Blast, tome 1 : Grasse carcasse
de Manu Larcenet

critiqué par Elouan.A, le 6 novembre 2009
( - 31 ans)


La note:  étoiles
Genre : Ermite alcoolo aux espoirs défaits
Cela commence à 38 ans. L'homme, qui est le protagoniste de l'histoire a 38 ans.
C'est une grasse carcasse, qui n'ayant plus de famille fait le grand voyage. C'est l'histoire d'un mec qui raconte son histoire en garde à vue. Pourquoi a-t-il fait "ça" à Carole ? On s'en fout. Du moins dans ce tome (Le personnage n'est qu'évoqué, les faits ne sont pas révélés) Qui est-il et pourquoi a-t-il quitté la société, en ermite ? Bien voila, en effet, Polza n'a plus de famille ni d'illusion. Les illusions, elles ne se révèlent qu'en courte "crise" éphémère. C'est un "Blast" une explosion, une onde surpression.

La qualité du dessin est très impressionnante. (Je suis parvenu à contempler certains dessins pendant plusieurs minutes.) Par le jeu même des couleurs, des nuances de noir et blanc et des crayonnés enfantins, l'auteur suggère d'ores et déjà l'atmosphère de son histoire. L'expression des personnages entretient également une conversation avec le lecteur. Une longue conversation muette, qui montre qu'il n'est pas indispensable d'étaler des notes et des lettres dans une bulle.
Une des différences que l'on pourra noter dans Blast, par rapport au "Combat ordinaire" du même auteur, est que cette première BD est beaucoup plus solipsiste.
On entre dans le personnage, et les personnages secondaires sont véritablement au second plan. C'est un chef d'oeuvre, une révélation. Bref, Manu Larcenet est un génie.
La quête du Blast 9 étoiles

D’emblée on le sent, cette BD c’est du lourd. Et pas seulement à cause de son poids ou de Mancini, le personnage principal. Le récit commence de manière très mystérieuse voire mystique, alors que ce dernier est en garde à vue, plongé dans un profond mutisme, son esprit entièrement absorbé par la vision d’une statue géante de l’île de Pâques. On ne sait pas ce qu’il a fait à cette « Carole » maintenue sous coma artificiel. Lors de l’interrogatoire, Mancini commencera à raconter son errance aux limites de la folie, laissant les policiers perplexes et désemparés… Une introduction réussie qui donne envie d’aller plus loin…

Larcenet, on ne le présente plus. On sait qu’il est capable d’appréhender plusieurs genres, qui vont des simples délires potaches à gros nez où le dessin se pare de couleurs vives à des récits introspectifs plus sombres recourant à un trait noir et épais proche de l’abstraction. Deux facettes à l’extrême opposé qui en font une personnalité aussi ambivalente qu’intéressante, une sorte de clown triste de la bédé. Ici on est évidemment plus dans la seconde approche. Le trait est parfois épuré à l’extrême, grossier ou abstrait, parfois glauque, on ne peut pas dire que c’est toujours agréable à l’œil, on peut même trouver ça moche, mais cette « laideur » plus ou moins voulue sait se faire oublier, contrebalancée par la poésie qui imprègne le récit, avec un lavis noir et blanc donnant une touche très artistique à l’ensemble. Toujours cette fameuse ambivalence…

Quant au scénario, il est très bien construit et j’ai été vraiment captivé par cette drôle d’histoire avec ce personnage hors du commun, énorme baudruche quasi difforme, capable de flotter en pensée, en apparence primaire et innocent mais au fond lettré et cérébral, un peu inquiétant, insondable comme le regard des statues de l’île de Pâques qui l’obsèdent. Et il y a le fameux « blast » visiblement à l’origine de sa garde à vue, survenant à l’improviste et modifiant son état de conscience, un « instant en suspension » où le corps et l’esprit se dissolvent dans un absolu originel et sans limite…

A croire que l’auteur y a mis beaucoup de lui-même… Les textes ont une tonalité très littéraire et ne submergent pas le dessin, permettant aux mots d’infuser l’esprit tandis que le regard peut prendre son temps pour explorer les planches conçues parfois comme des peintures. Un dosage tout à fait judicieux qui allège un récit plutôt sombre à la base.

Du coup, je suis vraiment resté sur ma faim en arrivant à la fin du premier tome de ce road-movie poétique imprégné par une tension psychologique permanente. Il se trouve que je n’avais pas les deux tomes suivants, qui je l’espère confirmeront mon sentiment à l’égard de celui-ci.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 5 janvier 2013


Un blast qui ne laisse pas indifférent... 10 étoiles

Depuis 2009, date de la sortie initiale de ce premier volume de la série Blast, j’entendais dire du bien du travail de Manu Larcenet. Mais voilà, cela semblait si beau que j’avais des doutes, j’avais peur d’être déçu, j’hésitais… et c’est ainsi qu’il a fallu que j’attende 2012 pour oser pénétrer dans cet univers spécial, celui d’un auteur que j’avais déjà bien apprécié avec La vie est courte ou Le retour à la terre… C’est une de mes filles qui m’a fait faire le grand bond… Elle adorait, c’était génial, je ne savais pas ce que je manquais… J’ai donc ouvert le premier volume de Blast…

