Portrait de femme
de Henry James, Claude Bonnafont (Traduction)

critiqué par Clare Bear, le 13 novembre 2009
(Lyon - 41 ans)


La note:  étoiles
Histoire de femme(s)
Publié en 1881 par Henry James, Portrait de Femme retrace la vie d´Isabel Archer, une jeune Américaine qui débarque en Angleterre grâce à sa tante Lydia Archer.

Isabel est belle, intelligente, vive d´esprit et aspire aux voyages et à la découverte. Elle rêve d´aller en Europe et d´en découvrir chaque recoin. Sa tante lui permettra de s´accomplir dans ce sens.

Isabel a soif de liberté et ne souhaite pas se marier, du moins pas avant d´avoir parcouru le monde entier. Pourtant elle va rencontrer de nombreux hommes qui vont lui faire la cour. Mais Isabel est libre, elle mène sa vie comme elle l´entend. Cependant, dès les premiers chapitres du roman, on sent que sa vie va être tragique et faite de coups de théâtre.

Finalement, Portrait de Femme, c´est l´histoire d´une jeune fille qui cherche le bonheur, qui vit sa vie selon ses envies. Mais ses choix vont parfois lui porter préjudice.

On y rencontre des personnages intéressant, pluriels, avec des traits de caractère particulièrement travaillés dans une Angleterre et une Italie de la fin du 19è siècle.

Henry James nous dépeint les paysages, les maisons, les petits salons avec tant de détails que l´on sent l´odeur des arbres fruitiers dans les jardins florentins et le parfum de l´herbe après la pluie à Gardencourt.

Portrait de Femme, c´est aussi Portraits de Femmes. Des femmes intelligentes. Des femmes raffinées. Des femmes idiotes. Des vieilles. Des jeunes. Des belles et des moins belles. Des innocentes comme la neige et d´autres avec de lourds secrets. Plein de vies qui se croisent et qui s´entremêlent.

Un roman magnifique et vrai, qui touche et fait réfléchir aux conséquences que peuvent avoir parfois nos actes et nos décisions.
Quand le coeur doit se faire une raison 8 étoiles

Digne représentant de la littérature dite 'transatlantique', Henry James clos avec cette première œuvre d'importance majeure, ce qui sera éventuellement considéré comme étant la première des trois périodes composant sa carrière d'écrivain. Initialement conçu pour une publication sous forme de feuilleton (1880-81) c'est un roman qui, une fois transposé en livre, semblera plus copieux aux yeux pressés du lecteur contemporain qu'à ceux, moins avides de rapidité, de nos prédécesseurs.

Tel qu'il le souligne en préface, c'est en partant d'une image, d'une vision qu'il avait du personnage d'Isabel Archer, qu'Henry James a composé ce roman. Au départ, comme ce fut souvent le cas, il n'avait pas de projet précis, pas de structure ni de sujet en tête et souhaitait tout simplement se laisser guider par ce que lui inspirait ce personnage. Le récit évolue donc lentement, d'une manière qui m'a rappelé le mouvement des nuages dans le ciel, en fonction des contacts et autres interactions entre les différents éléments mis en scène.

Cette approche, judicieusement servie par une narration 'neutre' adoptant divers points de vue, devient particulièrement intéressante, surtout à un tel niveau de maîtrise, car elle permet à l'auteur de constituer un portrait, non pas statique, mais que l'on découvre, tel qu'on le ferait dans la réalité, à travers les actions, déclarations et réactions produites par les personnages. De cet ensemble, émerge un portrait multi-facettes simulant la réalité avec brio. C'est d'ailleurs en cela que l'on reconnaît la beauté du travail d'Henry James; il montre, il décrit sous divers angles, nous laissant, en compagnie d'impressions reçues par le biais de notre propre perception, le soin d'interpréter les événements relatés.

