle relate son parcours du Vietnam au Canada, sa famille dans sa gloire d’antan et dans sa simplicité actuelle. Chaque page est un flash, qui est relié à la précédente et à la suivante par un mot, une image comme un esprit peut vagabonder et passer du coq à l’âne. L’écriture est très fine, légère. Mais ce livre est bien trop court et morcelé. Je reste sur une impression de grand manque : le lecteur a pu goûter à une histoire sans pouvoir l’approfondir, j’allais dire la mastiquer, sans connaître les détails, les tenants et aboutissants, les sentiments... Je reste vraiment sur ma fin.
Extrait sur la guerre et la paix : « j’ai vécu dans la paix pendant que le Vietnam était en feu, et j’ai eu connaissance de la guerre seulement après que le Vietnam eut rangé ses armes. Je crois que la guerre et la paix sont en fait des amies et qu’elles se moquent de nous. »

Pascale Ew. - - 57 ans - 20 septembre 2010


miroir d'humanité, dans chaque éclat on peut se voir et voir le monde! 10 étoiles

Il faudra 30 ans pour que cette jeune femme d’origine vietnamienne raconte. Elle avait dix ans quand tout lui est arrivé: la partition de son pays en deux communautés ennemies, la guerre, les camps de rééducation, les boat people, les camps de réfugiés, l’exode, et enfin l’accueil inconditionnel au Canada. Que ne pouvons-nous pas nous laisser inspirer de cette réussite d’intégration de peuples immigrés au Canada! Cela tient peut-être à ce qu’ils sont les maîtres de la pédagogie et qu’ils sont généreux de nature et que le combat contre la sévérité de la nature, donne de l’humilité et de la solidarité!

Kim Thuy se penche sur les pages éparses de son passé répandu sur la plage, retrouve quelques bribes et fragments, et fabrique patiemment un livre beau comme un vitrail où se jouent la lumière et les couleurs de l’espoir. Point d’hostilité alors que les épreuves ont été une vraie descente aux enfers. Point de recherche de culpabilité, rien qu’une dignité sereine et louable, presque aristocratique, un amour de la vie inconditionnel. La peur est muselée. Elle a l’art de lâcher la tristesse et de se désencombrer l’âme. Perdu le besoin d’avoir. Gagné le bonheur d’être.

La poésie et l’humour lui redonnent maintenant une nouvelle harmonie. Une nouvelle vie grâce à l’écriture sensuelle, à côté de ce rêve américain réussi mais de béton, qui n’est pas elle. Le souvenir de ses attaches asiatiques ne la caractérisent qu’à traits grossiers. Ce qui la fait, c’est sa langue d’adoption, un merveilleux français qui nous berce et nous bouleverse, dans lequel elle pense, elle aime, elle ressent. Derrière les yeux bridés, il y a les yeux de l’âme. Grâce aux efforts de chacun dans sa famille elle a conservé le sens de la cohésion, elle n’a pas sombré dans l’aliénation et a eu, à tout moment, la capacité de rebondir en préservant son mystère intime d’humanité… et celle de pouvoir savourer les moindres moments de bonheur.

On ressort de ce livre, plein de respect, baigné d’espoir, baigné du bonheur d’avoir vaincu le mal dans l’homme… car elle décline à tous les modes le verbe aimer, et le chante sur tous les tons, comme si le français devenait une langue tonale!

Dans ce premier roman elle trouve des phrases, qui semblent l’effet d’une grâce… C’est un livre-bijou merveilleux.

