Cher amour
de Bernard Giraudeau

critiqué par CC.RIDER, le 20 novembre 2009
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Une vraie invitation au voyage
Tout le monde connait Bernard Giraudeau, acteur et maintenant réalisateur de cinéma, comédien et metteur en scène, moins connu est l'écrivain qui en est déjà à son 7ème livre. Cher amour est très difficile à définir : à la fois journal intime, carnet de voyages et correspondance imaginaire avec une belle inconnue. Pour le côté journal intime, nous avons doit à quelques confidences sur sa vie de marin, puis d'acteur. Pour les voyages, on est servi, Giraudeau est un vrai globe-trotteur qui nous entraîne en Amazonie, au Chili, aux Phillipines (pour le tournage d'un film sur le général Leclerc), à Djibouti (sur la « Jeanne d'Arc » à titre d'écrivain officiel de la Marine Nationale) et jusqu'au Cambodge (pour un autre film, « L'empire du Tigre »). C'est un cinéaste compulsif. Il ne peur aller quelque part sans filmer gens et paysages, ce qui lui attire quelquefois des ennuis...
Le point le plus faible de ce bizarre ouvrage serait ses déclarations d'amour éperdu à cette femme qui n'existe pas et que l'on devine idéalisée, réduite au rang de prototype inaccessible, la fameuse Femme avec un grand F. Heureusement, Giraudeau ne se paie pas seulement d'illusions, de grands mots et de formules faciles. Il sait également nous faire partager les paradoxes et les affres de l'acteur (Richard III), les rêves et les illusions du voyageur et surtout les petitesses et les souffrances (ablation d'un rein, séjour à l'hôpital) de l'homme attachant qu'il est. Il vient d'obtenir le Prix Mac Orlan pour « Cher Amour ». Cela me semble mérité car ce livre est une vraie invitation au voyage, dans tous les sens du terme.
Dernier ouvrage de Bernard Giraudeau 5 étoiles

Dernier ouvrage de Bernard Giraudeau, écrit clairement dans la dernière ligne droite de sa vie, non pas qu’il fût très vieux, mais rongé par un cancer du rein qu’il était.
Ce « Cher amour » m’a laissé une impression mitigée. Bien écrit, par quelqu’un qui a eu l’habitude en tant qu’acteur de manier une langue châtiée – j’avais pu le constater dans « Les dames de nage » - mais le dessein derrière ne m’est pas apparu. Serait-ce parce que le « cher amour » dont il est question est une femme dont on ne saura pas, in fine, si c’est simplement LA femme fantasmée ou si ce cher amour a une existence ? C’est possible. Mais il y a beaucoup de décousu aussi dans ce qui est en fait un déballage de larges moments vécus ; des voyages, des rencontres féminines, sa jeunesse et sa dernière performance dans le rôle de « Richard III », de Shakespeare. Une belle leçon de ce qu’est un acteur de théâtre au passage.
Beaucoup de voyages donc, Bernard Giraudeau fut indéniablement un voyageur au regard curieux comme je les aime. Un début de vie dans la Marine Nationale (tiens, comme Hubert Mingarelli !). Une bifurcation vers le monde du théâtre … Une vie indéniablement passionnante, mais un ouvrage qui a du mal à nous la restituer.
Mais la grande affaire, c’est quand même la femme. Une femme, ou les femmes ?

« Le mot femme, ici, n'a plus de sens. femme sacrée que j'aime, femme unique, femme de nos fantasmes, de nos souffrances, femme de notre enfance, de nos lâchetés, femmes peintes, sculptées des million de fois, femmes de nos jours et de nos nuits, femmes esclaves, entravées, meurtries. On achète la beauté, la possession, le jouir. Tout est jouir au masculin, brutalité et mépris. Je vous rends hommage à vous les femmes des ruelles sombres de Calama, de la Calle Gijon à Santiago, femmes vendues dès l'enfance, femmes des abattoirs et des trottoirs de Mogador, d'Iquitos, et des barges de Hong-Kong, vous les femmes bikinis en bleu phosphorescent des bordels d'Angeles, femmes, femmes, femmes. »

Au bilan, l’impression désagréable d’un fourre-tout chatoyant mais qui manque de liant.

Tistou - - 68 ans - 25 juin 2014


dernier voyage, dernier amour... 10 étoiles

Dans une langue reconnaissable entre toutes, Bernard Giraudeau conte ses derniers voyages à une belle inconnue, dont le nom ne nous sera pas révélé. S'agit-il de la compagne de ses quinze dernières années? Lorsqu'il la décrit, elle lui ressemble terriblement, mais elle aime tant la discrétion... Ses voyages, l'artiste qu'il est les justifie par des raisons professionnelles, un tournage lointain, une tournée théâtrale, mais il les accompagne toujours de son regard, si clair et si juste, sur des peuplades oubliées (l'Amazonie), des enfants errant dans des décharges (Manille, Phnom-Penh) et sur les traces encore visibles du passé (les Mapuches du sud chilien). L'artiste est fêté, entouré d'amis, mais l'homme est seul avec son amour lointain, la "femme" éternelle à laquelle il a voué son destin. Un livre hors du commun, une écriture de grande qualité, un partage total avec le lecteur. On ne ressort pas indemne de sa lecture, et l'on regrette celui qui a su nous toucher par sa tendresse, son sourire, qui a su nous faire rire et pleurer au théâtre, au cinéma, et ces dernières années en littérature. Trop tôt disparu, mais il a laissé tant de belles choses...

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 8 août 2010


un beau voyage 9 étoiles

Passionné de voyages, Bernard Giraudeau nous entraine sur des routes lointaines, au hasard de ses tournages ou de ses coups de coeur. Il nous ouvre des chemins inattendus car cet homme aime s'écarter des routes balisées. C'est ainsi que nous le suivons dans une époustouflante Transamazonnienne. Plus tard, nous le retrouvons aux Philippines dans l'enfer de la décharge de Manille...Il nous fait partager sa traversée sur la Jeanne, ce mythique fleuron de la marine française puis nous entraine vers Djibouti sur les traces de Monfreid et enfin en Asie.
Bernard Giraudeau est un homme passionné et passionnant. Ces carnets de voyage sont un kaléidoscope d'images, d'impressions, d'anecdotes. Avec lui, on explore des chemins singuliers, on fait d'improbables rencontres. Ce baroudeur est aussi un acteur qui aborde le théâtre avec passion et qui emmène ses personnages dans ses bagages.
Bernard Giraudeau ne voyage pas vraiment seul, une ombre l'accompagne tout au long du chemin: c'est son "cher amour" cette belle inconnue que l'on imagine élégante et mystérieuse et qui, fantasme ou réalité, le fait rêver et nous fait rêver.
La face noire du voyage, c'est le retour, sa dure réalité brièvement évoquée: la maladie. Que reste-il des souvenirs de voyage face à cette épreuve? J'espère qu'ils permettent de s'évader de son lit d'hôpital puisque "le voyage est une aube qui n'en finit pas" et que comme a dit A.Rimbaud: "l'éternité, c'est la mer mêlée au soleil"

Clara33 - - 77 ans - 16 juin 2010