Ainsi on observe Isabel Archer, qui depuis son Albany natale arrive bientôt en Angleterre, emportant dans son bagage, outre ses rêves et ses idéaux, sa candeur nord-américaine ainsi que la fraîcheur et l'innocence de ses vingt-deux ans. C'est avec un regard neuf qu'elle découvre un univers où gravitent depuis fort longtemps une poignée d'individus, -pour la plupart des bourgeois étatsuniens expatriés-, qui, déracinés et dénaturés, évoluent suivant un système de règles et de conventions sociales avec lequel l'héroïne apprendra à composer. Puis, éventuellement portée par le courant de la vie, croisant l'amitié et négociant avec les méandres de l'amour, Isabel se retrouvera, à l'aube de la trentaine, face à sa propre vérité.

Roman psychosociologique et roman d'apprentissage, il est composé autour d'une histoire relativement simple mais qui, au long des multiples avenues qu'elle emprunte, suscite la réflexion. Outre le parallèle qu'il établit (non sans quelques pointes d'humour) entre l'ancien et le nouveau monde, 'Portrait de femme' aborde entre autres thèmes ceux du libre arbitre, de la morale, du mariage, de la condition féminine ainsi que celui de la valeur de l'esthétisme dans l'art et la société.

Bien que le tableau d'ensemble souffre d'un cadrage socio-historique imprécis et que certaines descriptions semblent partielles, James connaît bien l'univers décrit et ne lésine donc pas sur les détails faisant état des habitudes et autres usages liés au contexte, y allant également de quelques références littéraires et artistiques, puis adoptant de manière tout-à-fait naturelle, le mode d'expression propre au milieu et à l'époque concernés, ainsi réussit-t-il à créer une ambiance parfaitement authentique.

La prose est impeccable et la narration ne laisse rien à désirer. Bref, fidèle à la réputation qui le porte, ce roman témoigne d'une grande maîtrise de l'art.


N.B. Lu en version 'originale' (i.e. basée sur un texte révisé par l'auteur en 1907-08) de langue anglaise.

SpaceCadet - Ici ou Là - - ans - 1 mars 2016


Un grand roman 9 étoiles

Ce roman est très bien écrit, mais je l'ai tout de même trouvé bien long. J'ai mis deux mois à en venir à bout. Cependant il est agréable à lire, c'est un récit qui par moments suscite un grand intérêt. Je pense qu'il faut vraiment le lire jusqu'au bout, la fin vaut le détour. Le personnage principal est agaçant parfois, mais on se laisse porter par son histoire.

Flo29 - - 52 ans - 11 mars 2015


Loooooong 5 étoiles

Le début m’est apparu particulièrement prenant, malheureusement ça n’a pas duré.
Ce roman se déroule dans un milieu très particulier de (très) riches Américains. Etre pauvre dans ce roman, ça signifie que vos revenus ne vous autorisent qu’une maison à Florence…

C’est écrit par Henry James, c’est très bien traduit et c’est probablement pour ça que j’ai terminé ce livre, en espérant qu’il allait enfin se passer quelque chose. Sauf que, quand il se passe quelque chose, on n’en parle pas et pourtant, la naissance et la mort d’un bébé, ça ne me semble pas si négligeable. « Voici 2 ans, elle a eu un pauvre petit garçon qui est mort six mois après sa naissance » est l’intégralité du texte sur ce sujet…

Ludmilla - Chaville - 69 ans - 12 janvier 2015


L’antidote de Jane Austen! 8 étoiles

Plusieurs des oeuvres d’Henry James ont été adaptées au cinéma.
Je me suis procuré ce livre en version originale anglaise après avoir vu la version cinématographique de cette oeuvre, réalisée par Jane Campion en 1996.
Un film que j’avais peu apprécié; une histoire sombre, complexe, des acteurs principaux peu convaincants: une jeune Nicole Kidman à l’accent australien trop prononcé pour une américaine et un John Malkovich beaucoup trop laid et énigmatique pour jouer un séducteur irrésistible…
Bref, mal disposée à me précipiter sur la lecture de ce livre, celui-ci a reposé tout ce temps sur les rayons de ma biblio et y serait sans doute encore si je n’avais découvert enfin cet auteur renommé, par la lecture de «Ce que Maisie savait» il y a quelque temps…

