Derrière la colline
de Xavier Hanotte

critiqué par Persée, le 10 janvier 2002
(La Louvière - 73 ans)


La note:  étoiles
La part des anges
A les voir au garde-à-vous sous leur linceul de silence, on pourrait croire que les cimetières militaires rendent toute parole vaine. Alignées comme à la parade, les croix blanches substituent leur ordonnancement dérisoire à ce chaos de boue et de sang qui les fit surgir.
Au lendemain des guerres, il se trouve des écrivains pour rendre la parole à ceux qui se sont tus ou n'ont plus le cœur de la prendre. Puis le silence reprend ses droits. Jusqu'à ce qu'un jeune homme s'émeuve, après quelques générations, pour une guerre oubliée.
Il s'appelle Xavier Hanotte et se donne le pouvoir de ressusciter les morts. Ceux de Quatorze. Il leur rend le sang aux joues, la peur au ventre. Et on y est, lecteur ! Projetés dans le réseau des tranchées, rongés par la panique et les puces, frôlés par les obus et les rats, offerts à la succion de la boue et des mouches.
On identifie d'un coup les grattements, les vrombissements. Un sourire, une attitude, une lueur, un cri vous griffent d'un seul trait de plume. On entre dans une nuit d'enfer… Et on y reste, lecteur ! On y reste ! Alors que tout nous pousse à oublier cette boucherie imbécile, à déserter ces pages incandescentes. On s'attache à des hommes dont le coeur bat et les mains tremblent.
Des hommes dont certains s'adonnent à la poésie, figurez-vous ! A-t-on idée, pendu aux crocs glacés d'un gigantesque abattoir, pris dans les engrenages de cette machinerie infernale qui accoucha du XXème siècle, a-t-on idée, je vous le demande, de taquiner la muse ? Pourquoi diantre ? Pour opposer à la barbarie un battement d'ailes blanches ?
Pour jouer les anges de Mons ?
Rien qu'avec des mots, Xavier Hanotte nous mitraille des pages qui valent les vingt premières minutes du "Soldat Ryan". Rien qu'avec des mots, vous vous rendez compte ? Il nous attire ensuite dans le no man's land qui sépare la vie de la mort, où le temps s'abolit. Near Death Experience. Un ralenti dantesque avec échos étouffés.
Le héros, pas plus héroïque que soixante mille autres et pourtant contraint d'opposer une sorte de folle bravoure à un état-major qui lui dénie sa dignité d'homme, sortira-t-il de ce coma tentateur ? Perdra-t-il la vie ou simplement son nom ? Y a-t-il une vie après la mort des illusions ? Quel nom porter quand on a cessé d'être soi-même ? Comment payer sa dette à celui qui vous sauve au prix de sa propre vie ?
Ce livre porte en lui la fulgurance, la magie, le cri, la révolte et cette mélodie céleste qui font des grands romans une victoire sur l'indicible. Il nomme ce qui n'a pas de nom. Tout a déjà été dit ? Faux. Tout reste à dire, toujours. Les mots pour le dire sont là : il n'y a qu'à choisir. Mais ce "nyaka" exige du talent. De ce talent qu'on voudrait racheter à un auteur qui en a, comme on dit, à revendre.
Et on en reste le souffle coupé, lecteur ! Avec ce bonheur rare et déjà nostalgique de refermer lentement, respectueusement, un pur chef-d'oeuvre. Quatre étoiles, oui, mais en * !
LA BATAILLE DE LA SOMME VU DU COTE ANGLAIS 9 étoiles

