Jan Karski
de Yannick Haenel

critiqué par Tanneguy, le 3 octobre 2009
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
Une remarquable page d'histoire contemporaine
Le héros de cet ouvrage est un homme de chair et de sang, né à Varsovie en 1914, mort à Washington en 2000. Après l'invasion de son pays en 1939 par les nazis et les Soviétiques, il rejoint la résistance polonaise où il est notamment chargé de missions de liaison avec les exilés polonais de Paris, puis de Londres. En 1942, après avoir "visité" le ghetto de Varsovie et un des premiers camps nazis d'extermination, il est chargé "d'expliquer" la situation aux responsables politiques à Londres et à Washington qui ne voudront pas croire la réalité : ce sera le désespoir de sa vie. Précisons que lui-même n'est pas juif mais fait partie de la bourgeoisie aristocratique catholique polonaise.

Le jeune écrivain Yannick Haenel a remarquablement construit son récit ; trois chapitres seulement. Le premier relate l'entretien de Karski avec Claude Lanzman pour le film "Shoah" en 1972, le second raconte simplement les aventures de Karski entre 1939 et 1944 telles qu'il les relate lui-même dans un récit publié en 1944 mais largement passé inaperçu. Enfin, dans le troisième Haenel se met dans la peau de son personnage pour commenter ces évènements et ce qui a suivi (Karski, devenu professeur d'université à Washington, est chargé d'enseigner la 2ème guerre mondiale à des étudiants souvent hermétiques à la vérité sur l'action des alliés, le procès de Nuremberg, ou le massacre de Katyn).

J'étais réticent à lire "un livre de plus sur la Shoah"... Je ne l'ai pas regretté et j'ai été envoûté par ce récit, que j'ignorais. Yannick Haenel a fait là un magnifique travail qui mériterait amplement un sérieuse récompense littéraire à la rentrée, si j'en juge par la plupart des ouvrages disponibles de la rentrée 2009...
Contresens 3 étoiles

Quinze ans après la sortie de ce "roman" de Yannick Haenel, qu'en reste-t-il? Une vague polémique déclenchée par les historiens de la Shoah et Claude Lanzmann à qui le livre rend étrangement hommage d'ailleurs.
Tout ça pour ça est-on tenté de se dire. Car si Haenel prend des libertés avec l'histoire, il l'assume et ne cache pas que la troisième partie du livre, celle qui a généré les plus vives critiques, est fictionnelle. D'ailleurs, seule cette troisième partie peut être qualifiée de roman: les deux premières sont des recensions respectivement de l'interview de Jan Karski par Lanzmann dans Shoah (interview dont les rushs donnent huit heures contre quarante minutes montrées) et du livre de témoignage de Karski, écrit en 1944, Mon témoignage devant le monde.
Les deux premières parties préparent la troisième et la thèse principale du livre d'Haenel: Les Alliés, renseignés par les soins de Karski connaissaient la réalité de la situation en Pologne et le sort réservé au peuple juif par les Nazis et pourtant, ils n'ont rien fait.
La critique s'est emparée de ce point particulier, notamment de l'indifférence de Roosevelt face à son témoignage. Cette indifférence se mue bientôt en complicité: pourquoi les Américains n'ont-ils absolument rien fait face au désastre? Ils sont tout autant coupables que les Allemands... Haenel l'écrit littéralement dans ce passage qui est absolument choquant. En relativisant les degrés de responsabilités de la Shoah, le livre semble atténuer le poids de l'histoire qui pèse sur l'Allemagne et de fait, falsifier cette histoire.
Yannick Haennel prend ainsi beaucoup trop de libertés avec l'histoire et les critiques me semblent fondées: en mettant en scène un Jan Karski imaginaire, extrapolé à partir des deux sources que sont le film de Lanzmann et de son livre, Yannick Haennel ne rend pas compte de la complexité du personnage.
Il existe notamment des zones d'ombre entourant ses témoignages, en outre, ses premiers rapports envoyés au gouvernement polonais en exil témoignent des agissements antipatriotiques des Juifs de la zone occupée soviétique. Au final, il ressort de ce livre, en plus d' un ton général pleurnichard de mauvais aloi compte tenu de l'enjeu qu'il veut transmettre, des contresens assez graves et, me semble-t-il une incompréhension de la démarche de Karski. Ce dernier, patriote catholique polonais, a résisté avant tout dans l'intérêt de son pays. Le sort des Juifs qu'il a constaté de visu, notamment dans le ghetto de Varsovie (son témoignage sur sa visite d'un camp étant sujette à discussions), n'a jamais été que secondaire mais il ne pouvait pas l'escamoter dans ses rapports et ses témoignages compte tenu de l'ampleur du désastre constaté. Au point que la Shoah finalement prenne toute la place dans l'œuvre de Karski, reléguant sa lutte antisoviétique par exemple au second plan.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 21 octobre 2024


