Les Odes, suivi de Dame sans Merci et La Vigile de la Sainte-Agnès (Edition bilingue français-anglais)
de John Keats

critiqué par Sahkti, le 4 octobre 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La modernité de Keats
Alain Suied, traducteur pertinent de Keats, est mort le 24 juillet 2008 des suites d'une longue maladie, selon la formule consacrée. Se sachant condamné, il consacra ses derniers mois à John Keats et à la modernisation de sa traduction; oeuvre salutaire qu'il convient de louer comme il se doit, tant le travail effectué par Alain Suied donne aux lettres de Keats leur modernité et leur noblesse au milieu de notre contemporanéité.
Keats lui-même a connu les affres de la maladie, se sachant perdu à la suite d'une hémorragie cérébrale; une situation qui rendra son non-succès de l'époque encore plus douloureux à vivre et assumer. On oublie parfois, de nos jours, à quel point la critique fut dure avec Keats de son vivant et combien il en a souffert.
Un mal-être dont Suied est conscient et qui transparaît dans la traduction qu'il nous offre.

"To take into the air my quiet breath;
Now more than ever seems it rich to die,
To cease upon the midnight with no pain,
While thou art pouring forth thy soul abroad
In such an ecstasy !
Still wouldst thou sing, and I have ears in vain -
To thy high requiem become a sod.

Pour qu'elle emporte dans l'air mon souffle apaisé;
A présent, plus que jamais, mourir semble une joie,
Oh, cesser d'être - sans souffrir - à Minuit,
Au moment où tu répands ton âme
Dans la même extase !
Et tu continuerais à chanter à mes oreilles vaines
Ton haut Requiem à ma poussière."
(pages 28-29)


Le présent volume reprend, selon les volontés d'Alain Suied, la version anglais-français des "Odes", ainsi que "La Belle Dame sans Merci", "La Vigile de la Sainte-Agnès" et des éléments de présentation et de compréhension de l'oeuvre de Keats rédigés par Suied.
L'occasion de (re)lire Keats et contempler ses écrits avec un regard différent, le classique se fait moderne. C'est également un bon moyen de réaliser à quel point cette oeuvre fut bafouée de son vivant, quasiment niée par ses pairs et par la critique à la limite de l'insulte, alors que de nos jours, elle passe pour une des plus influentes de la poésie moderne.

"I look where no one dares,
And I stare where no one stares,
And when the night is nigh,
Lambs bleat my lullaby.

J'ose regarder ce que nul n'ose voir
Et j'observe ce que nul n'observe
Et quand la nuit s'approche
Les moutons bêlent ma berceuse"
(pages 66-67)