« Derrière la colline » est un roman de Xavier Hanotte, écrit en 2000, et réédité fort à propos par les éditions Belfond. Cette réédition s’inscrit dans l’ensemble des commémorations du centenaire de la première guerre mondiale.
Nigel Parsons et William Salter, les deux principaux personnages de ce roman, vont être engagés en cette année 1916 dans les opérations de la bataille de la Somme, événements des plus meurtriers de cette guerre. Pour Nigel Parsons, le rapport au père, et plus exactement le besoin de voir l’estime de ce dernier confirmée, le conduit à s’engager, tout autant que l’échec de sa relation avec Béatrice, femme à l’égard de laquelle ses sentiments se sont taris. Au cours de sa phase de préparation, pendant laquelle il rencontre William Salter, jardinier de son état, Nigel Parsons éprouve le besoin de lire les vers d’un poète Nicholas Parry, pour se délecter des descriptions de la nature contenues dans les vers de ce poète. Pourtant, c’est sur la nature des sentiments de ses frères d’armes que s’interroge Nigel Parsons : « Ils ont signé, ils ont choisi. Mais en fin de compte, le but leur importe peu. Même allongée d’alcool, ils ont la foi. Et surtout l’élan. Cela seul compte. »
Les circonstances de la guerre sont bien sûr évoquées avec une grande justesse. L’auteur pointe avec une grande pertinence la fragilité des vies exposées au combat, l’absurdité de la guerre, l’absence de justification convaincante à ces tueries à grande échelle :
« Nous autres Britanniques étions là parce que nous l’avions voulu, point. Les justifications abondaient, certes. Mais confrontées à la sordide réalité des tranchées, toutes se mettaient vite à sonner creux, souffraient soudain de leur cruel manque de chair. (…. ) Nous étions devenus la chair de cette guerre. »
D’autres aspects de la guerre sont évoqués, parmi lesquels la vision des Britanniques engagés sur le sol de France et dont on découvre au passage l’importance du sacrifice humain consenti par les ressortissants de ce pays. Pourtant, Nigel Parsons, blessé au combat ne voit pas de grandeur, ni l’occasion d’une quelconque élévation morale : « Je redeviendrais ce que j’avais toujours été, un intellectuel frileux, incapable de se dépasser parce qu’incapable de croire en lui. Un être inutile dont personne ne voulait. »
Roman à découvrir en raison de son écriture, admirablement maîtrisée, et des thématiques abordées, s’ajoutant ainsi à la littérature de cette guerre avec une touche très personnelle à l’auteur Xavier Hanotte, excellent écrivain.

TRIEB - BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans - 23 février 2014


Récit poétique de la grande guerre 7 étoiles

William, jardinier anglais amateur de poésie, est revenu en France après la guerre de 14-18 et y entretient les tombes. Les anniversaires qui l’amènent à parcourir les cimetières pour rendre hommage à ses camarades se font sous l’œil inquiet de sa femme. Entre les passages « contemporains » qui se situent en 1948, l’auteur nous donne à lire le récit de Nigel qui a publié des poèmes sous un pseudonyme et qui s’est engagé plus pour fuir une déception amoureuse que par conviction, et comme soldat et non comme officier, ce que son éducation lui aurait permis.

Toujours sous-jacente et pleine de retenue, on voit s’amorcer une amitié entre 2 hommes de condition différente mais unis par leur intérêt commun pour la poésie et la beauté. La guerre avec sa solidarité, les notions d’honneur et de courage, d’héroïsme, mais aussi l’application absurde de procédures car applicables à d’autres circonstances et inappropriées à la situation présente est montrée comme une somme de faits humains, quotidiens, sans emphase ni dénonciation particulière.

Le style, fluide et imagé avec des associations parfois surprenantes, donne une heureuse impression de légèreté. A certains indices dans le récit on suspecte un peu la fin mais pas sa touche finale optimiste qui libère le narrateur.

IF-0114-4148

Isad - - - ans - 2 février 2014


Avis mitigé 5 étoiles

Mon avis à propos de "Derrière la colline" est mitigé, j'ai choisi cette publication car elle était la plus intéressante entre toutes. Le titre m'a fait penser à une histoire de guerre, par contre ce roman était plus un écrit d'amitié qu'un livre historique. J'ai aimé le message moral : par exemple le fait que Nigel Parsons refuse d'être officier seulement parce qu'il ne veut pas donner d'ordre à son ami William.

Cependant, cet ouvrage était beaucoup trop détaillé et devenait moins intéressant car je m'endormais à cause du manque d'intrigue. Le narrateur racontait sa vie quotidienne.

De plus, on se perd dans ce roman car en plein milieu de l'histoire, le narrateur change et l'écriture aussi, comme si c'était une lettre, puis l'histoire continue.
Aucun fil conducteur ne figure dans ce livre. D'ailleurs les chapitres ne comportaient pas de titres.

En conclusion, j'ai aimé cette oeuvre pour son message mais pas pour l'intrigue.