Du messager au témoin 7 étoiles

Jan Karski est l’homme qui fut officiellement mandaté par deux juifs du ghetto de Varsovie, en 1942, pour dire, à la ville et au monde, qu’à Varsovie, en Pologne, on exterminait dans les pires conditions une part de l’humanité.

De Londres à Washington, l’histoire de ce résistant messager polonais nous est retracée en trois tableaux.

Le témoignage direct de Karski dans Shoah de Claude Lanzmann, un résumé du livre écrit par Karski lui-même et enfin une part fictionnelle où finalement Haenel met du littéraire dans ce qui ne fut au préalable que du littéral.

La force de témoignage de Karski réside d’abord dans ce qu’il n’est pas juif. Tout juste se définira-t-il après guerre comme un catholique-juif.

Au-delà, c’est d’abord un Homme qui parle des Hommes aux Hommes. De beaux développements sur la notion de crime contre l’Humanité, mais aussi la surdité organisée, presque assumée des alliés dans le refus d’entendre le messager Karski. Car rien n’aura bougé après que le message fut délivré. Par non-conformité avec les objectifs de guerre, pour ne pas froisser l’allié soviétique par fond d’antisémitisme largement répandu, quelles qu’en furent les raisons, le résistant de Pologne, ce pays qui ne fut quasiment jamais rien dans l’histoire, ne pouvait que se heurter à tous ces murs.

C’est là, à ce moment que se combine le passage de l’état de messager à celui de témoin que restera Karski, jusqu’au bout, hanté par ce qu’il vit, par les nuits blanches qui lui permirent de continuer de faire vivre encore les morts, pris entre le seul silence vrai et la parole libératoire.

Ce livre de Yannick Haenel est une œuvre utile. Tels Semprun et Primo Levi et d’autres encore, il nous appartient à tous, de savoir que ce message exista. Que l’humanité sait elle-même aller jusqu’à nier son humanité et finalement toujours porter en elle ce silence égoïste, ce mutisme complice, dont elle a beau se mordre les doigts mais qui figurent comme un horizon indépassable.

Monito - - 52 ans - 10 février 2013


Oublions la polémique 7 étoiles

Les premières pages du roman de Yannick Haenel retracent l’instant où Jan Karski témoigna devant la caméra de Claude Lanzmann pour son film Shoah. L’auteur dit d’ailleurs que c’est en voyant le film qu’il a eu l’idée du livre. Face à la caméra, un homme tente difficilement de briser le silence qu’il s’impose depuis des années, incapable de parler de ce qu’il a vu. De transmettre de nouveau le message qu’il a en vain tenté de faire passer au monde en 1942.

Dans la seconde partie du livre, Haenel livre le résumé du livre que Jan Karski écrivit à la fin de la guerre, espérant peut-être que l’écriture parviendrait à faire passer ce que la parole n’était pas parvenue à faire entendre. Ainsi le lecteur découvre « Mon témoignage devant le monde », un témoignage sobre, pudique malgré l’horreur qu’il décrit. Ce qui le rend d’autant plus fort et terrifiant.

Puis vient la troisième partie, celle qui a créé la polémique lors de la sortie du livre. Celle qui permet à l’auteur de le qualifier de roman, puisqu’il se glisse dans la peau du résistant pour le faire parler. Pour libérer une parole tue durant des années. Ce monologue fictif, mais qui bien sûr est le fruit des faits réels connus et rapportés dans les deux précédentes parties, a fait couler beaucoup d’encre. Car les pensées de Jan Karski sont une charge virulente à l’égard des alliés, coupables selon lui d’avoir fermé les yeux, si ce n’est d’avoir été complices de l’extermination du peuple juif en Europe. Et ces pages ont suscité la colère des historiens ainsi que celle de Claude Lanzmann, montrant à quel point les plaies de cette page pas très ancienne de notre histoire sont encore à vif.

