Le Fiasco du Labrador
de Margaret Atwood

critiqué par Leroymarko, le 2 janvier 2010
(Toronto - 51 ans)


La note:  étoiles
"À la fin, on deviendra tous une histoire"
Beau recueil de nouvelles de la grande dame des lettres canadiennes-anglaises. L’ouvrage est tellement bien conçu, toutefois, qu’il pourrait être vu comme un roman. La colle finit par bien prendre, même si tout paraît enchevêtré au début. Au lecteur de replacer les pièces du puzzle.

Il s’agit de onze textes, largement autobiographiques, qui ont déjà paru, séparément, dans des publications de langue anglaise. Nous sommes en quelque sorte invités à consulter un album dans lequel, sous le couvert de Nell, son double, l’auteure relate ses souvenirs. Le regard juste auquel nous a habitué Atwood se porte sur la vie de campagne, la maladie, la vieillesse, la vie de couple, la solitude. Défilent sa jeunesse, ses études, sa vie à la ferme, son retour en ville. Défilent aussi des lieux géographiques: Toronto, l’Ontario rural, le Labrador… Chemin faisant, les mêmes réflexions que chacun se fait sur la route à emprunter, sur la suite à donner à sa vie.

Tout ça teinté d’un peu d’humour tranchant. Atwood raconte son passé, mais ne verse pas pour autant dans une banale nostalgie. Pourtant, le passé est important à ses yeux: «À la fin, on deviendra tous une histoire». Pas étonnant que deux nouvelles parlent de son père et de sa mère, qui finiront chacun leur vie au lit à se faire raconter des histoires sur leur passé. Pas étonnant non plus cette place accordée aux photos.

Les textes qui m’ont le plus plu sont ceux qui relatent la vie de Nell à la ferme, avec son conjoint Tig. Du véritable bonbon! Il y a place à l’humour, mais au drame aussi: la vie turbulente de sa sœur Lizzie, la chute d’Oona, l’ex-femme de Tig. J’ai beaucoup aimé aussi la nouvelle qui porte le même titre que le livre. Le père de Nell, maintenant vieux, est au lit et n’y voit plus très clair. Il aime toutefois entendre et réentendre l’histoire de ces deux aventuriers et de leur guide qui se lancent dans une expédition perdue d’avance dans les forêts sauvages du Labrador. Ça donne envie de lire l'histoire écrite en 1905 par Dillon Wallace.

Margaret Atwood nous livre donc ici un autre excellent ouvrage. Peut-être son livre est-il moins «difficile» que d’autres qu’elle a écrit, mais il n’en reste pas moins très bien pensé et intéressant.
Une vie éclatée 5 étoiles

Une vie éclatée en mille morceaux, c’est ce que nous raconte la canadienne Margaret Atwood. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on a du mal à recoller les morceaux ! Ils peuvent se lire à la limite indépendamment les uns des autres mais l’ouvrage constitue un tout. Pour autant, parvenu à la fin des 11 « nouvelles », je m’avoue un peu perplexe quant à la cohérence du tout et avoir du mal à articuler l’ensemble.
Individuellement chaque nouvelle est agréable à lire, style et propos, ça me plait. Mais, quelques jours après avoir refermé « Le fiasco du Labrador », je suis même bien en peine d’en faire une critique consistante ! Embêtant ça.
Le personnage principal de tout ceci est Nell, la narratrice. Narratrice au même titre que Margaret Atwood, d’où l’idée que Nell … ?
Elle nous confie des morceaux de son enfance, sa vie de jeune femme, de femme mariée, de femme plus vieille, avec des incidences plus ou moins marquées vers des sujets en rapport avec sa vie, vers ses parents, jeunes et vieux. Encore une fois, chaque morceau m’a intéressé. Mais les agencer ? Pas facile. Elle nous perd, Margaret, et c’est dommage …
Nell. Son mari Tig. Oona, l’ex de Tig. Lizzie la sœur de Nell. La mère et le père de Nell et Lizzie. Des collègues de travail du père de Nell. Des aventuriers en quête de nature vierge au Labrador (le fameux fiasco), … des protagonistes variés qui sont censés tous se ramener d’une manière ou d’une autre à Nell. Mais Dieu que c’est épars !

Tistou - - 68 ans - 17 septembre 2012


Fragments de vie éparses 4 étoiles

La narratrice raconte son enfance, sa sœur, sa mère, son père, son compagnon en pièces détachées. Le livre fourmille de petites anecdotes de la vie quotidienne qui ne sont pas vraiment parvenues à m’intéresser.

C’est un récit plat, parfois teinté d’humour mais il ne s’en dégage rien que l’on puisse signaler. Je ne vois vraiment pas quoi en tirer de particulier.