J’ai ainsi fait connaissance avec un commissariat de police, avec le suspect, un certain Polza Mancini. Il est en garde à vue pour ce qu’il a fait subir à Carole, mais nous, les lecteurs, nous n’avons pas accès au dossier et nous sommes condamnés à écouter pas à pas, mot à mot, le récit laborieux de Polza pour comprendre, pour savoir, pour découvrir…

L’homme a un peu moins de quarante ans. Il est écrivain ou plus exactement il écrit sur la gastronomie car comme il le dit il préfère de loin manger à écrire… C’est quand son père décède que les choses basculent, qu’il se met à consommer de l’alcool de façon déraisonnable, qu’il part sur les chemins et qu’il fait l’expérience du blast, pour la première fois…

Le blast est un souffle particulier que notre Polza va expérimenter de façon particulière et qui va l’entrainer dans une aventure sans fin ou presque, une quête incroyable… « C’est à cet instant très précis que j’ai reçu le blast… un craquement d’abord dans ma tête… exactement le même son insupportable d’un os qui se casse…puis c’était comme si un trou s’était ouvert au sommet de mon crâne… j’étais aspiré au dehors… une fatigue primale remontait de ma naissance… je pesais cent fois mon poids… ».

C’est ainsi que notre personnage prend conscience de son destin : il doit aller voir les moais. Il prend donc la route…

Et Carole me direz-vous ? Il n’en est presque pas question dans ce premier volume car Polza veut raconter à son rythme. C’est son histoire et il veut en rester maitre ! La narration graphique de Manu Larcenet est lente, majestueuse, sombre parfois noire, extraordinairement humaine, très profondément humaine. Chaque personnage a son existence, sa vie, son regard… J’ai particulièrement aimé l’épisode dans la forêt en compagnie de ces Serbes et de celui qui sert d’interprète…

Blast n’est pas une simple série de bande dessinée, c’est un roman graphique, celui de la vie humaine car nous sommes tous des voyageurs ayant des difficultés à comprendre d’où on vient et où on va… Manu Larcenet aborde les questions de la filiation, des origines, de la mort du père, de la destinée, de la raison, de la folie, du lien avec les autres, de l’altérité, de la différence…

Mais nous ne sommes pas dans une bande dessinée trop bavarde et bien souvent un dessin vient en dire beaucoup plus qu’un long texte philosophique… et c’est là que l’on peut mesurer et apprécier la qualité de la narration graphique de Manu Larcenet qui est tout simplement étonnante, magnifique, hors norme…

Au bout de ce cheminement avec la lourde, très lourde carcasse de Polza je suis obligé de vous avouer que j’ai eu tort d’attendre si longtemps pour dévorer Grasse carcasse, le tome 1 de Blast. Il ne me reste plus qu’à rattraper le temps de perdu et de me précipiter sur les tomes 2 et 3…

Il s’agit, faut-il le préciser, d’une bande dessinée pour des ados plus et adultes. Pas à cause d’une violence quelque conque ou d’une sexualité inappropriée mais tout simplement à cause du thème, de l’ambiance sombre, de la mélancolie, de la dureté de la vie de Polza…

Shelton - Chalon-sur-Saône - 67 ans - 8 décembre 2012


Un obèse au psychisme torturé 7 étoiles

Polza Mancini, un obèse qui se dit écrivain-clochard, est interrogé par des policiers qui le soupçonnent d'être impliqué dans un meurtre. Au fil d'un long interrogatoire, Polza leur raconte presque toute sa vie, la mort de son père, la remise en question de sa vie précédente et sa longue dérive. Il leur parle du « Blast » et oublie ses séjours en hôpital psychiatrique. Bribe après bribe, une réalité se dessine. Qui est vraiment cet obèse ? Qu'est-ce que le « Blast » ? De quoi est-il vraiment responsable ?
« Blast » est une bande dessinée psychologique et sociale assez atypique voire un peu étrange. Presque entièrement en noir et blanc, les vignettes sont dessinées de façon minimaliste sans apparent souci d'esthétisme. Les visages sont généralement laids, avec des traits ingrats et de longs nez (le père de Polza mourant a carrément une tête de héron, de pélican ou de cigogne) et les décors grisâtres rendent bien l'atmosphère glauque et oppressante dans laquelle évolue Polza. Une édition de qualité pour une plongée hallucinante dans un psychisme torturé.

CC.RIDER - - 65 ans - 9 mai 2012


La claque ! 9 étoiles

Pour moi, Larcenet, c'était Fluide Glacial, avec Baroud et tous ses héros débiles... mais là j'ai été littéralement scotché.

Le dessin, souvent conforme à mon "ancien modèle Larcenet" est toutefois terriblement dérangeant sur un scénario si noir. Puis parfois on a ces mises en image sublimes, des pleines pages terribles, avec des cadrages très osés, et puis bien sur le Blast...

Pour le scénar, c'est excellent, mais cela va doucement ; c'est volontaire (et c'est tant mieux), et le tome 2 s'annonce dans la lignée.