N’étant pas historienne, je ne puis apporter mon point de vue sur les faiblesses pointées du doigt dans le livre de Yannik Haenel. J’ai en tout cas beaucoup aimé ce roman, et le « faux témoignage » ne m’a en rien gênée puisqu’à aucun moment je n’ai perdu de vue qu’il était issu de l’imagination de l’auteur.
Pour sortir du cadre de ce seul ouvrage, il semble décidément qu’il soit très périlleux pour un écrivain d’aborder la réalité sous un angle fictionnel, au risque de s’exposer à de très vives réactions. Même lorsque le sujet qui inspire est sans commune mesure avec celui-ci. Je ne citerai pour seul exemple que le roman « Sévère » de Régis Jauffret, mais il y en a d’autres. La littérature ne s’est-elle pourtant pas, de tout temps, inspirée de l’histoire et du fait divers ?

Aliénor - - 56 ans - 23 septembre 2011


Un témoignage incontournable 9 étoiles

Un prix interallié bien mérité. La construction du livre en trois parties, l’entretien, le résumé du livre de Jan Karsky et une fiction, est intéressante. La répétition des faits selon trois angles différents donnent une certaine densité au récit. Quelle épreuve a vécu cet homme ! Il existe beaucoup de témoignages sur cette époque mais celui-ci apporte une autre vision de cette époque et nous rappelle qu’il ne faut pas oublier cette ignominie.

Ichampas - Saint-Gille - 60 ans - 20 septembre 2011


Révélation 10 étoiles

Je ne suis pas friande de livres, romans, essais ou récits, sur cette partie de l'Histoire; pas que je cherche à occulter, voire même à oublier, la seconde guerre mondiale ni le massacre des juifs d'europe, mais j'ai souvent l'impression que dans ces ouvrages rien ne nous permet d'apprendre ou de comprendre le pourquoi. Et finalement, là est bien, pour moi, la question.

Ce livre apporte de nouveaux éléments, dérangeants, une autre vision du dénouement de la guerre et du triomphe des alliés.
Les pouvoirs qui se partagent le monde. Les messages écoutés mais jamais entendus. Le peuple polonais, ses souffrances, son courage, son malheur.

Les 3 parties du roman sont brillamment articulées, et chacune prise individuellement est intense, pleine, poignante.

Lu7 - Amiens - 38 ans - 5 juillet 2010


Terrible 7 étoiles

Tout a été dit, ou presque, dans les commentaires précédents. On ne peut que continuer à s’interroger, et être très mal à l’aise face à cette ignominie collective. Comment peut-il exister des négationnistes, ou de bien tristes individus osant parler de « détail de l’histoire » ?
Il faut lire ce livre, non pas pour comprendre, c’est au-delà du possible, mais pour ne jamais oublier.
Curieusement, la position du Vatican à l’époque n’est pas abordée. Elle aurait pu l’être dans la troisième partie, qui est une fiction, et où l’auteur fait librement parler Jan Karski. Cette partie est d’ailleurs inférieure au reste du livre. Sa lecture n’apporte pas grand chose.