IF-0912-3948

Isad - - - ans - 7 septembre 2012


Bonne surprise 8 étoiles

En fait, ce sont des nouvelles où on retrouve toujours Nell, le double autobiographique de l'auteur. Sans savoir à quoi m'attendre la première nouvelle m'a déstabilisée, je me suis demandée comment j'allais pouvoir poursuivre. Les suivantes m'ont plus accrochée, j'ai lu au passage la quatrième de couverture (dont je me méfie souvent) et j'ai compris le sens autobiographique de ce livre. On découvre son enfance, ses rencontres amoureuses, sa famille... Elle finit par ses parents, touchant tableau de la vieillesse et des souvenirs. L'ensemble est globalement chronologique sauf la première et montre les différentes étapes de la vie de Nell... jusqu'à quel point autobiographique ? Un très beau "récit" qui m'a réconciliée avec l'auteur après la lecture fade des nouvelles de La petite poule vide son coeur. Je lirai bien un autre de ses romans, La servante écarlate me tente bien.

Shan_Ze - Lyon - 41 ans - 25 juillet 2012


Et si la vie était le personnage principal de ce roman ? 8 étoiles

C'est une vraie surprise ! Le résumé du livre et la couverture du format poche ne me donnaient vraiment pas envie de lire "Le Fiasco du Labrador"... Pourtant le charme a opéré.

Ce recueil de nouvelles a un fil conducteur, cela pourrait parfaitement être un roman avec quelques sauts temporels. Nell est le personnage central de cette oeuvre, personnage que l'on suit à travers diverses époques, à travers divers lieux et en compagnie de diverses personnes de son entourage proche. On fait donc la connaissance de Tig, l'homme qu'elle aime, d'Oona l'ex femme de Tig, Lizzie la soeur fragile de Nell ...

Margaret Atwood peint tout simplement la vie, la même que nous menons ou que nous pourrions mener, avec ses heurts, ses joies, ses émotions. La force des évocations repose sur la magie du style de l'auteure. Avec précision, le lecteur parvient à imaginer les tableaux peints. Tout devient pittoresque. M.Atwood donne à sentir les ambiances, les couleurs, les bruits. Elle crée des atmosphères en utilisant essentiellement des allusions végétales et des éléments visuels.

La maladie, la vieillesse, le divorce, l'hypocrisie, les blessures mortelles d'animaux sont évoqués, des sujets lourds qui pourraient angoisser le lecteur, mais l'humour désamorce souvent certaines scènes tragiques.

Une évocation touchante de l'existence.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 5 juillet 2012


Aquarelles d'une vie ! 4 étoiles

Sélection CL 2012 - Catégorie Découvrir -

Je partage à 100% l'excellente critique de Débézed.
L'auteur dresse une série de peintures sur des étapes majeures de la vie de Nell au Canada.
L' enfance, l'adolescence, la vie de femme et la lente conscience du déclin en observant l'inexorable déchéance physique et mentale de ses parents .
Quelques aquarelles floues , sans relief, ni piment.
Une vie banale... mais une vie quand même .

Je dois avouer m'être passablement ennuyé à la lecture de ce roman , pourtant organisé en courtes histoires.
Le style est agréable mais le fond , d'une banalité sans nom .
La vie de millions de gens sur terre avec ses joies , ses peines , ses accidents , ses controverses.
Pas de quoi fouetter un chat !
Une sélection CL que je vais m'efforcer d'oublier au plus vite.

Frunny - PARIS - 59 ans - 7 avril 2012


À la fin, on deviendra tous une histoire 9 étoiles

Je reprends cette expression qui résume bien l'esprit de ce livre.
Vous trouverez dans ce livre, un succession de ce que j'appellerais des "moments de vie". Ces courts chapitres ne sont pas des nouvelles (si on reprend la définition : il n'y a pas de chutes, le sujet n'est pas forcément prenant ...). Et bien alors, y' a quoi dans ce livre, me direz vous ????
Il y a encore beaucoup de choses, des personnages attachants, une histoire de famille, des vies qui se croisent, qui se cherchent. Il y a des moments de tristesse, des moments de joie et ces autres moments qui restent à jamais gravés dans notre tête et qui n'ont d'intérêt que pour ceux qui les ont vécus (je pense au chevalier sans tête par exemple).
Voilà ce qu'il me plaît, c'est que ce livre n'est "que" le reflet de vies, pas forcément bien rangés ou logiques. Et ces moments de vies sont sans prétention et pourtant je trouve qu'ils sont très bien rendus avec cette narration un peu poétique d'Atwood. Le fiasco du labrador m'a particulièrement touchée : ce jeu parallèle entre l'histoire du livre et l'histoire réelle est un délice !
Ce livre, au début, je dois avouer, n'était pas dans mes priorités (le titre ne me plaisait pas, sans parler de la couverture, ce livre ne faisait pas l'unanimité des CLiens), mais faisant partie de la sélection 2012 CL, ce livre "devait" être lu ... Et c'est avec un grand regret que j'ai tourné la dernière page.
A vous de vous faire une idée !!! Bonne lecture !

