Jamais deux sans trois
de Jean-Luc Fromental (Scénario), Floc'h (Dessin)

critiqué par Shelton, le 11 novembre 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
On le savait... mais pas comme ça !
J’avoue, sans précaution, que je suis un fan de la « ligne claire ». De quoi s’agit-il ? D’une façon de raconter les histoires en bande dessinée ! Hergé, qui peut être considéré comme un des maitres de cette école, même si elle n’est pas vraiment formalisée, disait qu’il s’agissait de ne mettre dans le dessin que les éléments qui sont strictement indispensables à la compréhension de l’histoire. Il s’agira donc souvent d’un dessin simple, sans trop d’ombre ou de notion de perspective, pas trop chargé de détails mais parfois très explicite avec des suppléments graphiques pour donner du mouvement, de l’énergie…

Jean-Claude Floc’h est connu pour de nombreuses bandes dessinées résolument posées dans cette veine de la ligne claire. Jean-Claude Floc’h est né en 1953, il est français, il a fait les Arts déco de Paris et c’est en rencontrant François Rivière qu’il connaît le premier succès avec « Le rendez-vous de Sevenoaks », publié dans Pilote en 1977. C’était, aussi, la première apparition de Sir Francis Albany. La collaboration entre les deux hommes prendra des formes littéraires plus atypiques comme des nouvelles illustrées, des récits mêlant textes et dessins, illustration d’un journal… Ces ouvrages, pas toujours reconnus par la critique, restent pour moi des chefs d’œuvre et je ne peux pas laisser leurs noms sous silence : Ma vie, Meurtre en miniature, Journal d’un New-Yorkais…

Jean-Luc Fromental, lui, est né en 1950, à Paris. Après avoir travaillé dans l’édition et la critique de bandes dessinées, il finit par arriver à la rédaction de « L’année de la bande dessinée », puis dirige une collection aux Humanoïdes Associés et devient, en 1982, rédacteur en chef de Métal Hurlant… Il va alors devenir scénariste de bandes dessinées et va travailler avec Jean-Louis Floch (le frère de Jean-Claude Floc’h), Claude Renard, Loustal et, bien-sûr, Jean-Claude Floc’h. C’est en 1991, qu’ils publient Jamais deux sans trois…

Jamais deux sans trois est un ouvrage étonnant et d’une grande qualité. Certains n’hésitent pas à affirmer qu’il s’agit là d’une histoire fitzgeraldienne, mais n’étant pas un spécialiste de Fitzgerald je resterai prudent. Par contre, il s’agit bien d’une revisite du trio amoureux. Depuis que l’homme tente de raconter l’amour, il est confronté à cette figure géométrique qui vient perturber la relation binaire : une femme et deux hommes, un homme et deux femmes et, pourquoi pas aussi, trois hommes ou trois femmes ?

Ici, il s’agira d’une femme, de son mari et de son amant. Les trois personnages sont comme les acteurs d’une pièce de théâtre dont chacun croit être l’auteur du texte. Mais qui écrit, qui manipule qui, qui ne respecte pas son texte ? Les questions sont nombreuses et les réponses ne viennent que lentement avec des personnages qui viennent perturber la distribution et masquer au lecteur la vérité… Peggy et Jack…

Une maitrise admirable de la narration graphique, du scénario et de la psychologie humaine. Une utilisation admirable de l’ellipse et des séquences inoubliables comme les va-et-vient des uns et des autres pour atteindre les rendez-vous secrets ou presque, le striptease un soir dans une boite de nuit fréquentée par la « High society », et une fin très originale dans un chalet de montagne pour fêter Noël…

Cela reste pour moi un très grand album de la bande dessinée ! C’est de grande qualité !!! Et les auteurs ne doivent pas être oubliés !!!