On en attend 4, ou 5 ?

Byobinou - Rumilly (74) - 54 ans - 27 mars 2012


quelle claque 10 étoiles

Manu Larcenet a osé, il nous a, une nouvelle fois après" Le Combat ordinaire", concocté un chef d'oeuvre. Dans un format assez inhabituel pour la saison, Larcenet nous offre les aventures de Polza, ou plutôt ses mésaventures.
Prévu entre 3 et 5 tomes (selon que l'on se fie à l'auteur ou à l'éditeur), cette bd mérite que l'on s'y attarde à plus d'un titre.

Dessinée au lavis, cette histoire (pourtant prévue en couleur) n'en est que plus poignante car le personnage de Polza, s'il n'est pas sympathique à première vue (d'ailleurs on se demande quel crime il a commis pour être en garde à vue), se révèle être assez mystérieux, voire misanthrope (voir son attitude avec les réfugiés planqués dans la fôret).

Mais ce qui m'a le plus attiré dans ce dernier opus de Manu Larcenet c'est le chemin parcouru depuis ....pfff...je ne sais plus.

"Blast" est la résultante d'un album , tant décrié à l'époque mais que j'avais adoré, Ex Abrupto et de sa série phare Le Combat ordinaire qui d'ailleurs sont très proches par les thèmes abordés : la mort du père, une sociabilisation difficile, l'incompréhension et une peur de l'autre.
Bref, "Blast" est à ce jour l'album le plus abouti d'un auteur tant controversé, si ce n'est le plus controversé" du net depuis quelques années.

Chapeau bas.

Hervé28 - Chartres - 54 ans - 4 septembre 2011


Très sombre et très beau 8 étoiles

Le dessin est sombre et l'histoire est sombre. Mais c'est dans le dénuement que la beauté est la plus belle. Sans doute plus difficile que les autres dessins de Manu.

Yeaker - Blace (69) - 50 ans - 15 février 2011


"La vérité est plus facile à dire qu’à entendre" 9 étoiles

Ainsi se clôture le premier tome de cette nouvelle série de Manu Larcenet, qui en comptera cinq. Cet aphorisme presque définitif, on le doit à Polza Mancini, un personnage obèse, étrange et tourmenté, qu’on retrouve en plein interrogatoire. Il a fait quelque chose de grave à Carole Oudinot, qui se trouve actuellement dans le coma. Les flics essaient de comprendre le personnage qui se trouve en face d’eux. Et Polza se raconte tranquillement. Il explique son premier « Blast », survenu peu après la vision de son père mourant. Le blast s’assimile à un genre d’explosion sur l’organisme. Il est évident que les inspecteurs auront du mal à croire la version de Polza. S’ensuit un huis-clos où l’on s’évade à l’évocation des souvenirs de Polza. L’inculpé va à son rythme, depuis le début jusqu’à la fin. Blast est aussi très fort dans sa transposition des sentiments humains. Polza qui raconte son histoire naturellement. Les inspecteurs qui ont déjà leur avis tout fait sur cette histoire et qui écoutent avec impatience l’histoire de cet humain qui les dégoûte.
Paradoxe très fort aussi entre ces scènes de huis-clos très tendues et l’histoire de Polza pleine de liberté
Le dessin est impressionnant de noirceur. Certaines planches sont purement magnifiques (lenvol d’un héron, les statues de l’île de Pâques, …) Et que dire des dialogues. Ils font tous mouche. Ces deux-cent pages se lisent d’une traite et ne sont que l’introduction d’une suite que l’on attend déjà avec impatience.
Une des grandes de BD de 2009

Nothingman - Marche-en- Famenne - 44 ans - 9 avril 2010


Sombre parcours 8 étoiles

Un sentiment plutôt mitigé au sortir de la lecture de ce premier tome de Blast. Mitigé parce que ce n'est pas vraiment mon univers BD auquel j'ai eu affaire. Mais en même temps, la singularité et le talent de Manu Larcenet ne peuvent échapper au lecteur. Sombre, voire rebutant, il est quelque peu difficile de s'identifier au personnage de Grasse Carcasse. Son désespoir, sa quête mystico-éthylique sont un peu durs à suivre. Il faut toutefois reconnaître que le dessin scande vraiment très bien la confession de ce anti-héros et qu'il nait une harmonie disgracieuse, une fascination pas toujours agréable qui incite à poursuivre la lecture. A réitérer pour la suite donc.

Oguz77 - - 46 ans - 19 janvier 2010


Du grand talent. 10 étoiles

Sombre, par l'usage presque essentiel du noir et de ses nuances. L'histoire l'est également, par l'évocation du personnage, presque seul présent dans ce récit. On découvre ce qu'il est, et non ce qu'il a fait, comme le dit Elouan. Le dessin est prodigieux en effet; je restais à regarder et analyser un dessin pendant plus longtemps que la normale; les personnages sont croqués admirablement, ainsi que leurs attitudes, leurs moues.
Rien à voir selon moi avec Retour à la Terre, mais une tristesse et une nostalgie peut-être commune avec Combat Ordinaire.
Absolument brillant.

Daffodil - - 52 ans - 12 décembre 2009