Mandarine - - 52 ans - 23 février 2012


Sans étincelles 6 étoiles

La première nouvelle fait preuve d’imagination alors que le personnage principal s’évade de la réalité ennuyeuse en s’imaginant au temps des romains. Par la suite, la série de courts textes retombe dans la banalité.

Bien que la collection semble décousue, Nell serait le fil conducteur de toutes ces histoires. Une sorte d’archétype pour présenter les différents rôles de la femme. Mais cela n’est pas clair et certainement mal véhiculé par l’auteur. De même, le ton apocalyptique se prête mal à ces chroniques souvent ternes. Il n’y a pas de meurtres ni de violence psychologique ou physique alors la gravité de l’ambiance devient totalement décalée.

Le titre original « désordre moral » représente mieux le livre sans être tout à fait exact. Atwood a un talent certain, d’ailleurs de nombreux tableaux sont intéressants. L’ensemble toutefois ne tient pas la route.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 29 janvier 2012


Décousu 3 étoiles

Pas une grande adepte de recueils de nouvelles, c'est E.E Schmitt qui m'avait montré l'intérêt et la qualité d'un genre littéraire que je « fréquentais » peu.
J'ai donc pris ce roman comme tel (noté d'ailleurs sur la page de garde); en me disant que si la première n'était pas passionnante, d'autres me séduiraient davantage.
Mais, contrairement aux apparences, ce n'était pas des nouvelles que j'étais en train de lire mais des chapitres de vie – autobiographiques selon la quatrième de couverture-.
La personne âgée du premier chapitre est donc la même personne que l'on retrouve chargée de famille auprès d'une mère supportant mal sa grossesse ou d'un bébé caractériel.
Nous allons donc reconstituer sa vie en ayant, presque à chaque chapitre, l'impression de commencer une autre histoire.
A relever quelques expressions savoureuses «  l'épinosité et la sangsunesse du mariage » ou « les jeunes épouses en mode Echap » qui permettent d'apprécier le travail de la traductrice.

Troisième roman de cette auteure (Le tueur aveugle en 2003, Le dernier homme en 2006) dont je n'avais et n'ai toujours pas de souvenirs de lecture, je pense que celui-ci rejoindra les deux autres dans la case « livres que j'ai oubliés ».

Marvic - Normandie - 66 ans - 18 janvier 2012


Désordre moral 7 étoiles

Même si les dernières nouvelles de ce recueil ne semblent pas se rattacher directement à celles qui précèdent, cette série de textes, présentée comme une collection de tableaux vivants, évoque bien des tranches d’une vie qui serait peut-être celle de l’auteur ou du moins celle que l’auteur aurait pu avoir. Des tableaux qui découvriraient peu à peu l’existence d’une fille coincée entre une mère qui aurait vieilli trop vite et une sœur qui serait née trop tard, avant de se réfugier dans le fond de la cambrousse, sous le regard goguenard des péquenauds du coin, à jouer les apprenties fermières avec le mari de sa meilleure amie qui aurait préféré la suivre plutôt que de vivre avec son épouse, avant de s’achever dans l’évocation de la vieillesse et de la mort.

La vie d’une femme de la deuxième moitié du vingtième siècle qui pourrait être considérée comme une allégorie de la population canadienne possédant encore quelques uns des gènes des pionniers qui ont construit le pays, mais qui sombrerait doucement dans une certaine forme de décadence évoquant la langueur et le renoncement qui prévalaient dans les mouvements hippie des années soixante-dix.

Un recueil de nouvelles qui prendrait la forme d’un roman sous l’œil perçant de Margaret Atwood qui a le don de l’observation des gens, de leur environnement, de leurs sentiments, de leurs émotions et de leur comportement dans une société délétère où les familles se défont, se recomposent, mal, où les mœurs se dégradent, oubliant les vertus des pionniers mais banalisant certaines déviances comme l’usage de la drogue. Un recueil qui décortique tous les passages importants d’une vie : l’enfance, l’adolescence et le passage à l’âge adulte, les premiers émois de la chair, la formation et la décomposition des ménages, l’entrée dans la dépendance et la fin de la vie. Un regard qui embrasserait l’ensemble d’une existence et des rites de transition entre les différents âges dans une société décadente qui aurait oublié ses valeurs et ses fondements. Un peuple de pionniers à l’arrêt qui se ramollirait progressivement et inéluctablement.

Un projet ambitieux qui m’a vite intéressé et qui m’a même, à un certain moment, emballé mais, hélas, le rythme a rapidement baissé, le texte s’est essoufflé, et ma lecture est, elle, devenue plus laborieuse, moins passionnée, même si le style de l’auteur et la judicieuse construction du recueil ne sont nullement en cause. C’est simplement le projet littéraire que j’avais cru deviner au départ qui s’est évanoui peu à peu, avant même la moitié du livre, pour disparaître totalement, ou presque, dans les dernières nouvelles. Mais c’est peut-être moi qui me suis égaré au milieu de ses textes, dommage j’aimais bien l’idée que j’avais forgée au début de cette lecture.

Débézed - Besançon - 77 ans - 27 décembre 2011