Moderato cantabile
de Marguerite Duras

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 2 janvier 2002
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Moderato, certes, mais ton chant nous emporte tout de même
Il faudra avant tout m’excuser pour cette critique maladroite qui ne pourra jamais, vous le comprendrez, que refléter vaguement la beauté de cet ouvrage…
Qu'en dire qui ne le réduise pas ?
Anne Desbaresdes est une jeune femme mariée, riche, désœuvrée, dont l’unique centre d’intérêt semble être son fils.
Elle l’accompagne chaque semaine chez son professeur de piano qui tente désespérément d'imposer gammes et autres notions théoriques à l'enfant.
Lors d'une de ces séances de torture, tous trois perçoivent un tumulte qui vient d'un café proche.
Une jeune femme vient de s'y faire assassiner par son amant.
Anne Desbaresdes se rendra dans ce bar, jour après jour, inexplicablement attirée par ce drame.
Elle y rencontrera Chauvin, ils boiront beaucoup de vin ensemble et reviendront encore et encore sur le meurtre.
Voilà ce qui s’appelle être réducteur.
Je vous raconte l'histoire du livre, mais finalement, je ne vous dis rien du livre.
On pourrait avancer qu'il est simple, ou complexe, que son propos est commun, ou original, que l'écriture en est liée, ou rythmée, que de la chute naît l’espérance, ou la fatalité.
Justement, le livre se joue dans cette tension : une folle simplicité qui transcende les apparences.
Alors lisez-le, vous serez surpris de la clarté des non-dits.
A plus que conseiller ! 9 étoiles

Anne Desbaresdes a assisté par hasard à un crime passionnel dans un café du port, pendant que son petit garçon prenait sa leçon de piano donnée par mademoiselle Giraud, professeur sévère, froide, cinglante. Madame Desbaresdes ira à plusieurs reprises dans ce café et elle y interroge un homme, M. Chauvin, qu’elle retrouve chaque fois.
Un court roman – à peine cent pages- , mais comme le disait un critique « ce récit à des prolongements de roman-fleuve ». Ou encore « ce récit nous rend sensibles notre propre solitude et notre inanité. »
A plus que conseiller !

Extraits :

- ( madame Desbaresdes s’adressant à son fils)
Ma petite honte, mon trésor, dit-elle tout bas.

- C’est curieux, les enfants finiraient par vous faire devenir méchants.

- Ils n’ont pas demandé à vivre, dit la mère, et voilà qu’on leur apprend le piano en plus, que voulez-vous.

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En bonus :
- La lecture du début du roman :
https://www.youtube.com/watch?v=qzzdKndUaLo

- A propos du film qui en été tourné, avec, en interview , Marguerite Duras, Jeanne Moreau :
http://www.ina.fr/video/CAF89038978

Catinus - Liège - 73 ans - 21 juillet 2017


Modéré et chantant. En effet. 10 étoiles

Dans ce roman d'une fluidité implacable, tout semble voilé. Je m'explique de suite. Tout a l'air si simple, si paisible, si commun, telle cette délicieuse sonatine qui émane du piano caressé par les mains de l'enfant. Tout n'a l'air qu'apparence, que simple mélodie à laquelle on prête à peine l'oreille, mais que nenni !
Cette conversation double sur, d'une part, un meurtre et, d'une autre part, la vie quotidienne et casanière d'une femme. Cette conversation là, faite autour d'un verre de vin en plein après-midi qui dure des heures entières, qui s'éternise jusqu'au coucher du soleil. Ce dialogue incessant et pourtant si bref qui s'intensifie encore et toujours jusqu'au violent apogée final.
C'est cette profondeur qui se cache derrière les mots courants que Duras fait à merveille passer, nous poussant à aller au-delà des premières impressions, nous emportant dans un monde copié-collé du nôtre et pourtant si... captivant.

J'ai lu ce roman d'une traite tant ces conversations qui semblent fortement lancinantes m'ont absorbée. Cette lenteur, cette atmosphère qui stagne et qui, sans qu'on le sache, évolue... C'est purement prodigieux.
On dirait que le temps s'arrête pour ces deux protagonistes qui parlent ou bien se regardent, tandis que le bar vit sa vie, tandis que les clients habituels viennent y fureter. C'est impressionnant à quel point cet ouvrage a altéré ma vision du temps, des paroles, de la musique. Un rien peut tout dire.
Des mots, une description, une analyse, des mots qui se répètent, s'enchaînent et se trémoussent dans un bistrot de quartier avant de lancer le paroxysme final qui arrivera... finalement... modéré et chantant.

