Mémoires - Les champs de braises
de Laurent Beccaria, Hélie de Saint Marc

critiqué par Renardeau, le 30 décembre 2001
(Louvain-la-Neuve - 66 ans)


La note:  étoiles
Engagement, fidélité, honneur
Une vie, un destin. Hélie de Saint-Marc a fait partie de la résistance en France, il a été déporté à Buchenwald. A la libération, il s'est engagé dans l'armée, puis a choisi la légion étrangère.
Il a été envoyé en Indochine, pays qui lui a inspiré une grande passion. Ensuite, ce fut l'Algérie et sa guerre fratricide. Il fut du putsch d'Alger, connut le jugement, la prison.
La vie mouvementée, mais d'une grande cohérence d'Hélie de Saint-Marc défile, avec son aventure, ses questionnements, ses espoirs, ses désespoirs.
Hélie de Saint-Marc a vécu une grande part de notre histoire contemporaine. Il parle de ces pays meurtris, le Vietnam et l'Algérie, si mal rendus à leur indépendance, dans les bredouillements politiques et les compromissions. "Je me refuse à trier entre les tombes. Je préfère raconter ce que j'ai vu, au plus près des faits."
Il fait part de son malaise pendant la bataille d'Alger, en 1956 et 1957 et parle de la torture, bien avant les soi-disant révélations de ces derniers mois. "...le pouvoir politique avait décidé de donner à la 10ème division parachutiste les pleins pouvoirs sur Alger... on donnait à tout officier la possibilité de se rendre chez n'importe quel habitant d'Alger, de l'interroger, de le mettre au secret un temps indéfini,..."
A soixante-treize ans, Hélie de Saint-Marc se souvient, raconte ce qu'il a appris du courage, de l'engagement, de la fidélité, de l'amour ...
L'écriture d'Hélie de Saint-Marc est superbe. Ses interrogations douloureuses tranchent sur la tiédeur de l'époque et de la plupart des prises de position frileuses. Il ressort de son livre une grande humanité, et une grande beauté du monde et de la fraternité.
Héros de toutes les défaites 9 étoiles

On ne racontera sans doute jamais assez le sentiment d'une génération de Français confrontés à la marche de l'histoire, dépositaires d'une glorieuse histoire et d'une culture millénaire et devant faire face, dans un combat perdu d'avance face à la puissance des forces adversaires, à la déchéance.

Si ce sentiment d'impuissance et de lent déclin a agité (et continue d'agiter) les hommes et les femmes qui ont vu la France humiliée et plus maître de son destin, nul sans doute plus que les soldats envoyés défendre un empire qui ne voulait pas dire son nom n'a éprouvé ce sentiment.

Dans ses mémoires, Hélie Denoix de Saint Marc retrace ce long parcours durant lequel il accompagne cette longue série de défaites à laquelle s'ajoute le renoncement à la parole donnée et à l'honneur.

C'est d'abord la défaite de 1940, l'entrée dans la résistance, l'arrestation en essayant de passer en Espagne. Réduit au rôle de prisonnier des nazis, il parvient à survivre aux conditions de détentions du camps de Langestein, sa maladie finale lui permettant d'échapper à l'évacuation du camps (les fameuses marches de la mort).
Puis, Saint-Cyr achevé, il part en Indochine pour défendre la présence de la France. Le combat, tout d'abord colonial se mue vite en une lutte contre le communisme. Cette lutte rallie nombre de Vietnamiens dont les minorités montagnardes. Battue, la France doit abandonner ses partisans dont le sort est facilement devinable. Les boat people sont là pour en témoigner.
Puis, l'Algérie. Ayant battu le FLN sur le terrain, les militaires seront victimes de la politique parjure de la métropole. Encore une fois, nombre de d'habitants se rangeront aux côtés de la France, on les assurera toujours de la volonté indéfectible de notre pays de les protéger. Mais voilà, la politique a ses raisons et une nouvelle fois la France reniera sa parole. C'est la goutte d'eau qui fera déborder le vase... considéré comme un rebelle, il sera condamné à dix ans de prison et libéré au bout de six.

Au-delà de la personne même de Denoix de Saint Marc, en tout point admirable (par exemple, il n'a jamais eu à pratiquer la torture pendant la bataille d'Alger, ce n'est pas pour autant qu'il crache sur ceux qui ont eu à le faire...), ce livre raconte le destin de la France qui s'est joué au sortir de la Première Guerre Mondiale, le long glissement de la position de puissance dominante à une puissance de second rang puis aujourd'hui, à pays impuissant sans les outils de ses ambitions et surtout sans âme, sans projet national.
Un épisode illustre ceci: l'intervention en Egypte en 1956, alors que les paras avaient réussi à neutraliser la menace sur le canal de Suez, les USA et l'URSS siffleront bien vite la fin de la récréation et les européens seront humiliés à la face du Monde.

Vince92 - Zürich - 46 ans - 5 septembre 2015


Devoir de lecture 10 étoiles

Hélie de Saint Marc nous livre là un récit bien différent de ceux de nos livres d'histoire. Il permet réellement d'appréhender notamment la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie et ses suites, d'un oeil nouveau. De découvrir l'amertume de ces officiers que les événements obligent par deux fois à abandonner des peuples auprès desquels ils s'étaient engagés... Un livre passionnant!

Maxence - - 40 ans - 9 juin 2006


Intéressant ! 8 étoiles

Un homme qui, comme Semprun, a vécu des années plus que difficiles !... Ce livre semble écrit par un homme qui a beaucoup vécu et s'est posé beaucoup de questions. Cela devrait être intéressant et je compte bien le lire.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 31 décembre 2001