Bernard2 - DAX - 75 ans - 19 juin 2010


Le cavalier polonais 6 étoiles

J’ai lu ce livre en pleine polémique, polémique qu’on peut juger légitime sur le fond même si les arguments développés de part et d’autre m’ont semblé parfois indignes de cette querelle. Ma lecture a pu s’en ressentir.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par les autres lecteurs et rappellerai seulement que ce livre comporte trois parties. La première est une brillante analyse cinématographique du témoignage de Jan Karski devant la caméra de Claude Lanzmann montrant comment le réalisateur par son talent, ses images, ses travellings, le choix des lieux et des symboles (je pense ici à « l’usage » qui est fait de la statue de la liberté), est un médiateur extraordinaire entre le témoin, l’homme à « la parole brisée » et nous, « les spectateurs » mais qui ne retient de Karski que son témoignage sur le ghetto de Varsovie. La seconde est un bon résumé du livre écrit en 1943-44 par ce Polonais qui se veut "résistant et dissident" qui est parfois redondant avec la première partie tout en la complétant en abordant un point que Karski estime essentiel : l’obsession de vouloir « ébranler la conscience du monde » en disant ce qu’il a vu afin que le peuple juif ne soit pas exterminé mais sauvé par les Alliés qui doivent modifier leur stratégie militaire. La troisième partie est un monologue de Karski, imaginé par Yannick Haenel, et qui est une accusation à charge de la passivité des Alliés devant cette horreur absolue. Le messager est devenu témoin mais son message est occulté par la compassion personnelle qu’il inspire. « J’ignorais à l’époque que le meilleur moyen de faire taire quelqu’un consiste à le laisser parler ».
Si personnellement je reconnais à tout romancier le droit d’aborder au nom de la liberté de fiction le sujet qui le touche ou l’intéresse, et il suffit de rappeler le livre de Jonathan Littell « Les bienveillantes », si le côté possessif de Lanzmann vis-à-vis de Shoah m’a souvent agacé, c’est ce mélange des genres - témoignage mis en scène, autobiographie et fiction - qui me gêne. Peut-être Lanzmann a-t-il promis à Karski, pour pouvoir filmer son témoignage, qu’il ferait « mention de [ses] efforts pour sauver les Juifs » alors qu’au final il n’a gardé que le récit de sa visite au ghetto de Varsovie ce qui « changeait le sens de [son] intervention » Mais Karski qui est resté aux Etats-Unis après la guerre a-t-il réellement éprouvé ces sentiments vis-à-vis de la « violence moelleuse américaine » que lui prête le romancier ? Et si c’est le cas, est-ce justifié ? Cette partie du livre me parait plus une thèse développée avec talent mais discutable qu’un roman. La présence des deux premières parties du livre nous empêche d’avoir la distance nécessaire pour parler d’une œuvre artistique et l’apprécier ou non en tant que telle.
En revanche j’ai beaucoup aimé les quelques pages où Haenel redevient un pur romancier quand il imagine la vie plus intime de son héros, quand il raconte ses nuits blanches faites de tourments et d’effrois mais aussi de tendresse féminine, quand il parle du « Cavalier Polonais » peint par Rembrandt qu’il découvre à la Frick Collection de New York, quand il révèle la beauté de Pola qui « avait la grâce des femmes que les secrets rendent lointaines », quand il sait que son sourire est un aveu charmant dans un monde où le même mot, aveu, peut signifier torture infâme et bourreaux ignobles.
Je reste donc dubitatif devant ce livre dont je reconnais les qualités qui n’en masquent pas les ambiguïtés. Mais bien sûr ce n’est que mon avis.

Jlc - - 81 ans - 18 février 2010


Un angle à part 10 étoiles

Certes le sujet a déjà fait imprimer un nombre de livres considérables, tous plus poignants les uns que les autres.
Certes on n'en finit pas de traiter la Shoah, de tous les points de vue et sous tous les formats.
Certes c'est une nécessité, un devoir de mémoire absolu.

Mais si, finalement, on devait en lire "peu", je conseille ce livre tout à fait passionnant, atroce, cruel, sur ce personnage exceptionnel que je ne connaissais pas et dont l'histoire est unique. C'est un livre intimiste, au plus proche d'un témoignage singulier au coeur de l'horreur. Elle y est décrite par quelques rares phrases -épouvantables- qui, en quelques mots, vous font entrevoir ce qu'a pu être la Shoah, ce qu'elle a eu d'inhumain au sens littéral du terme.
Ce livre pointe aussi la culpabilité induite du monde libre, largement informé dès 1942, et qui laissera faire dans une lâcheté coupable. Intéressant point de vue aussi sur le procès de Nuremberg, bien commode pour enfouir à jamais l'immobilisme des forces alliées en faisant condamner les acteurs de l'holocauste pour "en finir".
C'est un livre court, dense, très bien écrit, un livre à lire même pour ceux qui ne tiennent pas particulièrement à se plonger dans l'abomination, car c'est un livre qui questionne chacun sur la culpabilité personnelle, le poids du témoin devant le mal, témoignage qui dépasse de loin une époque révolue et dont les principes valent encore aujourd'hui.