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 30 août 2010


Reconstruire sa vie 6 étoiles

Beau témoignage que nous livre ici la vietnamienne Kim Thuy. Ce sont des souvenirs jetés en vrac un peu n’importe comment sans vrai ligne directrice et malheureusement, cela gâche la lecture quelque peu. L’auteure nous entretient de son enfance au Vietnam, de son voyage en bateau assez horrifiant, de son arrivée au Québec et de sa période d’adaptation au pays. Il faut avouer que la famille a été fort bien accueillie et a bénéficié de beaucoup de générosité de la part des Québécois de souche qui se sont empressés auprès d’eux afin que leur intégration se fasse le mieux possible. Ensuite Kim nous raconte son retour au Vietnam plusieurs années plus tard dans le cadre de son travail et les expériences bonnes et moins bonnes qu’elle y a vécues.

Le début m’a enthousiasmé mais très vite, j’ai senti un essoufflement, un manque d’inspiration. Afin de remplir des pages, Kim nous livre parfois des anecdotes sans intérêt, frôlant l’insignifiance. J’ai particulièrement aimé son analyse du conflit vietnamien et les conséquences humaines qu’il a entraînées et aussi son expérience dans les camps de réfugiés. Mais elle mélange tout. Elle revient en arrière, repart en avant, parle de sa famille, replonge dans le passé, revient au présent. Cela ressemble à un journal intime, à un brouillon, à une ébauche pas encore terminée. Il faut dire qu’elle n’est pas une écrivaine et que la réputation de ce livre tient surtout au témoignage de vie d’une réfugiée fort sympathique, à la personnalité attachante. Pas un grand livre mais à lire afin de comprendre le drame des réfugiés obligés de quitter leur pays et de repartir de zéro afin de reconstruire leur vie.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 20 août 2010


Souvenirs d'une réfugiée 7 étoiles

Touchante autofiction de cette auteure vietnamienne québécoise. La narratrice nous compte son expérience de vie. C’est non chronologique, mais souvent les histoires se suivent et ont un rapport entre elles. Elle nous parle de l’après-guerre du Vietnam (celle de 1955-1975), communiste, des boat people, comment c’était dans son camp de réfugiés en Malaisie, comment elle a été reçue au Québec, son enfance, sa vie de famille, ses enfants, son enfant autiste, son retour au Vietnam, sa vision des choses... Des tranches de vie d’un court paragraphe à quatre pages. Une écriture délicate, des anecdotes émouvantes, une bonne lecture. Pas une lecture coup de poing, mais il y a du beau dans ce livre.

Nance - - - ans - 15 mai 2010


Récit de la mémoire 8 étoiles

Ce récit émouvant, livré par bribes, sans chronologie, comme si l’auteur nous racontait lors d’une conversation intime au hasard de sa mémoire, celle d’une petite fille vietnamienne de dix ans et de sa famille, qui après avoir fui Saigon dans une cale d’un bateau où 200 réfugiés vivaient à la lueur d’une ampoule. La vie dans un camp de réfugiés en Malaisie, avec ces pages où elle raconte la construction de la cabane sur pilotis, les odeurs nauséabondes, les mouches, les vers, les cours d’anglais. Leur arrivée à Québec pays d’accueil. Mais surtout elle nous parle beaucoup de son pays, lors de son enfance, sa vie avec sa famille, ses frères, oncles, tantes, cousins, cousines. Sa mère tient un rôle important, elle en parle toujours avec beaucoup de retenue, de pudeur tout en lui rendant un bel hommage. Ses parents ont su leur léguer à ses frères et à elle la richesse de la mémoire, en retour elle aimerait la léguer à ses enfants.
Comme le dit si bien l’auteur, ce n'est pas un récit autobiographique. Ce livre-là n'est pas mon histoire. Je prends l'excuse de raconter «à travers moi» l'histoire de tous ces gens que j'ai croisés. Malgré leurs souffrances, leur immense pauvreté, il y a dans leur histoire une beauté extrême.»
Certain lecteurs resteront insensibles car il n'y a pas d'empathie dans ce récit, ce livre n’est pas triste, est-ce dû à ce proverbe vietnamien que lui récitait sa mère à Saigon « La vie est un combat où la tristesse entraîne la défaite. »

Dudule - Orléans - - ans - 8 mars 2010