Tutul - - 26 ans - 18 novembre 2013


Impossible n’est pas français 8 étoiles

Ah, le plaisir de pousser un fier cocorico ! Car il est belge, l’auteur de ce livre poignant. Persée en a fait une superbe critique (où es-tu, Persée, ton style nous manque…) et je ne rappellerai donc pas la trame de ce roman.

Lorsqu’une personne bien intentionnée me l’a offert, je me suis dit que j’allais le lire pour lui faire plaisir, le sujet ne m’attirant pas du tout. Pensez, la guerre 14, j’en suis à cent mille lieues ! Et bien non. Tout à coup, j’y étais. Surprise, je me suis complètement laissé prendre par le récit de la bataille, moi qui croyais que ce sujet était réservé aux hommes et que j’y serais à jamais imperméable. Tout à coup, je la ressentais, je la respirais.

On ne peut que sortir révolté de ce récit de la bataille de la Somme où les hommes sont littéralement envoyés au casse-pipe. Quand c’est leur tour, après avoir vu les lignes précédentes se faire tirer comme des lapins, ils se lèvent et marchent, en sachant pertinemment que leur sort ne sera pas différent. « On ne mourait pas ainsi, avec tant de facilité. C’était impossible. » Et pourtant si…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 10 mai 2006


Chair de guerre 9 étoiles

Derrière la colline, j’y suis allée. Et de derrière la colline je suis revenue. Quoique pas tout à fait encore. Les émotions sont toujours là, triturantes, obsédantes. Elles empêchent les mots de trouver leur voie sans trébucher. Xavier Hanotte a redonné parole à des vies silencieuses. Il a mis poésie, délicatesse et pudeur au service de morts délaissées. Des hommes resurgissent et non ce qu’il reste d'eux aujourd'hui : de simples noms sur un monument, une tombe discrète à des centaines de kilomètres de chez eux, un souvenir qui s’estompe ou probablement déjà disparu.
Nigel Parsons, le poète, amoureux abandonné, désespéré, qui quitte son pays et cette Jeune Fille pour trouver la Mort, liées toutes deux comme dans cet air de Schubert. Et son ami William Salter, le jardinier, patient et attentif. Deux hommes, une amitié dans l'atrocité. Comme dit Persée dans sa critique si juste, pour parler avec respect de cette guerre et de tous ces hommes qu'elle a avalé, il fallait du talent et Xavier Hanotte en a. Vraiment. C’est l’amour des mots, l’amour de l'histoire, de la poésie. Les émotions, elles débordent, le lecteur en fait les frais.
Je n’oublierai pas « Derrière la colline » de sitôt. Difficile de fermer un roman quand les yeux brillent.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 8 mars 2003


En poche enfin !!!!! 10 étoiles

"Derrière la colline" est enfin en "poche", ce qui en rend le prix abordable et permettra à plus de lecteurs de découvrir Xavier Hanotte. Je ne peux que confirmer ce qu'en dit Féline, Xavier est une personne d'une grande gentillesse et disponibilité. Son 4ème roman paraîtra dans quelques semaines...il sera "très différent" m'a-t-il dit ! Mais certainement très bon, soyons en sûr !

Patman - Paris - 62 ans - 27 août 2002


Un écrivain qui vaut le détour 9 étoiles

La lecture des critiques consacrées aux romans de Xavier Hanotte m'ont littéralement ravie. Je suis en effet une grande fan de cet auteur, à qui j'ai d'ailleurs consacré mon mémoire de fin d'études.

Derrière la Colline constitue la suite logique aux deux premiers. Xavier Hanotte est passionné par l'histoire de la première guerre mondiale et celle-ci prend de plus en plus d'importance au fil de ses écrits. Il reconnaît d'ailleurs avoir écrit ce roman avec l'impression d'avoir réellement vécu cette époque. Le poète Wilfred Owen, lui aussi, prend davantage d'importance. Il faut dire que le romancier lui voue une grande admiration, et que comme son personnage de l'inspecteur Barthelémy Dussert, il traduit ses poèmes en français. (Eh oui, pour ceux qui l'ignorent, Wilfred Owen n'est pas un personnage de fiction).

La ressemblance entre Xavier Hanotte et ses deux personnages principaux ( B. Dussert pour Manière Noire et De Secrètes Injustices et Nigel Parsons pour Derrière la Colline) est flagrante à de nombreux points de vue : caractère, histoire d'amour malheureuse pour les principales.