J’ai découvert par cette lecture un formidable auteur à l’intelligence littéraire peu commune et, du même coup, placé «Portrait de femme» sur le dessus de ma pile de livres à lire, en priorité!
La réputation d’auteur élitiste ou difficile à lire stigmatise souvent Henry James chez les anglophones autant que chez les francophones malgré qu’on reconnaisse une très grande qualité aux traductions françaises de ses oeuvres.
J’ai lu les deux oeuvres en version originale; la première, tel que mentionné plus haut, avec beaucoup de plaisir; la deuxième, «Portrait de femme» écrite quinze ans plus tôt, en 1881, fut une de mes lectures les plus ardues, voire, rien de moins qu’un exploit!
Sans prétendre être bilingue absolue, je lis l’anglais depuis toujours, là n’est pas le problème…

Qualifier une écriture de fluide et limpide ne deviendra pour moi jamais un cliché, au contraire!
Ces deux humbles attributs sont la garantie d’une lecture riche et agréable, peu importe le contenu.
Dans cet ouvrage, Henry James a recours à des phrases précieuses, affectées, ampoulées, alambiquées; une rhétorique presque indéchiffrable.
Henry James se voulait l’antidote de Jane Austen; il reprochait publiquement à Trollope et Dickens leur «populisme» qu’il qualifiait d’irresponsable…!
La sophistication de ses textes est aussi sûrement le fruit d'une éducation issue de la grande bourgeoisie ; quand on manie à la perfection une langue, on peut jouer avec ses mots.

Résumons: malgré toute ma frustration qui résulte de plusieurs jours consacrés à une lecture en plus grande partie désagréable, il n’en demeure pas moins que mon admiration pour ce formidable auteur demeure intacte!
Il est impossible de dévoiler un synopsis détaillé de cette histoire complexe et imprévisible sans en spolier tout l’intérêt.
Les critiques qui précèdent celle-ci racontent l’essentiel de l’intrigue; le récit est austère, sombre, dénué de tout humour, les personnages complexes, mais non inintéressants, loin de là!
Comme le film, il est beaucoup plus facile de détester que d’apprécier cette oeuvre littéraire, mais il est impossible de renier le génie qui a inspiré ces deux maîtres d’oeuvre…
L’immense intelligence de l’auteur est omniprésente, même dans son exécrable rhétorique de l’époque, in English!

N.B. Lu en version originale anglaise.

FranBlan - Montréal, Québec - 82 ans - 25 août 2013


dur 6 étoiles

Tout d'abord bravo à la présentation de clare bear. Elle a le mérite d'exister et de donner envie de lire ce monument de presque 700 pages écrit serré.
Car ce livre sous une apparence austère et pudique de tout est finalement l'histoire de la femme. Pas tout à fait la femme naturelle, mère et maîtresse mais la femme en temps qu'être social dans une époque dite justement la belle époque. Je tiens à préciser que le tout se déroule dans le décor des "froufrous" d'une classe sociale désoeuvrée dans une espèce de chômage pour riches ! On voyage des gazons verdoyants des châteaux de la belle Angleterre aux jardins fleuris d'une Italie qui tient salon.

Mais ce qui m'interpelle au delà de tout c'est Isabel Archer elle-même. A la page 100 elle me semblait être Blanche Neige, à la page 200 elle vira à 180° et commença à ressembler très vaguement à Emma Bovary (asexuée) à partir de la page 400 je lui découvre une âme de Sainte Rita !
Quand on lui demande si elle a peur de son mari elle répond cette phrase incroyable : "j'ai peur de moi-même...Si j'avais peur de mon mari, ce ne serait que mon devoir. C'est ce que l'on attend des femmes"
Alors cette jeune fille, née aux Amériques, libérée des tabous de la vieille Europe, qui a tout en main pour être heureuse (beauté, argent, grâce et intelligence) se retrouve face à des choix qui sont autant d'échecs.

Curieux livre que celui-ci. Il me laisse un goût amer et me laisse perplexe. Un monument de littérature qui ne se lit pas facilement mais qui vaut bien quelques efforts.

Monocle - tournai - 64 ans - 25 octobre 2012