Le chant du moqueur
de William Goyen

critiqué par Jlc, le 22 septembre 2009
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Les prometteuses esquisses d’un écrivain.
William Goyen est un écrivain texan (1915-1983) que le grand traducteur Maurice-Edgar Coindreau fit connaître en France, il y a plus d’un demi siècle, par son enthousiasme pour cette œuvre originale et belle.
« Le chant du moqueur » réunit sept nouvelles écrites pour la plupart dans les années quarante où on remarque déjà les thèmes dominants de l’univers de William Goyen tels le déracinement et la peur du monde urbain, la retrouvaille du passé, le mystère du fantastique et parfois de l’enchantement, l’enfance et sa perte par « le mal [qui] nous pousse vers l’état adulte », l’attrait pour les êtres différents, innocents et ceci dans un style très épuré, simple et sensuel empreint de poésie et de tendresse.
La nouvelle qui donne son titre au recueil raconte en quelques pages bouleversantes la rencontre de l’auteur avec un nouveau voisin, Jim un garçon de son âge dont la famille ruinée par la mort du père a dû quitter ses terres d’Arkansas et s’installer dans une ville texane. Il faut savoir que William Goyen a personnellement vécu cette expérience traumatisante dont il ne s’est jamais vraiment consolé. Il peint avec beaucoup de pudeur cette famille de paysans perdus dans une ville qui n’est pas faite pour eux et dont la « simplicité, une douce retenue proche de la timidité, une façon d’être vous donnait immédiatement l’impression qu’ils étaient bons ». Certains de ces déracinés vont mourir de chagrin ou plutôt de « ce sentiment d’abandon que personne ne pouvait partager », les autres retourneront en Arkansas laissant leur voisin désemparé et seul avec son oiseau moqueur dont le chant lui devient alors insupportable.
Les nouvelles sur l’enfance et son paradis perdu sont très bien écrites, la poésie du style s’accordant à des situations extraordinaires : ainsi de cet enfant qui court sans fin pour sauver son petit frère et en devient mutique ; « je souffrais de la solitude et de ne pouvoir goûter une parole amie, mais personne ne me parlait ; on ne me voyait même pas » ; ou de cet autre qui découvre la sexualité, ce mal qui l’extrait de l’enfance.
Dans « la parabole de Perez », l’auteur décrit un personnage sourd muet qui « racontait avec les yeux » à Manuella qui ne l’entend pas. « Privé de langage et d’expression, Perez se mouvait dans un monde merveilleux, une euphonie de silence. » Patrice Repusseau, le remarquable traducteur du livre, écrit dans sa préface que Perez est un autoportrait de Goyen qui lui aussi vécut plusieurs périodes mutiques. C’est en tout cas superbe.
William Goyen sait aussi écrire de désopilantes satires comme cette histoire de tapioca qui est d’un humour noir féroce et drolatique.
Oui « Le chant du moqueur » est bien une promesse et une invitation à découvrir davantage cet écrivain qui conclut ainsi la première nouvelle : « j’ai vieilli et je ne crois pas avoir trouvé mon chemin ».


Bouteille à la mer : Puis-je suggérer à l’éditeur, si par extraordinaire il venait à lire ces lignes, de publier à nouveau ce petit livre dans la collection Folio à 2 euros ? Il permettrait ainsi de mieux faire connaître cet excellent écrivain et par là même ses autres livres. Le bonheur littéraire pourrait ainsi rejoindre la nécessité commerciale. Merci.