R. Knight - - 29 ans - 18 mai 2012


Intéressant à analyser 4 étoiles

J'ai dû lire, comme Cyprien, ce roman pour mes études. J'avoue qu'il n'était pas difficile à lire/à comprendre et que c'était un roman simple et plutôt court.
Duras arrive parfaitement à traduire le mal être de son personnage principal. Bien qu'il soit très intéressant à analyser, je n'ai pas trouvé ce roman spectaculaire.

Pitchou - Morges - Suisse - 35 ans - 12 août 2010


Les mots sonnent comme des notes de musique 9 étoiles

Un livre à l'apparence modéré, il est vrai. Le simple récit d'une rencontre, d'un baiser. Je dois avouer avoir dû me documenter pour saisir le véritable sens de ce roman ainsi que les subtilités de l'écrivain. Cependant, je puis aujourd'hui dire qu'il s'agit d'un merveilleux texte, tout en finesse et en retenue; l'étrange, banale et à la fois extraordinaire rencontre d'un homme et d'une femme. Marguerite Duras aura su écrire à l'instar de la musique "moderato cantabile", ces mots sonnent comme des notes de musique. Un livre à dévorer!

Ninnog22 - - 30 ans - 16 juin 2010


l'étouffement jusqu'à la nausée 8 étoiles

"Ce qui me semble dominer dans ce livre net et précis, c'est précisément l'émotion, la sensibilité, le murmure savamment réprimé d'une plainte vraiment belle et tout à fait déchirante." C'est ce qu'écrit Claude Roy en 1958, à la parution de "Moderato cantabile".

Tout est dans ces silences, ces non-dits, ce bouillonnement silencieux des sentiments et l'odeur des magnolias jusqu'à l'écœurement.

Ici la pensée ne nous est pas livrée clef en main, pas de jugement, pas de morale, à nous de faire une partie du chemin.

A la fluidité des descriptions s'oppose le rythme sec et saccadé des dialogues.
A la banalité des cours de piano, d'un quotidien minuté s'oppose un cri de femme.
La scène du repas, rigide, codifiée, héritage des générations ne rend que plus prégnante la sensation d'étouffement, ne rend que plus déchirant le cri sourd d'Anne Desbarèdes.
A aucun moment, d'ailleurs, elle ne quitte son nom d'épouse, à aucun moment ou presque elle ne se départit de ce qui la qualifie.
Et l'odeur des magnolias jusqu'à l'écœurement.

Un très beau livre, qui laisse un telle part au lecteur qu'on ne peut que se l'approprier, faire siennes les douleurs, les tempêtes de cette femme en recherche d'absolu.
Marguerite Duras avec maestria nous offre une brève mais entêtante bouffée d'émotion.

Cafeine - - 50 ans - 23 juin 2008


Ce petit livre bleu était dans la bibliothèque familiale... 9 étoiles

Je me rappelle l'avoir feuilleté en une demi-journée, j'avais peut-être 12 ans et je croyais détenir le secret d'une écriture belle, profonde et simple... Votre article me fait l'effet de la sonate de Vinteuil.. Simplement merci.

Commelejour - - 52 ans - 30 décembre 2007


De l'émotion dans la retenue 10 étoiles

J'avais déjà lu ce court roman pendant mes années universitaires. Il m'avait troublé à l'époque, comme tous les romans de Marguerite Duras que j'ai pu lire depuis : des personnages fragiles, sensibles et passionnés, ballottés par une vie qu'ils n'ont pas toujours choisie, avides de rencontres libératrices qui surviennent finalement dans des moments inattendus, voire désespérés. Une deuxième lecture a réveillé chez moi des émotions différentes car aujourd'hui je suis mère et je pourrais avoir l'âge de cette héroïne perdue dans sa vie. Cette histoire qui me paraissait lointaine se rapproche tout à coup de moi. Mais la comparaison s'arrête là, car il est difficile de comprendre les motivations de cette femme se rendant chaque jour dans ce café et qui semble subir sa vie, comme les faits et gestes de son petit garçon. Symboliquement, il semble que ce premier meurtre, dont le cri a envahi la ville, a ouvert un gouffre dans les rues tranquilles de cette bourgade de province, maritime, un appel d'air de passion et de folie dans lequel deux êtres, ce Monsieur Chauvin et Anne Desbaresdes, déjà fragilisés, l'un par le chômage et l'autre par une sorte de baby blues jamais soigné, vont s'engouffrer et se perdre. Et puis il y a le style de Marguerite Duras, cette impression de ne pas y toucher, fausse, et qui remue toujours en profondeur !

