Lawrence d'Arabie ou l'Epopée des sables
de Raphaël Lahlou

critiqué par Jean Berthet, le 16 octobre 2009
( - 89 ans)


La note:  étoiles
UN SUPERBE LAWRENCE D'ARABIE PAR RAPHAEL LAHLOU
Publiée en 2005, cette biographie de Thomas Edward Lawrence par Raphaël Lahlou est modeste par la taille et grande par l'ampleur et la pertinence de son propos et de ses analyses. Voici des années, nous prévient l'auteur, qu'il est hanté par T.E. LAWRENCE; en le lisant on le comprend et on est comme lui saisi par ce magnifique personnage, le plus étonnant des Anglais fascinés par le Désert. On connaît le mot d'Alexandre Vialatte, dans "Les Fruits du Congo", qui indique à ceux qui se plaindraient de vivre sous le ciel et dans le désert que les ciels sont beaux et que les déserts sont grands. Il y a certes bien des mystères en Lawrence, des déchirures et un malaise de vivre, peut-être, sinon dans l'action et la passion de l'Art. En ce sens, il est assez proche d'un autre passionné des Déserts, Lyautey.

Qu'on ne se méprenne cependant pas. Malgré la richesse des informations que l'on tire de ce portrait fascinant, l'auteur qui nous le donne ne prétend pas faire oeuvre de philosophe. C'est un Lawrence très vivant qui sort, dégagé parfois de son armure, de ces pages flamboyantes et lumineuses. On goûtera particulièrement le style et la clarté de Raphaël Lahlou. Incontestablement, il a puisé aux meilleures sources, anglaises et françaises particulièrement mais peut-être pas exclusivement - peut-être y-a-t-il aussi en effet une fascination personnelle et familiale dans le choix de ce sujet et son traitement passionné.
En tout cas, le Lawrence d'Arabie, hors des légendes, des analyses douteuses et des ragots, mis en phrases par Raphaël Lahlou, présenté en entier est digne du beau et grand film de David Lean. L'auteur du livre lui rend d'ailleurs, en saluant Peter O'Toole et Omar Shariff, un bel hommage. Mais son ouvrage, portrait particulièrement sensible, vaut aussi pour l'analyse particulièrement lucide et informée que l'auteur donne des politiques occidentales dans la réalité compliquée du monde arabe et oriental. Ainsi, à l'heure des drames afghans et irakiens, lira-t-on avec une grande soif, une vraie curiosité, les pages précises et précieuses de Raphaël Lahlou sur le désastre de Kout el Amara, en 1916, et ses analyses du rapport dressé par le jeune Lawrence à cette dramatique occasion. Le modèle lawrencien, entre 1914 et 1922, fut-il pertinent? c'est l'une des fortes interrogations posées par ce grand livre; la réponse et le travail de l'auteur, en tout cas, le sont. Pertinents et parfaitement maîtrisés: voilà les mots qui doivent saluer le remarquable livre de Raphaël Lahlou, excellent historien d'une époque subtile et violente qui pèse encore sur la nôtre... Quant à l'intellectuel Lawrence, au jeune garçon élevé en Bretagne, fasciné par les châteaux et plus tard par les citadelles d'encre et de papiers que sont les livres, quant au Lawrence écrivain, aux facettes aussi riches et marquées que les épisodes de sa vie de soldat, de politique et de guerrier au service d'un idéal arabe, quant au Lawrence de 1922 à 1935, il n'est pas oublié non plus. Il ne faut jamais se priver des plaisirs d'un grand voyage et d'un beau livre où l'intelligence et l'art des vues cavalières séduisent...


Jean Berhtet.