Ce roman n'est pas mon préféré parmi les trois publiés à ce jour mais il m'a permis de m'intéresser à un sujet qui d'ordinaire ne m'attire pas et que je connais peu : la grande guerre. J'ai particulièrement été impressionnée par les scènes se déroulant dans le no man's land. Très réalistes, elles donnent une impression de vécu par l'auteur et surtout Xavier Hanotte réussit, par son écriture et son talent, à nous faire vivre cet épisode. Peu d'auteur m'ont à ce point fait vibrer.

Je voudrais encore souligner que j'ai rencontré Xavier Hanotte au cours de mes recherches le concernant et que en plus d'être un excellent écrivain, c'est un homme formidable,
débordant de gentillesse et d'un abord très accessible avec ses lecteurs. Je vous conseille vivement de le rencontrer (il participe à de nombreuses rencontres littéraires à Bruxelles) et de lui faire part du bonheur que vous avez éprouvé à sa lecture. Il en sera très touché.

Féline - Binche - 46 ans - 7 juillet 2002


Que d'honneurs !!!! 10 étoiles

Me voici donc promu au titre de "Grand Spécialiste des lettres belges" !!! C'est me faire trop d'honneur. Amateur éclairé me paraît plus approprié, je fréquente trop de vrais spécialistes et j'avoue que je suis loin d'en connaître autant qu'eux. Il est vrai que je lis beaucoup d'auteurs belges et que je suis toujours prêt à les défendre bec et ongles! Alleï alleï, te faut une fois défendre ta tof littérature.

Patman - Paris - 62 ans - 1 février 2002


Superbe critique de Patman ! 8 étoiles

Elle me donne vraiment envie de lire ce livre, ce que je vais faire ! Avec Persée, Leura et lui nous avons là trois grands spécialistes des lettres belges !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 26 janvier 2002


Making plans for Nigel 10 étoiles

Qui est réellement William Salter ? Un simple jardinier, chargé d'entretenir les cimetières militaires britanniques dans le Nord de la France ? Peut-être. Ne cache-t-il pas un lourd secret ? Peut-être bien aussi. Pour le savoir, jetez-vous sans attendre dans ce merveilleux roman de Xavier Hanotte. Il nous conte une superbe histoire d'amitié entre deux hommes que tout sépare à priori : Nigel Parsons, alias le poète Nicholas Parry, professeur de français, petit bourgeois brisé par un chagrin d’amour et William Salter, simple jardinier, homme simple et sans histoires. Leur seul point commun, ils sont originaires de la même petite ville de Salford dans le Lancashire. Ils se rencontrent à Holland Park, à Londres, un soir d'août 1914, ils ne se quitteront plus jusqu’au matin du 1er juillet 1916, jour de la Grande Offensive anglaise dans la Somme (60.000 morts en quelques heures, une des plus grandes boucheries de la première guerre mondiale). Mais se sont-ils vraiment quitté ce sinistre matin ? Un livre prodigieux, plein de poésie et d’humanité, de ceux que l’on ne peut poser tant que l’on n'est pas arrivé au bout (je l’ai lu d’une traite !). Merveilleusement documenté également, ce qui n’est pas négligeable. Notre littérature regorge de récits sur la guerre de 14, mais ils sont généralement Français ou Allemands, peu de récits Anglais ont été traduits, et l'on connaît dès lors mieux la bataille de la Marne que celle de Mons, Verdun qu’Arras, ou le Chemin-des-Dames qu'Ypres.

Ceux qui ont déjà lu Xavier Hanotte retrouveront ici en filigrane le commissaire Barthélémy Dussert, personnage central de ses deux premiers romans. Un clin d'œil aux lecteurs de celui qui en quelques années et trois romans, s'est imposé comme l’un des plus grands auteurs de la littérature belge.

Patman - Paris - 62 ans - 25 janvier 2002


Making plans for Nigel 10 étoiles

Voilà Persée qui me souffle la critique de ce fabuleux bouquin de Xavier Hanotte! J'étais pourtant avant lui sur la liste d'attente des critiques à venir?C'est la deuxième fois que ça m'arrive...je suis damné! Je vous la fourguerai donc en critique éclair! Sachez déjà que pour moi, c'est *****

Patman - Paris - 62 ans - 11 janvier 2002