La Vie et rien d'autre - Mémoires
de J. G. Ballard

critiqué par B1p, le 16 décembre 2009
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Etrange étranger
Pas sûr que cette autobio puisse passionner les lecteurs qui ne connaissent pas James Graham Ballard.
Dommage, parce que ce type gagne à être connu vu son parcours, pour le moins atypique.
Il grandit à Shanghaï, dans le quartier des expatriés. L’aisance familiale ne l’empêche pas de côtoyer la misère et la mort : en marge de l’opulence, les Chinois crèvent à même le trottoir dans l’indifférence générale.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Japonais l’internent dans un camp avec sa famille. Ce n’est certes pas la joie, mais il n’y a pas de drame. Livré à lui-même plus que tout adolescent qui grandirait dans des conditions normales, il est témoin de la mesquinerie humaine lorsque tout un chacun lutte pour survivre un peu mieux que son prochain. Et toujours les Chinois qui meurent dans les mêmes conditions que les animaux, ici suppliciés par l’envahisseur nippon.
Puis, le retour en Angleterre, et cette impression d’être un étranger. A Shanghaï, il était anglais. Il était donc normal qu’il se sente différent. Le retour au pays ne dissipera pas cette impression : bien qu’essayant de se fondre dans la société, il aura toujours sur elle ce regard d’entomologiste, mi-agacé mi-amusé par les mœurs de son prochain, toujours un peu autre, jamais tout à fait intégré bien que physiquement similaire à tout Anglais de la classe moyenne.
Schizophrénie qui ne le quittera jamais vraiment sauf peut-être dans les dernières années lorsque Martin Amis ou Will Self, deux écrivains qui ont violenté avec succès les normes britanniques, le reconnaissent comme figure emblématique, historique, de la Littérature telle qu’elle doit se décliner au futur.
En effet, il a écrit « Crash ! », alors qu’il est entouré de ses enfants et qu’il s’occupe d’eux avec amour puisque sa femme est décédée. Ca ne l’empêche pas de compiler dans son texte toute la malsanité du monde moderne, le mariage de l’orgasme et de la mort.
Dualité. Schizophrénie. Malaise.
Comble de l’obscénité, il organise une exposition de bolides accidentés de la route. Dans la galerie, la ferraille a tôt fait d’attendrir la chair.
Son « pays » mettra « Crash ! » (son plus célèbre roman avec « L’Empire du Soleil ») à l’index, et ce sera en France qu’il trouvera la reconnaissance avant d’y accéder dans son pays. Le fait que Spielberg ou Cronenberg aient adapté ses histoires y étant peut-être pour quelque chose…
Dans les dernières pages, brève évocation de son cancer, maladie qui l’a récemment emporté.
Longue vie à son Œuvre…
Sang, sperme, et vinyle 8 étoiles

J.G. BALLARD, le grand écrivain visionnaire d'anticipation, nous propose un point de vue original et une conclusion sur sa vie plutôt bien remplie ; c'est assez construit et il faut bien avouer que le vieil anglais possède plus de noblesse que ces marchands de jeans actuels qui vendent tant de « bestsellers » aujourd'hui...

Bien sûr tout n'est pas accessible à qui ne connaît pas sa carrière (et je ne vais pas égrener ici comme beaucoup ses summums pour laisser chacun le découvrir) et je dirais que, même si ce pubart old-fashioned échappe à la perception de beaucoup de nous autres franchouillards bas-de-gamme, la plupart de ses commentaires sont fabuleusement intéressants même si cela est souvent totalement dénué de ce matérialisme hideux digne de ces besogneux et premiers de la classe qui nous gouvernent.

J.G. BALLARD a lui une vision pour l'humanité qui s'est avéré hélas vraie en plus d'un refus obtus de tout sentimentalisme et d'arrangements avec la réalité (on voit ça aisément dans « I.G.H »), et enfin il semble avoir vécu lui-même ces catastrophes dont il nous cause : et notamment son internement pendant la guerre. Et puis ses multiples alertes à propos de ces élites dirigeantes et dégénérées se sont inexorablement révélées certaines, non ?

Je suis sûr que ce gauchiste archaïque d'un autre temps saura tous vous séduire sous ce soleil de plomb lors d'uns de vos trivials examens quotidien. Donc, lisez-le.

J'ai été moins enthousiaste à propos de ce passage où il tente de nous convaincre du talent de Spielberg, mais gageons que cela devait faire partie du plan de son dernier combat en face à face – avec la pieuvre !...

Antihuman - Paris - 41 ans - 8 avril 2019


Imagination et amour 8 étoiles

J'avais repéré cet ouvrage parce qu'il était présenté comme l'autobiographie d'un auteur de science-fiction qui avait dû élever seul ses trois enfants, suite à la perte de son épouse.

J'étais sensible à la situation personnelle de cet auteur, que je trouvais touchante, sans rien connaître de son oeuvre que les commentaires qui ont entouré l'arrivée du film controversé Crash ! de David Cronenberg.

J'en sors surpris. Surpris de l'imagination de cet auteur, de sa faculté de penser librement, de son scepticisme quant à la nature de l'homme. J'y ai découvert un regard sur la littérature et sur l'art que je ne connaissais pas.

Evidemment, l'histoire personnelle de l'auteur est intéressante et instructive, mais les commentaires relatifs à l'évolution culturelle et artistique de la Grande-Bretagne le sont au moins tout autant.

Fa - La Louvière - 49 ans - 20 septembre 2010