AntigoneCH - La Roche sur Yon - 52 ans - 14 décembre 2007


Moderato c'est le mot! 5 étoiles

Ce livre est d'une grande simplicité, l'histoire d'une femme qui n'a pas grand chose d'intéressant dans sa vie mis à part son fils et un fameux meurtre....Bien sûr dans cette simplicité il faut chercher un sens dans tout ça, mais peut-être marguerite Duras a-t-elle poussé le bouchon un peu loin dans la simplicité. Parfois je me suis même demandé si je n'avais pas sauté des passages importants.. et non rien d'important dans ce livre

Soleada - - 35 ans - 23 juin 2007


Faut-il se l'infliger 1 étoiles

Je manque, me dira-t-on d'objectivité pour la critique de ce roman que j'ai du lire pour mes études. Mais l'aurais-je lu sans cela ? Probablement non et ce m'eut été d'un grand soulagement. Dans ce livre qu'y a-t-il ? Rien, simplement et totalement rien. Une femme et un homme s'interrogent sur le pourquoi d'un meurtre et, ne trouvant rien, inventent des explications. Sans doute n'ai-je pas compris le sens profond et caché de ce livre, mais je me demande réellement si il y avait quelque chose à chercher.
En définitive donc, un ineptie à éviter comme la peste.

Cyprien - Lausanne - 36 ans - 23 janvier 2006


Moderato cantabile 4 étoiles

Ce roman très court qui retrace l'histoire d'une femme esseulée qui se risque à chercher une dangeureuse compagnie masculine a un goût malsain.
Pas tant à propos de cette improbable rencontre de 2 mondes, étonnamment suave, mais dans la froideur de coeur et l'indifférence glacée de cette femme trop jeune envers son enfant ressenti comme une mauvais surprise qu'on lui aurait faite il y a 10 ans. Un personnage certainement romanesque mais affreux au nom de toutes les mamans.

Pampril - - 47 ans - 7 septembre 2005


Ton chant nous laisse sans voix 10 étoiles

Difficile, comme le dit Saint-Germain-des-Prés, de parler de "Moderato cantabile" sans être réducteur.C'est tout simplement sublime, rien d'autre à dire!

Palorel - - 44 ans - 13 janvier 2005


m'a-t-il échappé ? 7 étoiles

Ce livre m'a déroutée.
C'était la première fois que je lisais Marguerite Duras. J'ai aimé l'atmosphère : la lenteur, le vent, les odeurs, les vagues en bruit de fond ; le mystère, la menace sourde. Les scènes chez la professeur de piano, avec le petit qui s'entête et la mère qui s'attendrit, la femme qui perd patience, m'ont beaucoup marquée. Les regards échangés, les silences (entre les personnages mais aussi ceux de Duras elle-même), les questions, le manque de réponses, le fait de ne rien dire clairement, de suggérer seulement, et de telle façon qu'on n'est jamais vraiment sûr d'avoir vraiment compris - tout cela m'a plu.
Mais je n'arrive pas à savoir si j'ai compris ce livre ou si au contraire je suis passée à côté en m'arrêtant à l'interprétation la plus simpliste. J'hésite sur la façon dont il me faut considérer mon interprétation : juste ou réductrice ? Qu'est ce qui pousse Anne Desbaresde ? Qu'est ce qui pousse Chauvin ? Comédie ? Prétexte ? ou véritable descente en enfer ? fascination pour la mort, pour la destruction de soi comme de l'autre, amour, haine, tout ça à la fois ? Simple ennui ?
Je dois avouer que me trouver ainsi dans l'indécision la plus totale quant à ce que j'ai compris de ce livre me contrarie et m'incite davantage à rejeter ce livre qu'à l'adopter. J'aime les livres qui vont jusqu'au bout de leurs pensées, qui les développent, plus que ceux qui donnent à voir, qui présentent les faits, donnent des indices et laissent au lecteur le soin de comprendre. Ce n'est pas là un jugement qualitatif; mais le fait que dans le livre de Duras tout reste encore à dire m'a laissée sur ma faim.