Victhis0 - - 58 ans - 29 janvier 2010


Bouleversant témoignage 9 étoiles

L’auteur nous donne ici un des meilleurs romans de l’année 2009 car c’est poignant de bout en bout.
Le livre se déroule en 3 parties : la première où il nous transpose l‘interview du résistant polonais Jan Karski devant la caméra de Claude Lanzmann journaliste français et ce pour la réalisation de son reportage « Shoah » en 1985.
Au cours de cet entretien , le témoin polonais a de grosses difficultés à raconter ce qu‘il a entendu au cours de sa mission d’agent entre la Résistance polonaise et le gouvernement polonais en exil à Londres « je ne reviens pas en arrière…. je ne retourne pas à mes souvenirs ».
Les deux hommes qu‘il rencontre dans la capitale anglaise lui demandent de transmettre aux alliés la nouvelle que Hitler est en train d’exterminer tout le peuple juif dans des camps de concentration en Pologne. et il doit aussi faire rapport sur le ghetto de Varsovie.
Et au cours de sa visite il rencontre l‘enfer.
Dans la deuxième partie, l‘auteur établit un résumé du livre de Jan Karski « Story of a secret State » traduit en 1948 sous le titre « histoire d’un secret d’Etat » puis réédité en 2004 sous le titre « Mon témoignage dans le monde » : il fait rapport sur la situation des juifs dans les territoires occupés par les nazis et par les bolcheviques.
C’est l’un des premiers témoignages importants sur la dévastation de l’Europe ainsi que sur la politique de terreur à l’encontre des juifs qui conduira à leur destruction.
Enfin la troisième partie Yannick Haenel se livre à un exercice de fiction en mettant paroles et pensées dans la bouche et l‘esprit de Jan Karski mais basé sur un fond historique réel.
Ici il accuse les Alliés qu‘il a avertis du drame de la Shoah. notamment en rencontrant Roosevelt, président des Etats Unis de n‘avoir rien fait pour empêcher l’extermination des juifs d’Europe : ce fut un crime non pas contre l‘Humanité mais par l‘Humanité !!
On est une fois de plus scandalisé par la non assistance à un peuple en danger de disparition.
L‘auteur aurait pu aussi mettre en cause la passivité de l’Eglise catholique de par l’attitude du pape Pie XII dont le silence fût tout à fait incompréhensible.
Ce livre m‘a vraiment bouleversé autant que le film de Claude Lanzmann disponible en DVD.

Francesco - Bruxelles - 79 ans - 19 décembre 2009


La simplification volontaire 4 étoiles

On nous refile encore une fois n’importe quoi sous le couvert de la fiction afin de ne pas passer inaperçu lors de la rentrée. Ce livre est un amalgame bizarre qui est en fait une narration de reportage ; un extrait d’entrevue, un résumé de livre et une courte biographie à peine romancée.

Jan Karski est un personnage historique intéressant. Malheureusement, on apprend peu de l’homme derrière le messager. De même, il y’a rien de nouveau sur la période de l’Holocauste. En raison de la forme, les répétitions sont fréquentes et le ton est sanctifiant.

L’hommage est senti mais bon, si on s’intéresse vraiment au sujet, il est préférable de visionner le documentaire exceptionnel « Shoah » de Claude Lanzmann.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 2 décembre 2009


La shoah sous un autre angle 9 étoiles

Je n'ai aucun mérite à avoir lu ce livre, puisqu'il m'a été imposé, mais je dois dire que je ne le regrette pas. Dès le départ, je pensais en effet lire "un livre de plus sur la shoah", mais plus que ça, ce livre aborde des aspects que, personnellement, je ne connaissais pas. Notamment le rôle des polonais, qui n'ont pas fait qu'être envahis, leur souffrance, et les fausses croyances.

