Lefranc, Tome 20 : Noël noir
de Jacques Martin, Michel Jacquemart (Scénario), Régric (Dessin)

critiqué par Shelton, le 11 octobre 2009
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Du très bon travail pour les nostalgiques...
Le personnage de Guy Lefranc, héros de bédé, est né le 21 mai 1952 grâce à l’imagination fertile de Jacques Martin et à son envie incontrôlable de raconter des histoires en bandes dessinées. Mais bien qu’il s’agisse du vingtième album de cette série, il ne faut pas le lire comme le dernier de la série, car il vient s’intercaler entre « Le maitre de l’atome » et « Londres en péril ». Un peu compliqué ? Non…
Je m’explique… La première apparition de Guy Lefranc, journaliste, se situe dans un album devenu mythique, « La grande menace », en 1952. Jacques Martin, le créateur, entre juste après ce succès, aux studios Hergé. Il va devoir gérer l’ensemble de son travail car il ne veut rien abandonner. Il prend donc son temps pour le second tome des aventures de Lefranc, « L’ouragan de feu », qui sort en 1961. Or, une si longue période est aussi disponible pour caser des épisodes de la vie de Guy Lefranc. Jacques Martin avait des idées mais pas assez de temps et il est bien content, maintenant, d’avoir trouvé des auteurs acceptant de venir meubler ces vides ou nous livrer les aventures manquantes de son héros…
Certains auteurs, Taymans, Drèze, Jacquemart et Régric sont venus s’installer dans cet espace. Après «Le maitre de l’atome» et «Londres en péril», nous voici donc avec cet épisode atypique, «Noël Noir» qui s’insère totalement entre les deux…
J’ai dit atypique car si Guy Lefranc est bien journaliste, il est quand même plus souvent confronté à des scénarii policiers ou d’espionnage. Certes, il arrive parfois qu’il soit plongé dans un mystère proche du fantastique… mais, là, on pourrait presque croire qu’il est, tout simplement, dans un fait divers comme les journalistes en croisent beaucoup dans leur carrière…
En effet, en décembre 55, Guy Lefranc arrive à Soumont-en-Gohelle, pour rendre compte à son journal d’une catastrophe minière… A peine arrivé sur place, il retrouve son ami l’inspecteur Renard qui est là pour une toute autre affaire…
Cet album, très bien construit pour le scénario offre l’occasion aux auteurs de nous donner une multitude d’informations sur la vie dans la mine et autour. Le ton est souvent juste et précis, la chaleur humaine est bien là pour éviter de tomber dans du misérabilisme et nous restons dans un Lefranc et une bédé…
Je trouve que Michel Jacquemart, scénariste qui signe là sa seconde collaboration dans la série, s’en sort très bien. Il ne fait pas du Martin, il se réapproprie, progressivement, le personnage et raconte ses histoires. Celle-ci est à la fois un hommage à tous ceux qui, venant de partout, sont devenus les fournisseurs de charbon de l’Europe et dont beaucoup ont laissé leurs vies lors des accidents ou après des vies trop difficiles… mais c’est aussi une renaissance de ce journaliste qui montre des aspects de son caractère que l’on ne lui connaissait pas assez, comme cette façon de tenir tête à son rédacteur en chef…
Régric, le dessinateur, de son côté, a réussi à naviguer entre deux extrêmes : l’immobilisme des premiers albums, ces fameuses images trop fixes, et un dessin complètement contemporain qui n’aurait pas du tout permis au lecteur de la série de s’y retrouver. Là, nous avons de très belles scènes avec explosions, progression dans la mine, extinction des lumières, émotion avec des face-à-face lents et profonds, souvenirs multiples incarnés en Italie et au soleil…
Non, franchement, c’est un très bon album que j’ai lu deux fois, presque coup sur coup, pour dépasser l’émotion immédiate du scénario et arriver au cœur de cette bédé…
Ma note est aussi teintée d’un peu de parti pris car j’aime cette série que j’ai lue avec tant de plaisir lors de mon adolescence…
Un très bon album de BD 9 étoiles

Voici la preuve qu'une reprise de série peut-être réussie... à condition que le scénario soit de qualité.

Je pense de plus en plus que, plus que le dessin, l'histoire forme la partie essentielle d'un album de bande-dessinée. Sans histoire, le meilleur trait, les plus belles couleurs ne sont pas-grand chose. On peut admirer les cases, mais rapidement s'ennuyer si les personnages, l'histoire s'embourbent dans les incohérences, les contradictions, les longueurs ou au contraire l'action non justifiée. Ecrire un bon scénario de bande-dessinée n'est pas une chose aisée, c'est pourquoi les grands maîtres du genre sont irremplaçables, Hergé, Jacobs, vous nous manquez...
Jacques Martin a fait partie de ce cercle restreint d'auteurs qui ont fait rêver leur lecteurs et les ont transportés, le temps d'une lecture dans d'autres endroits et d'autres temps...
Malheureusement, les séries phare de J.Martin sont peu à peu tombées dans la médiocrité... cet album, lui sort du lot de la production récente... du suspense, une histoire crédible, des passages de réelle émotion. Le dessin n'est pas en reste, les deux auteurs ont fait ici un excellent travail.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 10 mars 2012