Jean-Jacques
de Frédéric Richaud, Makyo (Scénario), Bruno Rocco (Dessin)

critiqué par Shelton, le 11 novembre 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Belle adaptation d'un beau roman !
Cette bande dessinée a été réalisée d’après le roman éponyme de Frédéric Richaud. Le roman m’avait échappé à sa sortie mais la bande dessinée m’a donné envie d’y aller faire un détour, de m’y perdre quelques instants…

Il s’agit, indiscutablement, d’un conte philosophique comme on aimait en écrire au dix-huitième siècle. Deux frères, Jean et Jacques, sont imbus de leur personne mais aussi admiratifs à l’extrême de Jean-Jacques Rousseau, le grand philosophe. Rien ne les arrêtera dans cette admiration sans borne qui tourne à l’idolâtrie et à la manie pathologique…

Les deux frères ont un objectif : inviter Rousseau chez eux, l’avoir pour eux-seuls, en profiter et lui montrer qu’ils sont les seuls à bien le comprendre, les seuls dignes de le rencontrer, de lui parler…

Ils veulent montrer qu’eux sont capables de mettre en application des romans comme La Nouvelle Héloïse, qu’ils sont changés par les idées de Rousseau, qu’ils sont devenus la preuve éblouissante que l’on peut, effectivement, changer l’humanité avec la littérature. En même temps, ils sont bêtes, maladroits, prétentieux et ils nous font beaucoup rire…

Pierre Makyo a été séduit par cette histoire, il y a vu des éléments forts pour faire un bon scénario de bande dessinée. En réalisant cette adaptation, il a aussi inventé des personnages et pris une nouvelle façon de raconter la vie des deux frères. D’où une belle rencontre entre un médecin et une religieuse… mais je ne vous en dis pas plus…

Reste une question fondamentale : est-il possible de donner envie de lire Rousseau avec une telle œuvre burlesque ? Oui ! Mille fois oui ! Honnêtement c’est beaucoup plus attrayant qu’avec une étude de texte d’une page des Rêveries ou de La Nouvelle Héloïse ! La bêtise des admirateurs de Rousseau est telle que l’on finit par comprendre que le problème n’est pas tant ce qu’a écrit ou vécu Rousseau mais ce que les hommes ont voulu lui faire dire, en ont fait… Il faut donc relire Rousseau pour se pénétrer de la pensée de cet homme, qui comme tous ceux qui l’ont précédé et suivi, est fait d’un ensemble de qualités et de défauts, de certitudes et d’hésitations, de fulgurances constructives et d’erreurs lamentables… Mais ce sera l’occasion d’aller vous faire votre propre idée et pour cela vous n’avez pas besoin de moi…

Cette bande dessinée montre qu’il est vraiment possible d’adapter des romans sur ce support, d’aborder des notions philosophiques, pédagogiques et spirituelles avec des dessins, que ce neuvième art est bien parvenu à une maturité qu’il ne faudrait pas sous-estimer !