Le Recours aux forêts : La tentation de Démocrite
de Michel Onfray

critiqué par Christy, le 6 octobre 2009
( - 44 ans)


La note:  étoiles
Onfray en poète
Livre très poétique, nourri de références philosophiques nombreuses, du Onfray à son meilleur, dans un registre différent par contre, car son livre est construit à la manière du poème de Lucrèce. Longue méditation philosophique sur le cours du monde, la vie, la mort, le Moi. A lire à tout prix..

Voici la description qu'en fait l'éditeur :

« Démocrite fut dans la Grèce antique un philosophe matérialiste fêté, qui parcourut le monde. Lors de son périple jusqu'en Inde, il a constaté la vilenie des hommes, à la suite de quoi il fit construire une petite cabane au fond de son jardin pour y finir en sage le restant de ses jours. Je nomme tentation de Démocrite et recours au forêt ce mouvement de repli sur son âme dans un monde détestable. Le monde d'avant-hier, c'est celui d'aujourd'hui, ce sera aussi celui de demain : les intrigues politiques, les calamités de la guerre, les jeux de pouvoir, la stratégie cynique des puissants, l'enchaînement des trahisons, la complicité de la plupart des philosophes, les gens de Dieu qui se révèlent gens du Diable, la mécanique des passions tristes — envie, jalousie, haine, ressenti-ment le triomphe de l'injustice, le règne de la cri-tique médiocre, la domination des renégats, le sang, les crimes, le meurtre... Le repli sur son âme consiste à retrouver le sens de la terre, autrement dit, à se réconcilier avec l'essentiel : le mouvement des astres, la logique de la course des planètes, la coïncidence avec les éléments, le rythme des saisons qui apprennent à bien mourir, l'inscription de son destin dans la nécessité de la nature. Fatigué des misères de ce temps qui sont les ancestrales souffrances du monde, il faut planter un chêne, le regarder pousser, débiter ses planches, les voir sécher et s'en faire un cercueil dans lequel on ira prendre sa place dans la terre, c'est-à-dire dans le cosmos. »
Onfray et La tentation de D'mocrite 8 étoiles

Michel Onfray se lance dans la poésie, si, si c’est sérieux d’autant plus que le sous-titre de son texte en vers libre a comme toile de fond son hyperborée natal (Argentan en Normandie), terre de ses ancêtres d’origine danoise.


S'inspirant de la tradition islandaise du « recours aux forêts », le texte de Michel Onfray relève d’une dialectique ascétique (enfin presque) différente de l’épicurien qu’il a toujours été. Retour à la terre, à la nature, aux origines.

« J'aime l'utopie quand elle est projet non encore réalisé » ( ?), en rappelant sa tentative, avortée, de voyage à travers les Etats-Unis sur les traces des communautés utopiques fouriéristes du XIXe siècle.

« Le sous-titre, "La tentation de Démocrite", inscrit l'ensemble sous le signe de ce philosophe, figure du matérialisme radical qui, après avoir beaucoup voyagé, connu le succès, sondé la profondeur maligne de l'âme humaine, expérimenté l'étendue de la méchanceté du monde, se fit construire une petite maison au fond de son jardin pour y vivre le restant de ses jours. Cette tentation de Démocrite repose dans mon âme comme une variation possible sur l'art stoïcien de sortir d'une pièce enfumée. «

Extraits :
La première phrase
La mort sent une odeur fade,
Je sens cette odeur fade :
C’est l'heure du recours aux forêts...

Morceau choisi
Je veux voir à nouveau des couleuvres et des vipères
Je veux voir l'orvet de mon enfance
Vérifier l'effet froid de l'acier qui ondule sans queue ni tête
M' amuser à distinguer le triangle et son venin,
Une machine faite pour mordre et inciser la chair,
De la tête d'olive d'une couleuvre dont le corps n'en finit pas Animaux du Paradis d'avant la fin du Paradis.
Bêtes à sorcières
Quand je découvrais trois ou quatre têtes tranchées baignant [... ]

Haiter - - 55 ans - 30 novembre 2009