La Pierre d'achoppement
de Edith Wharton

critiqué par Saule, le 15 novembre 2009
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
Le plaisir de donner
Wharton a écrit "La pierre d'achoppement" ("The Touchstone") en 1900. Elle avait 38 ans et débutait sa carrière d'écrivain (deux ans plus tard elle publiait son grand succès "Chez les heureux du monde"). Le texte est une longue nouvelle (novella disent les américains) qui fût publiée dans le Scribner's magazine, et qui vient d'être traduite en français (novembre 2009).

Un jeune homme lit dans le journal qu'un biographe est à la recherche de lettres écrites par une célèbre romancière qui vient de décéder. Or, il se fait qu'il a eut une relation sentimentale avec cette femme, et qu'il est en possession d'un important lot de lettres d'amour écrites par la romancière. Les lettres ont donc une valeur marchande très importante et le jeune homme se rend compte que la vente des lettres lui permettrait de s'établir et épouser la femme qu'il aime.

J'ai trouvé la première partie de la nouvelle formidable: Wharton décrit une liaison sentimentale entre une romancière célèbre et un jeune homme surtout attiré par l'aura intellectuelle de la jeune femme. Le jeune homme souffre de la supériorité intellectuelle de la femme, et en plus il souffre des sentiments ambivalents qu'il éprouve pour cette femme, l'attirance purement intellectuelle est contrebalancée par une répulsion presque physique. C'est une description un peu cruelle mais admirable. Il y a de l'humour aussi, par exemple l'auteur se met en abime avec son personnage en lui prêtant le titre d'un de ses propres livres, "Grain de grenade".

La suite est de très bonne facture aussi, mais je n'en dirai pas plus, il vous faudra la lire pour comprendre le titre de la critique.

Le traducteur s'en sort bien, il faut lire la version originale (par exemple ici : http://www.gutenberg.org/etext/267 ) pour se rendre compte que ce texte est très difficile à traduire, à cause des tournures littéraires et du vocabulaire sophistiqué. Il me semble d'ailleurs que le style de Wharton pèche par une certaine lourdeur dans cette oeuvre de jeunesse, les phrases sont longues et pas toujours compréhensibles. Il faut saluer la belle postface du traducteur, qui approfondit les thèmes de ce roman, notamment celui de la séparation entre la vie privée et publique d'un écrivain. Il met également en exergue la finesse psychologique de Wharton, et n'hésite pas à dire que l'intuition de Wharton est précurseur des théories de Freud.