Bérénice - Paris - 38 ans - 13 août 2004


Duras au cinéma 9 étoiles

Je n'ai pas encore lu ce roman de Marguerite Duras mais je me suis tout de même tournée vers le film, l'autre jour... Je n'ai pas pu déterminer si je l'avais réellement apprécié ou pas. Cette froideur, cette distance qui nous sépare des "événements" et des personnages. Mais pourtant j'y ai perçu cette promesse d'un roman riche, mouvant, juste translucide et pourtant éloquent. Sous ce détachement, il y a ce vent, tout ce vent... Et puis Jeanne Moreau qui semble tant imprégnée de cette Anne Desbaresdes curieuse, esseulée, dont la naïveté est en mutation, se transformant d'une certaine manière en une sorte d'impudeur discrète, mue par le désarroi et l'alcool... Moderato cantabile, certainement.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 13 avril 2003


Jeanne, la soeur. 9 étoiles

Si Madeleine Renaud était un peu la mère de Duras (comme elle le dit dans le docu diffusé par Arte l'autre soir), Jeanne Moreau fut certainement une soeur pour elle. Leur collaboration date effectivement (j'avais d'abord écrit: affectivement) de ce film de Peter Brook inspiré de son roman, présenté depuis des décennies dans certains livres scolaires bien connus comme modèle du roman contemporain.
Elle a ensuite joué dans Nathalie Granger, un des films de Duras (comme disait, on imagine, avec une pointe d'affection Desproges: "Duras n'a pas écrit que des conneries, elle en a filmé aussi"). J'ai appris qu'elle a aussi interprété avec Marguerite une chanson d'India Song. Elle fut la voix de L'Amant de JJ Annaud, film cependant désavoué - on la comprend - par Duras. Et pour boucler la boucle, elle fut l'incarnation de Duras dans Cet Amour-là de J.Dayan tiré du livre de son compagnon Yann Andréa.

Quant à Belmondo, qui aurait pu suivant les époques jouer un des frères de Duras, sur scène ou au cinéma, je ne sais pas s'il eut partie liée avec Duras ailleurs que dans ce film...

Kinbote - Jumet - 65 ans - 13 avril 2003


Le film est passé hier sur Arte !!! 7 étoiles

si j'ai lu ce livre à l'école comme pour Huis clos (voir ma critique sur ce livre, je me fais un peu de pub, c'est normal). J'ai été surpris d'apprendre que Arte diffuserait le film, sorti en 1960, avec Jeanne Moreau, dans le rôle d'Anne et surtout, le plus surprenant (quand on connait ses rôles futurs), Jean-Paul Belmondo dans le rôle de Chauvain. Le film diffère un peu du livre, mais dans l'ensemble c'est assez fidèle, surtout l'atmosphère, la lenteur.

Killeur.extreme - Genève - 42 ans - 11 avril 2003


Modéré et chantant 10 étoiles

Merci, Saint-Germain-des-Prés, d'attirer notre attention sur ce petit chef-d'oeuvre.
A chaque relecture, la magie musicale des phrases de Duras opère avec une force renouvelée - signe d'un grand livre : jamais sa puissance ne s'épuise. L'impression lancinante d'une idée qui chemine peu à peu dans la tête de cette femme affleure à la surface des mots, dans ces chapitres brefs et simplement chronologiques où rien, apparemment, ne vient briser la monotonie des jours. "Modéré", oui, le style de Duras l'est. D'une modération toute classique. Mais "chantant", oui, d'une musicalité profonde et pulsatile comme une blessure. Thème et variations. Infimes variations de la détresse, de l'émotion. Au-delà du chagrin, au-delà de l'amour. Au-delà, tout simplement, comme dans ce merveilleux chapitre du repas bourgeois au terme duquel Anne, ivre de ce gros rouge bu ailleurs, avec "l'autre", vomira la nourriture de sa classe, vomira cette existence étrangère que, ce soir encore, elle fut contrainte de vivre - si peu - tandis qu'aux grilles du domaine, tel un rôdeur, tel un voleur, un homme du peuple ne trouvera pour compagne que la violence de son désir.

Lucien - - 69 ans - 9 mai 2002


Un très beau livre 9 étoiles

Et la critique en est très bien faite. Ce n'est pas évident de faire la critique des livres de Duras. En effet beaucoup est dans l'écriture et ses non-dits. Le livre se comprend, je dirais plutôt se vit, par l'écriture plus que par les situations. Ce n'est pas comme dans "La douleur" où les choses sont plus clairement dites et les situations plus essentielles.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 5 janvier 2002