Le premier chapitre est intrigant, à la façon dont il est écrit. Il décrit Jan Karski face à la caméra de Claude Lanzmann, en tentant de donner une approche de ce qu'il vit alors à travers ses yeux, son expression, et ses mots. Le chapitre est fait d'un seul paragraphe, comme pour nous montrer que Karski vit les choses, à cet instant où il (non, se reprendra-t-il, il ne revient pas dans le passé) témoigne, d'un bloc, sans arrêt, qu'il n'y a pas de répit pour lui, que ces choses l'ont suivi sans aucun moment de pause, que son message a tourné en boucle continuellement dans son esprit, sans lui laisser le repos. Ce premier chapitre marque la fin de son histoire telle qu'elle nous est narrée. Le second revient au tout début, lorsque, soldat, il a été embarqué dans cette guerre, et qu'il a vécu le sort des polonais.

Cette seconde partie nous décrit donc son histoire, résumée du livre de Jan Karski, comme un roman d'espionnage, les actes de Jan Karski au sein de la résistance polonaise, ses missions, ses démêlés avec la gestapo, et ce qu'il a vu, bon dieu, ce qui lui a été montré, jusqu'à sa dernière mission : rapporter au monde extérieur, au monde libre - aux alliés - ce qu'il en était des juifs. Plus rien. L'anéantissement. Ainsi donc il repart pour le "monde libre" et livre son message. C'est le point central de son histoire : le messager. Il a été depuis ce jour et pendant des années un messager qui tentait d'ouvrir les yeux du monde sur ce qui se passait, de leur faire prendre conscience de ce qui était entrain d'arriver dans le monde, et du fait que quoi qu'il se passe dans la tête des gouvernements, quelle que soient leurs stratégies, il fallait agir ! Maintenant !

La dernière partie est une fiction de l'auteur dans laquelle il se place dans la peau de Karski et tente de donne une approche de ce qu'il a vécu depuis ce moment, psychologiquement. C'est la suite directe du second chapitre. A partir de ce jour, nous avons un aperçu de ce qu'il vivait, sa prise de conscience du monde, et du fait que son message tombait inexorablement dans des oreilles sourdes. Son traumatisme, dit-il - le moment où il est mort - c'est à partir de là que tout s'est terminé. Les nuits blanches ont succédé à la vie ; des nuits dans lesquelles il se répétait sans cesse ce message, pour ne pas l'oublier.
A travers le parcours de cet homme dans les États-Unis d'après guerre, nous voyons comment la conscience du monde s'est mise en place, toute seule, sans l'aide de Karski, et sans jamais que son message ait eu un quelconque impact. De messager, il est passé témoin, mais toujours en lui, ce message qui passait, et repassait, sans cesse, ne lui laissant pas de répit. Il a écrit, il a donné des conférences, et enfin, il a témoigné pour le film Shoah. Mais il n'arrêtera jamais, car le témoin ne s'appartient pas ; il appartient au témoignage, à ce qu'il doit transmettre.

Tommyvercetti - Clermont-Ferrand - 36 ans - 15 novembre 2009


A lire absolument 10 étoiles

Comme les marches d'un escalier qui nous conduirait vers la vérité la plus inaudible... trois paliers d'une écriture bouleversante …. dans le sillon d'un destin unique, celui de Yan Karski, messager chargé par la résistance polonaise d'informer les alliés de l'extermination des juifs polonais par les nazis. Yannick Haenel nous fait pénétrer l'âme de ce « Juste entre les Nations » qui traîne son fardeau depuis 1943, au rythme d'une plume acérée, au travers d'un récit de plus en plus dense, guidant le lecteur vers une vérité douloureuse et presque indicible. « L'holocauste ne fut pas un crime contre l'humanité, il fut un crime DE l'humanité ».
Ce livre est tout simplement bouleversant. Son message participe de la réécriture nécessaire de l'histoire à la lumière des témoignages que celle-ci n'a pas voulu entendre et que Y. Haenel fait resurgir du passé. Il nous montre également une Pologne, certes antisémite, mais aussi héroïque et résistante malgré la double oppression nazie et soviétique, créant un gouvernement clandestin réfugié à Londres, attendant une aide qui ne viendra pas, seul pays d'Europe qui sait que son destin est de subir le joug mais qui ne se soumet pas.
A lire absolument...
Comme Tanneguy, je pense que ce livre mériterait d'être distingué lors de la remise des prix de cette rentrée.

Papyrus - Montperreux - 64 ans - 18 octobre 2009